samedi 12 juin 2010

Les héritiers !

Dans la cité pavillonnaire qui se trouve juste en bas de chez moi, il y a des tas de petites « maisons ouvrières », comme on disait, avant la guerre…


Des petits pavillons d’un étage maximum, avec un toit en tuiles mécaniques rouges. Beaucoup de ces maisons ont leur bout de jardin, grand comme un mouchoir de poche. Il y a aussi des maisons où tout est construit, le jardin est en pots, en bacs, les balcons sont chargés de fleurs, de petites tomates cerise, les rampes d’escaliers qui mènent au 1er étage sont toutes grimpées de lierre, des suspensions débordent de géraniums, de pétunias. Les plus chanceux ont un arbre, un rosier, voire même un arbre fruitier, abricotier, cerisier, je vois un énorme saule pleureur qui pleure magnifiquement.


Les chemins qui mènent à ces châteaux sont bien entretenus par la commune, des réverbères, façon ancienne, éclairent les places de parking qui longent les habitations. C’est un petit Paradis, les voitures n’y circulent presque pas, c’est le silence, seuls les oiseaux font du vacarme, et les anniversaires, de temps en temps, on s'invite entre voisins, on fait de la musique...


Donc, juste en bas de chez moi, il y a une maison de ce style, avec un gros bout de jardin. Le couple qui y habitait y faisait pousser des oignons, des échalotes et des salades, je n’ai pas connu les pommes de terre, les choux, les haricots verts, c’était sûrement la culture d’avant mon arrivée ?


Ils avaient un beau cerisier, contre le mur mitoyen. Les soirs d’été, ils s’y tenaient sur un banc, tous les deux, en amoureux. Au printemps l’arbre était tout blanc, en été, il portait ses pendants d’oreilles, rouges. Mais, c’est maintenant que j’y pense, je ne les ai jamais vus cueillir de cerises. Les pendants d’oreilles, les aurais-je inventés ?


Un jour, ils ont coupé le cerisier, vlan ! Il était pourri depuis longtemps, m’a dit une voisine. Ils ont même enlevé le banc. Plus de soirs calmes sous les branches, à la fraîche.


Ils ont continué à remuer la terre, ils ont laissé juste les oignons, ils avaient de la peine à bêcher davantage.


Un jour, le monsieur est mort. L’herbe a commencé à pousser dans le désordre le plus total, plus d’oignons, plus rien que de l’herbe pour les lapins, mais dans le coin, personne n’a de bestiole à nourrir, ce n’était pas nécessaire de couper, ça faisait juste beau.


La dame pendant longtemps a continué à faire ses courses, avec son petit cabas gris, son imper assorti, qu’elle portait toute l’année. Je la voyais marcher toute tranquille, pour aller au marché. Plusieurs fois dans la semaine, elle revenait avec son pain sous le bras. Jamais personne ne venait la voir, jamais une voiture ne stationnait devant sa grille…De mon balcon, je voyais tout ça en arrosant mes fleurs.


Je ne sais pas pourquoi ça me rassurait de la voir aller et venir avec ses courses. Je me disais, rien ne change, tout est pareil, elle sera éternelle, et moi avec. La petite maison était vivante, la dame fermait juste les volets le soir, ne partait jamais en vacances, il y avait du monde toute l’année. L’herbe poussait où elle voulait, c’était un petit bout de campagne à la ville, très près du métro.


Puis, pendant un moment, je ne l’ai plus vue.


L’autre jour, en parlant avec ma voisine de palier, qui la connaissait très bien, elle me dit : Vous ne savez pas ? Elle est morte le mois dernier, ils sont dix, dix héritiers, ça ne va pas être facile. Le choc ! C’en était fini de l’éternité, moi aussi je prenais de la bouteille…


Cette semaine, tout d’un coup, la maison s’est mise à bouger, deux voitures : une dans le jardin, dans l’allée à désherber, et l’autre sur le bateau. Les fenêtres se sont ouvertes, et j’ai vu des tas de gens passer, très affairés, j’ai tout de suite supposé que c’était les héritiers… Mais je n’en ai pas compté dix… C'était peut-être le jour de l'inventaire ? De la prise de possession des lieux ?


Et puis après, les idées vont bon train… Avec la hausse immobilière, si près de Paris, une petite maison avec un bon bout de jardin, ça vaut sûrement des fortunes… Comme les héritiers sont nombreux, la maison ne va pas changer trop vite de main. A moins qu’ils s’entendent tous parfaitement ? Que ce soit une famille modèle ?

Attendons la fin…

Je vous ferai signe !

6 commentaires:

Maité a dit…

J'aime bien votre histoire, pas trop la fin...Bon week-end !

Album vénitien a dit…

Moi aussi j'aime bien cette histoire..qui me touche intimement parce que il y a peu...dans une moindre mesure ...:-(
Alors, j'attends la suite, pourvu que ce soit une famille " bien"..tous les espoirs sont permis.
Bon week-end à vous.

D'Art en Arts a dit…

J'aime bien ton histoire, plus vraie que vraie, dommage que tous ces héritiers ne se soient pas manifestés avant, pour faire de temps en temps une petite visite à cette dame...

Danielle a dit…

Merci à toutes les trois, d'avoir aimé mon histoire chacune à votre manière...

A très bientôt...

Passez un très bon dimanche.

VenetiaMicio a dit…

J'ai bien aimé cette petite histoire.Est-elle réelle ?
C'est drôle comme il arrive du monde lorsqu'une personne vient à disparaître, alors qu'elle avait semblé seule jusque là...
Cette histoire me fait penser à un film qui date un peur et que j'avais bien aimé...escalier C.
Le connaissez-vous, la vie dans cet escalier au quotidien, ceux qui font parler d'eux et ceux qui sont comme des fantômes.

Bonne soirée
Danielle

Danielle a dit…

Oui Danielle, cette histoire est réelle, elle se passe vraiment en bas de chez moi. Moi aussi j'ai eu un peu de peine de voir ces gens arriver alors que la dame avait disparue...

J'avais adoré ce film de Jean-Charles Tacchella...

Je crois bien que je l'ai vu deux fois !

La vie dans l'escalier, c'est un peu en effet comme la vie dans ce jardin, et dans mon ascenseur.

A bientôt Danielle.