samedi 30 octobre 2010

Venise août 2010... Giacomo Favretto.

Je n’étais pas pressée de revenir au Musée Correr, qui abrite des œuvres d'art, des documents, des objets et des cartes témoignant de l'histoire et de la vie quotidienne de Venise à travers les siècles... Des trésors, c’est évident.

Lors de ma visite précédente, j’avais eu envie de tout voir, mais pour cela il faut de l’endurance, le musée est énorme, et aucun siège de prévu pour s’asseoir, se reposer, rester tranquille cinq minutes, reprendre des forces, rien, rien, rien, si fait qu’au bout d’une heure, j’avais envie de m’écrouler par terre de fatigue. Je lorgnais même les sièges des gardiens qui dormaient d’un œil, assis bien confortablement.

En sortant, épuisée, j’avais écrit sur le cahier de doléances des visiteurs : on veut des sièges, on veut des sièges (car je n’étais pas toute seule à souffrir du voyage), pour pouvoir se reposer un peu entre chaque merveille.

Il me semble bien, pour l’avoir vérifié l’année suivante, que j’avais été écoutée, car en filant à la grande bibliothèque Marciana, j’avais remarqué des sièges… J’avais eu la surprise de découvrir également, juste avant la visite de la bibliothèque, une exposition temporaire, avec un talentueux peintre aquarelliste contemporain : Aldo Andreolo, (peintre qui travaille à Venise), j’en garde un souvenir ému. Si vous voulez en savoir plus allez voir sur le site : http://marciana.venezia.sbn.it/internal.php?codice=616

Cette année, aucun problème, l’exposition Favretto se tenait dans une aile du musée, il y avait des sièges partout, je pouvais me poser et regarder de tous mes yeux. Je ne connaissais pas ce peintre, mais l’affiche qui annonçait l’exposition m’avait enthousiasmée… Il fallait voir ça à tout prix.

Voir Venise au 19e siècle, avec la beauté et les lumières de l’affiche, je n’ai pas marché, j’ai couru



Bien m’en a pris, l’exposition était importante, beaucoup de toiles, très peu de monde. Après coup je me suis dit, si j’avais su qu’il n’y avait aucune carte postale, aucun catalogue de cette exposition en vente à la boutique, j’aurais tiré subrepticement mon petit appareil photo de mon sac, pour prendre mes souvenirs personnel, il y avait peu de gardiens, j’avais l’air honnête, tout m’était favorable…



Mais j’ai fait sagement le parcours, sans rien faire d’autre que d’admirer avec mes yeux.

Quel bonheur cette peinture, Venise m’apparaissait telle que je voulais me l’imaginer, en pleine activité quotidienne, populaire, authentique, les berges de la Giudecca étaient comme une plage qui descend en pente douce vers la mer…



Une belle vue d’un marché sur le campo San Polo, tel que, je reconnais chaque maison, l’église… Quelle beauté !



Et là encore, les lavandières... Le linge étendu sur les cordes entre les piquets que l’on peut redresser comme on veut, pour ne pas laisser les draps traîner par terre, formait de grands étendards, tels qu’on peut les voir encore à Burano, sur la Gieudecca, dans les cours où sèche le linge.





Un grand tableau presque blanc, où figuraient de grands draps pendus, touchant presque le sol, me retint un long moment, par sa beauté, sa simplicité, son économie de couleurs, sa lumière, une très belle œuvre.



La peinture de Favretto (qu’on appelle maniériste !... Moi je dirais plutôt académique, surtout au début de sa carrière), est une belle peinture, façon impressionniste, où les ombres et les lumières scintillent sur toutes choses, une peinture froufroutante de couleurs. Il peint des scènes de rue, d’intimité familiale, des paysages, des promenades, des ateliers, et le dernier tableau du peintre était là… La dernière œuvre d’un artiste est toujours pour moi passionnante entre toutes, sa dernière signature, ses derniers coups de pinceaux, ses dernières pensées, ses dernières couleurs, son dernier regard, comment cela est-il possible, si jeune, 38 ans, Favretto est né et mort à Venise de la fièvre typhoïde (1849-1887).



Liston odierno (dernière oeuvre de Favretto, 1887)



Je suis moins sensible aux scènes façon 18e, qu’il imaginait aidé des membres de sa famille, qu’il habillait avec les costumes d’époque, d'un grande banalité.


Mais quand je tombe sur le marché à Venise, les rues de Venise, les lessives de Venise, les gens de Venise… Je me tais... Je vous laisse regarder cette belle découverte (pour moi)…

mardi 26 octobre 2010

Alice... Est renversante.


Vous vous souvenez d'Alice, ma voisine de 96 ans qui ne voulait plus continuer à vivre ? (post du 31/8/2010)

Je l'ai rencontrée dans la rue cette semaine, elle allait, légère, à petits pas, menue, une grande baguette de pain sous le bras, il faisait beau, elle avait juste un beau gilet sur le dos, pas de manteau, pas d'imper, on était encore en été... Ses cheveux, je ne sais plus s'ils sont blonds ou blancs, toujours bien peignés, ondulent...

Bonjour Alice, comment allez vous ? On s'embrasse, on se sourit...

Bien, merci, je reçois ma fille à midi, une seule phrase dans le même sourire.

Vous faites quoi à manger ? Je fais un rosbif, je fais toujours un rosbif, ah bon ! Oui, toujours, avec des petites pommes de terre, super ! Et le dessert ? Une crème renversée, magnifique Alice, moi aussi j'adore ça.

Alors-là nous étions à égalité, car moi aussi je fais souvent des crèmes renversées, ou des crèmes au caramel. Mais Alice, comment faites-vous votre crème ? Vous mettez du caramel au fond de votre moule ? Bien sûr, vous faites cuire au bain marie ? Bien sûr.

Nous étions quasi concurrentes, avec notre meilleur dessert familial, ses fils le réclament, ses filles aussi. Elle avait tout fait le matin, de bonne heure, il manquait juste le pain qu'elle avait sous le bras.

Maquillée, parfumée, elle était prête pour la réception.

Dans l'ascenseur... Nous avons encore peaufiné notre conversation sur la crème renversante.

Bon appétit Alice, passez du bon temps avec votre fille...

On sonne à la porte, j'ouvre et je trouve Alice, une petite assiette à la main remplie de crème aux oeufs... Tenez ! Mais Alice, il ne fallait pas, vous avez détruit l'harmonie de votre dessert, pas du tout, ça me fait plaisir, prenez, elle est ratée, il y a des petits trous partout... J'ai dû la faire trop cuire.

Alice, merci beaucoup, il ne fallait pas, mais le sourire en disait plus long que les paroles, il fallait prendre l'assiette, avec la crème amitié, embrasser Alice et refermer la porte.

Il y avait bien les petits trous partout dans le dessert, ces petits trous je les connaissais bien, toute âme sensible qui fait des crèmes au caramel connaît bien ces petits cratères épouvantables qui naissent d'un thermostat trop élevé, et qui ruinent l'aspect lisse et impeccable qu'aurait dû avoir le dessert, culte.

C'était dimanche, un dimanche avec dessert d'Alice.

C'est fou comme Alice me met de bonne humeur ce dimanche... Elle continue.

Venise août 2010... La Tempesta de Giorgione.



La galerie des beaux arts Accademia est incroyable, fantastique, exceptionnelle, elle renferme des œuvres sublimes... On peut y passer des heures, sans jamais se fatiguer. Il n'y a pas la foule...


Vous pensez bien que j'y suis allée plusieurs fois dans le mois, le cœur joyeux, mais comment peut-on faire le tour de la question même en plusieurs fois ?


La chapelle intérieure du musée (ancien couvent), la salle n°23, est entièrement restaurée, superbe, pleine de chefs-d’œuvre qui me tirent des Ah ! Des Oh ! (avec discrétion) : beaucoup de Giovanni Bellini, de splendides retables réunissant également le père et les fils, Vivarini, Mantegna, Mansuetti, Veneziano, Carpaccio... Giorgione avec deux tableaux, la Vieille et la Tempesta : ces deux toiles tranchent avec toutes les œuvres exposées dans la salle (Madone, Saints, retables... des œuvres religieuses) et, sachant quel vacarme ce tableau fait depuis 500 ans, je suis allée jeter un coup d'œil appliqué. Voilà donc comment je l'ai vu :


Une nature luxuriante, remplit presque tout le tableau, qui n'est pas grand. Il n'y a pas un souffle de vent, car aucun mouvement ne l'indique, les arbres s'élancent droits, sous un ciel bleu sombre très ennuagé, où l'on voit luire un éclair, juste au dessus de la ville dont on aperçoit les architectures et les belles cheminées vénitiennes.


Sur le toit, le plus haut du paysage urbain, se tient un échassier, immobile, blanc, avec un long bec, il semble regarder du côté de l'éclair, sans bouger sur sa longue patte. Une rivière, qui partage exactement le tableau en deux, coule tranquille sous un beau pont de bois. Son cours aboutit entre les deux magnifiques personnages, un homme à gauche, une femme à droite, donnant le sein à son enfant. Une petite construction, surmontée de deux colonnes, sépare la rivière en amont et en aval...


La belle jeune femme, presque nue, est assise dans l'herbe... Une étoffe blanche, le haut d'une robe dénouée, entoure ses épaules, et protège le bébé qui est assis tout près d'elle. On voit le petit derrière de l'enfant sur les vagues de l'étoffe blanche.


La pose n'est pas facile pour allaiter un enfant... Mais au diable la réalité, je ne suis pas de celles qui comptent les vertèbres, les distorsions des corps, les perspectives bien mesurées, les points de fuite bien distribués, pour vérifier si la reproduction du réel est au rendez-vous, non, la pose de la dame est gracieuse, aimante, douce et raffinée, l'atmosphère est émouvante, l'artiste l'a placée là, pour notre plus grand plaisir.


La jeune femme dirige son regard vers l'extérieur du tableau, sans toutefois regarder le spectateur, ses yeux sont noirs et doux, ses bras protecteurs entourent son enfant, elle est tout à fait à l'aise sous notre regard.


Juste devant elle, le peintre a fait grimper les branches d'un petit buisson, écran de dentelle fine, tatouage léger, sur le bas de son corps.


Un homme, jeune aussi, à l'extrême gauche du tableau, tient son bras droit appuyé sur un long bâton de bois, planté dans le sol, il a le bras gauche souplement replié dans le dos, les deux pieds bien plantés en terre, en équilibre parfait. Il est habillé de façon modeste, sandales et culotte courte à crevés, rose, une chemise blanche à manches longues, jambes nues. Il a belle allure.


Il sourit en regardant, sur sa gauche, la jeune femme et son bébé.


La chemise blanche et la robe dénouée se font écho avec leur couleur blanche, si fait que mon regard va de l'un à l'autre des personnages, réduisant la distance qui les sépare.


L'orage est loin d'eux, sur la ville, et pourtant, rien ne semble les presser, lui attend tranquillement, elle, s'est déshabillée presque entièrement, pour nourrir leur (?) enfant, dans cette proximité délicate. L'oiseau sur le toit (un héron ?), n'est pas dérangé non plus, il se tient bien droit sur ses deux pattes.


Le paysage est calme et paisible, la nature est partout présente, la lumière dorée est magnifique de douceur et donne à l'ensemble une grande sérénité.


Il y a juste un éclair dans le ciel...


Quel beau moment on passe devant cette œuvre ! Merci Giorgione.


Je sais que bien des interprétations multiples existent à propos de ce tableau (allégoriques, mythologiques, politiques, familiale : origine de la famille Vendramin ?) personne n'est d'accord, plus de 500 ans après... Alors j'en profite pour vous faire partager mon regard naïf et enthousiaste.


Je sais aussi, pour l'avoir lu quelque part, que Giorgione était très amateur des choses de l'amour... Et qu'en fait, on sait peu de chose sur ce peintre (il est mort à 34 ans), bien des mystères pèsent sur son œuvre, extrêmement réduite.

Je suis allée bien sûr prendre la photo de la maison où il est mort, campo San Silvestro, au n° 1022, juste en face de la magnifique église du même nom, en travaux, que je n'ai pas pu visiter, hélas !


La maison est superbe, énorme à plusieurs entrées, un café porte son nom, juste à l'angle (je ne retrouve plus les photos que j'avais prises, j'enrage !)

J'ai repris le vaporetto, après avoir fait le tour des petites rues alentour, avec bonheur, absolument seule...




dimanche 24 octobre 2010

Petit tour à La Fondation P. Gianadda à Martigny (Suisse)


Nicolas de Staël, Bouteilles (1952)

J'ai découvert la Fondation Pierre Gianadda, (inaugurée en 1978) à l'occasion de la très grande exposition des oeuvres de Nicolas de Staël (18 juin- 21 novembre 2010).

Toiles abstraites ? Toiles figuratives ? Quelles que soient les manières de voir, de ressentir Nicolas de Staël, ses compositions sculpturales, très structurées, ses couleurs vibrantes, éclatantes, sont un enchantement.

La visite des oeuvres dans la Fondation est d'un accès extrêmement agréable, le grand bâtiment central est circulaire, si fait que vous n'êtes jamais gêné par les visiteurs, pas de mur, pas d'angles morts, pas de bousculade, tout est fluide...

Dans le grand parc de cette Fondation, fondues dans les couleurs d'automne, les sculptures magnifiques, d'artistes de renom, achèvent de me remplir de bonheur... J'en ai fait un petit tour...

Brancusi

Niki de Saint Phalle


Arman, Contrepoint (1984)

Georges Ségal, Femme sur un banc (1983)


De profil...


Calder




Pol Bury



Elisheva Engel (1949)



jean Dubuffet (1969/1970)



Joan Miro



Bernar Venet



Jean-Pierre Raynaud

La prochain exposition proposée par la Fondation, (décembre 2010-juin 2012), est une large sélection d'oeuvres appartenant à un collectionneur privé suisse... Celui-ci souhaite garder l'anonymat... Cent vingts oeuvres de Renoir à Sam Szafran... Programme alléchant !!!





Sam Szafran, Escalier (mur céramique, 2005)


« Pendant vingt ans je n'ai pas eu de véritable atelier. Des lieux d'infortune, des greniers chaotiques, des caves humides, j'en ai tâté beaucoup... Si j'avais alors trouvé une piaule, un lieu clos, jamais je n'aurais magnifié l'atelier et l'escalier comme je l'ai fait depuis. Les enfermements traduisent mon rêve de me retrouver seul face à moi même, dans l'atelier... » Sam Szafran


Une oeuvre magnifique !

vendredi 22 octobre 2010

Venise août 2010...Petites histoires de rien.

Le départ de l'amoureux :

En revenant de Trévise, le train s'arrête à Mestre, la ville usineuse et gazeuse de Venise.

L'arrêt ne dure que quelques minutes. Sur le quai, un couple de jeunes gens bavardent, rient, s'embrassent...

Le jeune homme monte dans le train, la jeune fille reste sur le quai, avec le gros chien tout fou.

Il ouvre la fenêtre, zut ! Me dis-je pour la clim, c'est pas terrible... Passe sa tête dehors.

Je ne parle pas tout à fait italien (comme vous le savez), mais j'entends bien qu'ils s'adressent tous les deux au chien, c'est vrai que pour la timidité, un chien c'est utile pour dire des banalités à la place des choses essentielles, ça unit, ça donne de la contenance, ça fait patienter.

Ils ne se disent pas encore au revoir, il blaguent en prenant l'animal à témoin.

Le train prend son temps, parfait pour l'observation, la conversation continue, je trouve que le jeune homme n'a pas l'air très vif... Que la jeune femme n'est pas rapide non plus... Parfait, ils vont bien ensemble.

Les plaisanteries continuent, le train démarre...

Et voilà notre amoureux qui tend ses deux bras par la fenêtre... Fait un large sourire... À son chien... Et referme la fenêtre.

J'ai repris ma lecture, ainsi va la vie...

La Facture :

Intriguée, je le suis depuis un certain temps, par le nombre de boutiques de maroquinerie et de textile qui sont tenues par du personnel, assez jeune, asiatique, à Venise.

Comme j'ai remarqué aussi que toutes ces boutiques proposent la même marchandise, d'un quartier à l'autre, aux mêmes prix exactement, je me suis dit : ils doivent faire partie d'un réseau de distribution commerciale qui prend de l'ampleur depuis plusieurs années... Je me suis dit aussi que peut-être, la marchandise devait venir de Chine ? Comme beaucoup de tout ce qui se vend à Venise, ce n'est un secret pour personne...

Comme je sais qu'à Venise, les loyers sont exorbitants pour les commerces bien placés, je me suis dit, un réseau dont la trésorerie doit tenir drôlement bien la route...

Ainsi va la mondialisation, l'uniformisation à Venise, c'est parfait, 22 millions de touristes par an, c'est bon pour le commerce...

Un jour que je me trouvais à regarder une petite robe pas chère du tout dans un de ces magasins, je vois deux jeunes gens discuter d'une facture qu'ils venaient de recevoir... Curieuse, je jette un oeil par dessus leurs épaules, espérant avoir un indice sur le circuit de distribution...

Contente de moi, j'avais retenu les initiales de la facture : ENEL, bon, c'est bien, je vais aller voir sur Internet ce que ça veut dire, n'oublions pas.

Rentrée à la maison, je tombe sur une lettre qui était adressée à mon logeur, dans ma boîte aux lettres ce matin : ENEL ! La facture d'électricité...Italienne...

Le voilà le réseau de distribution de mes boutiques, j'ai bien ri, et je me suis trouvée un peu bête.


Les chambres à louer :

L'année dernière, j'avais remarqué que dans une petite rue de Venise, pas très loin de chez moi, se refaisait un joli jardin, derrière un grand mur de brique, car en passant, j'avais vu du vert par la porte entrouverte. J'avais pensé illico, c'est super, les propriétaires refont le jardin, ils ont raison, quelle chance d'avoir des fleurs et du gazon dans sa cour, sous ses fenêtres...
Je n'avais jamais imaginé qu'il y eut de l'herbe de ce côté du mur.

J'avais remarqué aussi qu'ils refaisaient tout le pâté de maisons, juste à côté du jardin. Mais à Venise, de l'intérieur des maisons, toujours fermées, vous ne voyez jamais rien, vous ne devinez jamais rien, si la porte n'est pas ouverte. La complexité des constructions est difficile à saisir du premier coup d'oeil, je ne savais pas du tout à qui appartenait le jardin, à la porte de gauche ou à la droite ?

Ça travaillait dur, l'herbe allait bien pousser, à chaque passage je risquais d'en savoir un peu plus. Je suis repartie, je n'y comprenais toujours rien.

Cette année, en passant, j'ai vu le pâté de maison de droite et de gauche, refait, impeccable, un beau crépis, gris clair, les barreaux des fenêtres d'un beau marron foncé, des bacs à fleurs avec des géraniums rouges à toutes les fenêtres, de l'allure, de l'élégance.

J'ai tout compris quand je suis repassée un matin en allant faire mes courses : une dame et des enfants sortaient du pâté de maison de gauche en disant : Mais c'est dans quelle chambre exactement ? J'ai vu aussi le beau jardin pimpant qui allait avec la porte ouverte.

Bien sûr, il m'a suffit d'y regarder d'un peu plus près pour voir que tout le pâté de maison était transformé en chambres à louer, comme cela se fait dans tout Venise... Petit à petit, les propriétaires de maisons, d'appartements, transforment, arrangent...Et louent aux touristes, c'était même marqué, discrètement sur la sonnette... Guest House !

Le mystère était éclairci...Venise change, augmente son accueil... Je n'ai aucune idée des prix, je vais aller voir sur Internet...


Le scarabée :

En sortant de chez moi pour aller prendre le vaporetto, je vois un scarabée qui ne bougeait pas sur la marche de la maison d'en face, celle qui a un magnifique jardin, si j'en crois la grandeur du mur de briques qui fait presque toute la rue, les arbres qui dépassent et l'odeur superbe de l'herbe coupée de temps en temps.

Un scarabée, d'un vert miroitant, brillant, parfait ! D'une belle taille. Comme il ne bougeait plus du tout, je l'ai pris délicatement entre deux doigts, il a remué légèrement, sans doute une jambe cassée ?

J'ai rebroussé chemin avec mon petit trésor dans la main, n'allez pas croire que j'allais lui donner à boire ou toute autre chose, je ne suis pas meilleure que les autres.

Bon, s'il meurt, dans l'état où il est, je préfère qu'il meurt chez moi, j'adore les scarabées, en avoir un bien à soi, qui garde ses belles couleurs, j'adorerais ça. Surtout que c'est lui qui l'a cherché... Et moi qui l'ai trouvé.

Pas de culpabilité excessive, je porte le malade chez moi et je le pose délicatement dans une petite boîte à crayons, il bouge d'un millimètre, bon, il ne va pas tarder à rendre l'âme, je ne peux pas lui mettre la jambe dans le plâtre, ça lui fera un joli cercueil, sois sage et meurs gentiment, pendant que je vais me promener.

Et je n'y ai plus pensé du tout de l'après midi.

En rentrant, plus du tout non plus...

Son vert irisé m'est revenu en tête en faisant ma valise, pour partir le lendemain. Je regarde dans la boîte, il n'y est plus !

Ben ça alors, où est-il passé, j'avais fermé toutes les fenêtres, la porte à clé.

Bon, je vais faire le ménage, il a dû essayer d'aller se poser ailleurs, mais où ?

De toute façon, le ménage, il fallait bien que je le fasse, en grand pour demain... Je remue tout, je passe le balai sous tous les meubles, je passe les chaises une à une au peigne fin, je regarde sur les plinthes, les rideaux, je vire les coussins du canapé, je défais ma valise, on ne sait jamais, s'il faisait une sieste par-là ? Mais où ça peut bien aller, un scarabée qui a mal à une patte?

Jamais je ne le saurais, car je ne l'ai jamais retrouvé...

Si vous le rencontrez, faites-moi signe, c'est le mien.

samedi 16 octobre 2010

Depuis mon retour, la pluie et le beau temps avec mes voisins.


Depuis mon retour, la pluie et le beau temps avec mes voisins…

J’ai retrouvé mes voisins, les ceux que j’aime et les autres, ceux que je voudrais bien voir ailleurs : la bande d’en bas, qui fait du bruit la nuit, qui empêche les gens de dormir, qu’est pas du tout civilisée, qui se moque de tout.

Les journées commencent bien, il fait beau, le temps passe trop vite pour tout faire. J’ai rencontré une voisine, qui m’embrasse et que je sers fort dans mes bras, comme une amie, une parente que j’ai du plaisir à retrouver. La conversation est aux retrouvailles, le beau temps a toute sa place, il sert bien à maintenir le cap, et puis on passe à la santé, tout va très bien, comme vous êtes bien coiffée, cette couleur vous va bien…Elle repart vite avant que les portes de l’ascenseur se referment. Ce que j’en ai connues, des déclarations d’amour entre voisins, avant que les portes se referment… Les petites déclarations du jour, qui font sourire, qui font rire ou bien pleurer, l’essentiel c’est de se serrer la main.

Et elle, encore en robe de chambre, à l’heure du déjeuner, elle descend chercher son courrier, elle sourit, je crois que tout est comme d’habitude, mais elle a bien failli y passer, tellement elle en avait marre de la vie, la semaine dernière ou celle d’avant, c’est à l’hôpital qu’elle s’est retrouvée, elle en avait marre de la vie, les paroles vont tellement vite, le cerveau tellement lentement à comprendre… Elle sourit encore, mais elle me dit qu’elle va recommencer, plus envie de vivre, plus rien qui la motive pour attraper le beau temps à l’intérieur.

Et moi qui vais faire mes courses, comme si de rien n’était, elle n'a plus envie de vivre et moi, il faut que j’aille vite acheter du beurre et du lait, ça part dans tous les sens, la vie des gens.


Et puis la vie continue, sur le trottoir, on reste debout, la vie ne vous couche pas par terre, pas tout de suite. Heureusement qu’on se rencontre, qu’on parle, qu’on écoute, on repeint les volets des cœurs en rose, on ranime la flamme, si petite, pour réchauffer le corps entier. Des fois ça marche, pour un petit peu de temps.

On a fait un tout petit bout de chemin ensemble, du palier au trottoir, pourvu que ça tienne, pourvu que ça tienne…

Beaucoup plus loin, on s’embrasse encore, elle m’appelle ma chérie, ça fait longtemps que je ne vous ai pas vue, comment allez-vous ? Bien, et vous-même ? Je ne sors plus beaucoup, mon mari est malade. Cette dame, je la connais depuis longtemps, elle a élevé ses enfants et puis les enfants de ses enfants, elle se tient droite comme un i, elle a toujours le sourire, traverse la rue pour vous embrasser comme du bon pain, elle ne fait pas semblant de ne pas vous voir, elle est petite, elle court comme une danseuse, la vie n’a pas été douce pour elle, du début, jusqu’à la fin ?

Voilà bien un matin très animé, des sourires et les larmes, je vous l’avais bien dit…


Venise août 2010, Lundi...le marché Rialto.




Lundi, le marché Rialto est fermé, vers midi, seul le soleil illumine la place, et je me trouvais là au milieux des couleurs...

mercredi 13 octobre 2010

Venise ...Monteverdi, un grand moment de bonheur.


Venise... Août 2010.

J'avais noté le concert pour la fin de la 2e semaine de mon séjour : Vespri della Beata Virgine de Claudio Monteverdi, l'église San trovaso, juste à côté de chez moi, à 18h30, carrément l'idéal.
Tous les jours je passais devant l'affiche, en allant faire mes courses.

Impossible d'oublier.

Ce soir-là est arrivé, il pleuvait des cordes depuis la veille, j'avais sur la tête un grand parapluie zébré de couleurs, qui pouvait abriter une gondole entière. un peu encombrant, mais très efficace pour rester au sec.
Je suis arrivée presque une heure à l'avance, pensant qu'il y aurait du monde. En effet, il y avait déjà un bon petit groupe, ruisselant sous les parapluies et les imperméables transparents, serré autour de l'église, fermée encore, 3/4 d'heure avant le concert.

Attention, il fallu la jouer fine, impossible d'entrer par l'entrée principale, l'église était en travaux (je le savais) et je gagnais rapidement l'entrée de côté, bonne pioche, les deux battants s'ouvrirent presque aussitôt, je pus aller, presto, me mettre au premier rang, juste à côté du chef d'orchestre, divinement placée, la soirée commençait bien.


L'église se remplit dans le quart d'heure, bourrée de Français, le choeur et l'orchestre étaient de Cluny, des habitués de longues date semble-t-il : Cappela Cluniacensis, tous les copains, les parents, avaient fait voyage, ça faisait du monde.

Ça ne me gênait pas du tout d'attendre, au chaud, bien placée, entre deux Tintoret superbes (dans le choeur) je ne pouvais distinguer exactement les scènes, je voyais surtout les couleurs, les roses brillants et satinés, les bleus velours, les ombres profondes, les lumières poudrées qui se déposaient doucement sur le corps de l'enfant Jésus, rien n'était plus beau qu'un jaune d'or à portée d'un bleu lumineux, les rutilances du Tintoret, je les reconnais du premier coup d'oeil. Je distinguais aussi les rois Mages, ça restait à vérifier, et ça pouvait attendre demain.


Le chef, Monsieur Jean-Louis Rebut, présenta l'organiste de Saint Marc : Roberto Miccioni, qui jouait ce soir dans les Vêpres, en nous précisant que Monteverdi avait terminé sa carrière comme organiste, bien appointé, à la Basilique Saint Marc.

Le choeur, les solistes, les musiciens, firent de la belle musique, ça sonnait magnifiquement, malgré les instruments modernes...Le chef tapait du pied sur le beau tapis rouge, remuait bras et jambes,son visage très expressif, vivait chaque instant, sa direction était tonique, enthousiaste et précise, il dirigeait avec énergie, il avait fait basculer la grosse croix en argent qui pendait à son cou, sur le côté, dans sa poche de chemise, tout vibrait brillantissimement.

L'oeuvre de Monteverdi était sublime, elle fusait de partout, des choeurs d'hommes, de femmes, des fugues, des quintêtes, des duos tant masculins que féminins, des voix d'anges (un groupe de jeunes adolescents) les solistes, bien sûr l'orchestre, toutes les voix et les instruments donnaient à cette musique une dimension exceptionnelle, quelle beauté, quelle complexité, quelle audace, quelle modernité...

Mes yeux allaient du Tintoret, au chef, aux choristes, a l'orchestreux, c'était une grande merveille, mes oreilles n'étaient pas assez grandes pour tout percevoir, mon corps était trop petit pour contenir mes émotions, Monteverdi faisait encore pleurer de bonheur. J'étais là, j'avais bien choisi.

Les applaudissements furent chaleureux, le public était debout, bouleversé... Le chef nous fit cadeau d'un bis,en éparpillant le choeur dans l'église : les femmes d'un côté, les hommes de l'autres, les solistes en haut avec l'organiste, l'orchestre joua debout, ainsi dit le chef, l'Orient est entré en Occident à venise, alors se produisit une allégresse, un effet stéréophonique d'une très grande puissance, la simplicité, la joie de "jouer et de partager la musique" fut immédiat, l'église toute entière retint son souffle, tous les anges musiciens des peintures nous accompagnaient !!

Le chef nous invita tous à venir les écouter, le lendemain dimanche, à la Basilique Saint Marc.

En sortant, il faisait nuit, éclairs et pluie griffaient le paysage... Je ne sentait rien de froid ou d'humide, les flaques d'eau étaient comme du sable chaud à mes pieds.

dimanche 10 octobre 2010

Venise, la place San Marco dès 8h du matin... Au mois d'août 2010..



La place San Marco, je l'ai retournée dans tous les sens pour lui faire le portrait, je n'ai jamais réussi à l'avoir de face... Il y avait tellement de monde, que j'ai du me cacher derrière les rideaux pour l'attraper furtivement, rapidement, avant le grand, très grand débarquement...