jeudi 24 février 2011

Les paniers, les sacs à dos, les cabas...


J'ai toujours cherché l'idéal, celui qui va correspondre à mes besoins, à mon goût... ça ne vous rappelle rien ?

Vous pensez tout de suite à l'homme ou la femme idéal (e) ? Perdu, moi je vous parle du sac, du cabas, du panier idéal, absolument indispensable pour m'accompagner dans mes balades à Venise. Tout avait commencé avec cette idée : il me faut un sac vraiment pratique, j'ai quelques mois devant moi pour chercher... Cherchons.

C'est fou ce que je peux avoir besoin d'avoir à ma portée pour faire le tour de la ville... En toute sécurité. À mes débuts vénitiens, une année, j'avais emporté "Les Saints", guide iconographique de Rosa Giorgi", 400 pages d'histoires bien denses : ce livre aide à bien connaître, reconnaître les saints les plus fréquemment représentés dans les oeuvres d'art, avec leur signification symbolique et leur importance spécifique dans l'histoire... Un livre lourd au bout du bras, comme je n'étais pas encore très calée en Saints, il me fallait un pense-bête très intelligent, j'avais choisi celui-là et je ne l'ai jamais regretté.

Et puis, un plan plastifié de la ville, dont je prends le plus grand soin depuis 10 ans, plusieurs livres, un carnet de voyage, des stylos, une bouteille d'eau, mon appareil photo, une pomme, un petit sac plié en boule, des mouchoirs en papier, un foulard pour le vaporetto... Une fois, j'avais apporté mon tricot... Voilà presque tout ce qu'il me faut pour passer un mois à Venise, mais je ne vais vous faire l'inventaire exhaustif... Du contenu de mon sac...


L'idée qui me vint immédiatement fut celle du sac à dos, super dans le coup, totalement jeune et dynamique, en cuir, en toile, le gros, le petit, assez grand tout de même pour y mettre la bouteille d'eau... Mais voilà, jamais assez de place pour tout entreposer... Presque parfait, sauf les bretelles qu'il faut à chaque fois faire descendre de l'épaule avec difficulté, ouvrir la fermeture éclair dans le bon sens, fouiller tout au fond, faire de la place pour les pommes, de plus sur le dos, ça tient chaud, un peu lourd, et puis cette corde au cou de mon appareil photo, il faut encore faire attention aux pickpockets... Pas du tout pour moi, pas encore mon idéal... Par contre, idéal, oui je dis bien, idéal, pour manger une glace ! Les bras absolument libres pour lécher en toute tranquillité chaque parfum avec délice... Le sac à dos pour la sensualité, rien à dire...


J'adore les vanneries, je pensais vraiment trouver mon idéal, j'ai fait tout Paris pour lui, je cherche encore... Trop grande, trop fragile, pas assez belle, l'anse trop courte, l'anse trop longue... Ce n'est pas encore cette année que je vais être confortable.

J'ai changé d'appareil photo, je suis passé du petit de poche au gros, très gros NIKON qui rapproche d'un seul coup d'oeil, et comme par magie, tout devient possible, le moindre reflet dans l'eau devient un tableau de Monet... J'ai cru que j'étais devenue bonne en reflets... C'était seulement mon appareil qui magnifiait, en fait, il faisait tout pour moi... Mais mon gros coup d'oeil Nikon, il fallait bien le mettre quelque part, l'osier, le jonc, l'herbe tressée devenaient bien trop petite avec l'eau frizzante...


J'avais trouvé chez un brocanteur un sac rouge sublime, en cuir, que j'avais d'abord ciré pour le faire briller, lui redonner de l'âme, de la souplesse, je l'adorais... Vous voyez ?... Assez grand, avec deux anses, j'étais sûre de mon coup, l'appareil photo très bien, pas de problème, la bouteille d'eau nickel... Mais voilà que les anses me glissaient de l'épaule tout le temps, je devais retenir le sac avec mon coude, sécurité pour les pickpockets, mais inconvénients multiples pour déballer rapidement le mouchoir en papier... Décidément rien n'est parfait, je passe mon temps à chercher l'idéal...

D'autant que je ne peux pas compter sur Venise pour faire l'achat idéal, les sacs sont les mêmes du Nord au Sud et d'Est en Ouest. Tous les marchands de maroquinerie ont le même circuit, les mêmes sources d'approvisionnement, proposent exactement les mêmes articles... Pour l'originalité, on peut repasser...


Une année, je me suis trimbalée avec un affreux sac en plastique blanc, qui vantait les mérites de mon artisan et de l'environnement, atroce... Bien pratique pour tout : les courses, la bouteille d'eau, l'éventail, les livres, la cartes, l'appareil photo et la pomme... Lourd à tenir au bout du bras, et puis surtout, très laid, ça ne peut pas durer, je vais prendre autre chose l'année prochaine...


Une autre année, j'ai pesté tout le mois, car le sac que j'avais enfin trouvé, d'un joli marron glacé, n'avais pas les poches assez grandes pour tout caser, trop petites et trop nombreuses... Pour trouver mon billet de transport il fallait que je vide l'armoire, je ne savais jamais où je mettais mes clés, devant, derrière, à l'intérieur, le territoire était trop grand... Pourtant, quand je mettais mon éventail violet, rouge ou vert dans la petite poche de devant, ça faisait rudement joli, les couleurs allaient si bien ensemble...

Vous voyez bien que l'idéal n'est pas du tout facile à trouver... Mais je sais que vous le savez.




Encore un mot sur mon joli sac en plastique rose, trouvé dans un dépôt vente, trop beau, à peine transparent, un vrai bonbon anglais, une matière douce comme du satin, deux belles anses en cuir, marron clair, à tenir au bras, spacieux, une petit poche, adorable... Mais quand je le posais par terre il s'écroulait lamentablement, tout mou il était, tout mou il restait, pas du tout pratique pour la station assise, juste bon pour faire les courses au Rialto...


L'année dernière (je ne vous embête plus avec les autres, je vois bien que vous fatiguez...), j'ai remis le sac à dos, légèrement plus grand, acheté à Venise, dans le circuit asiatique, donc pour une bouchée de pain, pas mal finalement, mais pas idéal non plus...

J'ai piqué votre curiosité, pour cette année, que va-t-elle nous trouver ? Je ne sais pas encore, je réfléchis, je n'emporte plus le livre des saints partout avec moi, je le laisse à la maison et le consulte en rentrant... La bouteille d'eau et tout le reste, ça reste encore le strict nécessaire, j'ai réduit le volume de l'appareil photo...Vais-je encore faire une dépense superflue, avec la crise, le monde qui va mal... Est-ce encore une bonne idée ?

Je compte sur vous pour me donner des idées idéales... C'est une très grosse responsabilité !

Surtout qu'elles aillent bien avec la couleur de mes éventails...

mardi 22 février 2011

J'attends depuis 25 minutes !!

Hop ! Il n’y a personne, parfait, je me mets là, ça ira vite, dans 10 minutes je suis dehors… La philosophie vous tient vite compagnie quand vous attendez à la caisse d’un supermarché, non ?

Moi, c’est souvent après, quand je suis sortie du magasin, que je fais de la philosophie, car pendant que j’attends je rouspète, je rage, je deviens mauvaise, pas vous ? Allez, dites la vérité...

La caissière donne des signes de ralentissement : une personne pas pressée ne trouve pas sa monnaie, une autre a des bons de réductions qu’elle veut faire déduire tout de suite, celle-là a brandi une liasse de tickets restaurant, la caissière doit faire très attention, et cette autre qui doit signer son chèque, sortir ses papiers d’identité qui sont tout au fond du sac, alors que c’est tellement facile de payer avec la carte bleue (même si, c’est vrai, je dois reconnaître que j’ai vu aussi des gens oublier leur numéro de code, qui recommencent deux fois…) Tiens, le code barre ne veut pas passer, vous vous souvenez ? La caissière doit taper le numéro à la main, et de temps en temps ça ne passe pas, ça fait bip bip, le code barre ne veut rien savoir… On se transforme immédiatement en Dr Jekyll & Mr Hyde, enfin je parle pour moi. Je suis même étonnée de la vitesse à laquelle je vois pousser mes griffes, mes dents... Mes muscles même se mettent à gonfler comme des plumes de canard, je ne vous dis pas ce qui me passe par la tête, bon, d’accord, juste quelques mots...

Ce jour là, mes 25 minutes d'attente, je ne les voyais pas finir... La caissière, toute jeune et très inexpérimentée, faisait tout ce qu’elle pouvait pour aller vite, mais le client payait avec des tickets que je ne connaissais pas, un tas, une liasse, et sur chacun la caissière devait apposer sa signature, les déplier car ils étaient tout froissés, enfin bref, il y en avait pour un moment… Justement ce soir-là, j’étais vraiment pressée (il faut bien justifier mon ire). Un bref coup d’œil sur les caisses d’à côté, pas de file d’attente, tout était normal, je pouvais bien ramasser mes petites affaires et filer à la caisse n° 22, mais j'avais en tête une petite maxime pour automobiles sur autoroute : il est déconseillé de changer de file, ça n’avance pas plus vite, bien au contraire, votre tour viendra… J’applique donc scrupuleusement au supermarché le précepte de l'autoroute… Pas la peine de changer d’allée, t’as qu’à être patiente…

Le temps passait, et puis voilà que de l'intérieur j'ai senti mon sang bouillir, je vous préviens, méchante je suis devenue : mais elle ne va pas se presser celle-là, avec ses gestes lents, je trouve même qu’elle parle lentement, elle le fait exprès. Je la cherche du regard pour lui faire comprendre que j'en ai assez, que j'attends depuis trop longtemps, je deviens terriblement stupide, et hop, il faut tout recompter, son stylo bille ne marche pas, elle me met les nerfs en pelote... Bien sûr, je sais, je comprends, il faut qu’elle apprenne, la débutante, elle a peur de se tromper, oui, mais pas dans ma file ! Moi je suis pressée... Quelle idée de mettre des stagiaires à cette heure ! Mais il va finir celui-là avec ses conciliabules et ses tickets déchirés ? Je voyais bien que je n'étais pas du tout indulgente... Mais pas du tout...

Je me retourne et je vois que personne ne s’était mis derrière moi, tout le monde avait flairé le frein moteur de la jeune demoiselle… Sauf moi, qui appliquais à la lettre le coup de l’autoroute.

J’ai mes plumes de canard toutes hérissées, je deviens mauvaise, mais elle n’en finit pas cette jeune caissière de compter les tickets, ça faisait un petit quart d'heure que j’en voulais à la terre entière… Mais principalement à la caissière qui avait tous les torts, tous.

Voilà, c'est à moi, enfin ! Je vois se glisser à côté de sa collègue une autre demoiselle qui vient la relever, c'est l'heure de sa pause, on change de caisse... Je fulmine, je tape du pied tout à l'intérieur... Rien n'y fait, la caisse passe d'une main dans l'autre, elle range ses petits papiers, garde le sourire, et dit à sa copine, repose-toi bien, profite de la pause... Elle exagère... Elle me nargue.

Alors là, je dis à voix haute : ça fait 25 minutes que j'attends... Et la jeune femme tout sourire, toute bonne humeur, me dit : mais Madame, c'est quoi un peu de retard par rapport aux heures qui vous restent à vivre dans votre vie ? La claque ! Ne vous occupez pas de ce qui me reste à vivre, je suis pressée aujourd'hui...

Mon sac sous le bras, je redeviens normale, je recommence à réfléchir, je perds mes plumes de canard, je reprends ma peau d'agneau, ni vue ni connue je t'embrouille...

La philosophie avait regagné mon cerveau, bien sûr qu'elle avait raison cette charmante jeunesse, bien sûr que le temps que m'avait volé le supermarché ne se verrait pas beaucoup dans mon grand décompte biologique.

Je savais que j'avais tort, j'étais une mauvaise, elle avait bien fait de me remettre à ma place, dans l'air du temps, du vrai, celui qui compte...

Je n'étais pas très fière de moi, surtout que je n'étais pas spécialement pressée, comme je croyais l'être à la caisse... J'ai encore beaucoup à apprendre, je vais faire du yoga, je vais reprendre Michel de Montaigne... Je vais faire amende honorable, tiens, je dédie ce post à toutes les caissières, sans arrière pensée...

N'ébruitez pas ce que je viens de vous dire, je ne recommencerai plus, juré, promis... J'espère !

samedi 19 février 2011

Mon passeport a les pieds dans l'eau !



Mon passeport est presque neuf, j’ai quelques jolis tampons dedans qui illustrent silencieusement mes destinations... Il y a des dates, des signatures... Une seule photo en 2e page, c’est ma tête de face, vous savez bien, pas question du bon profil, il ne faut pas sourire, pas porter de lunettes, ne pas mettre ses belles boucles d’oreilles, celles qui vous font si gaie, si belle, les voyages c’est sérieux, faut pas rigoler avec ça, il faut être moche !

Un passeport, c’est bien aussi pour les souvenirs, même sans image, il y a la mer qui surgit dès que vous l’ouvrez, des coquillages à chaque page, comme des bigorneaux accrochés sur un rocher, le grand hôtel très confortable où vous étiez accueillie comme une reine d’Angleterre, il est là devant vos yeux, dans votre main, ouvert à la page 16… Et ce tampon tout rond, là, qui fonctionne comme une loupe, c’était où déjà ? Je n’arrive pas à lire le rivage…

Le passeport, c’est un objet sauvage, il vous griffe le visage, le vent souffle à vos oreilles, vous entendez les turbines de l’avion qui décolle, attention à vos tympans, le chewing-gum, les bonbons n’y feront rien, il faut souffrir pour aller loin, pas la peine d‘appeler l’hôtesse… Vous êtes déjà dans les nuages…Quelle magie vous tient dans le ciel, c’est blanc, c’est bleu, j’espère que tout se passera bien ?

Je me souviens de tout le mal que j’ai eu pour l’obtenir... Mais quoi, quoi, je ne comprends rien, tu as eu du mal à obtenir quoi ? Mais le passeport, le premier, celui-ci, je me suis donnée beaucoup de mal pour l’avoir à temps. C’est vrai, ce fut une course, je me suis tordue les mains, j’ai presque pleuré, presque arraché mes cheveux, j’ai téléphoné partout, il me le faut vite, je pars loin, c’est obligatoire, j’ai déjà payé mon billet, tant d’argent pour rien ? Aidez-moi, voyons voir qui je peux bien connaître qui fera activer mes affaires... Personne ? Le Député, le Maire, le Ministre, pour une fois que je voyage loin, j’ai besoin de mon passeport. Je vais en Amérique, vous vous rendez compte ? Non ? Ça ne m’étonne pas, tout le monde va et vient aux Etats-Unis, mais moi, c’est la première fois.

Pour aller au Cambodge, j’ai eu droit à un gros cachet, rouge… Pas d’angoisse, pas de panique, je l’ai eu en 48h, ils sont formidables ! Il adorent avoir du monde, les touristes sont les enfants chéris du pays, moi je trouve qu'il y en a déjà beaucoup, beaucoup trop à Angkor, j'aimerais bien voir le monde toute seule, comme Christophe Colomb, être accueillie par les bons "sauvages", qui maintenant parlent parfaitement anglais, bien mieux que moi, et je trouve qu'on se ressemble tous... On veut vivre le mieux possible, profiter de la planète, boire de l'eau à la source, regarder les étoiles au clair de lune...

Le numéro de mon passeport est composé de 10 caractères, les chiffres et les lettres y sont mélangés, la République Française est en rouge et or…Vous avez remarqué qu’à toutes les pages, il y a le filigrane du monde, des continents, de l’Europe, et puis de toutes les provinces françaises ?… Il peut remplacer la carte d’identité, il est vraiment beau, c’est une pièce maîtresse de ma vie au moment de partir.

Au guichet d’Amérique, je suis très fière de le présenter, mon passeport est parfait. Partout il y a des grands drapeaux avec des étoiles... De l’aéroport à l’hôtel, j’ai vu défiler devant mes yeux tous mes films, tous mes livres, je respirais l’air de Cassavetes… J'ai même adoré les embouteillages où je pouvais observer, tranquille, les gens d'Amérique. Alors c’est comme ça ! L'océan me montait jusque là, j’avais des vagues dans les yeux !

Depuis, j’ai eu envie d’aller partout où il fallait un visa pour agrémenter mon livre d'or. En Europe, on ne vous demande rien de rien, il faut que j’aille plus loin.

En voyage, le passeport passe de votre sac au coffre-fort, vous y tenez comme à la prunelle de vos yeux, il faut revenir, pas de blague !

Dès que j’ai mis le pied sur le plancher des vaches normandes, il redevient un objet accessoire, ah oui ! C’est vrai, je l’ai dans ma poche, pas de dédicace nouvelle, je vais le ranger dans mon tiroir… Vivement la prochaine.

J’ai tout mis dans la machine à laver, les pantalons, les robes, tout ce qui a touché mon corps, tout, tout, tout, j’ai mis dans la rotative les rivières, les moustiques, les paysages, les musées et le beau temps… Et j’ai appuyé sur le bouton.

Quel bonheur d’étendre son linge, les souvenirs sont encore là, si je repars dans les Orients nacrés comme des perles, j’emporterais ça…

Dans une poche, bien à l’abri de la poussière, tout froissé, mouillé, défait, moribond, j’ai récupéré mon passeport, il avait roulé sa bosse dans les roulis de la machine, sans moi, il était rincé, bronzé, il revenait de loin, je vais le repasser, on verra bien s’il peut encore faire du chemin...


jeudi 17 février 2011

La trompe d'éléphant... Ce grand constructeur.

Une de mes amies surveille l’avancement des travaux de son futur appartement, inséré dans un immeuble collectif. Elle prend des photos, en passant régulièrement dans la petite rue où il se construit…

De mon balcon, perchée au 11e étage, juste en face du grand trou béant, je peux voir tous les jours, avec intérêt et curiosité, la petite bête qui se monte, qui se monte…

Je suis chargée d’une mission : faire une photo du chantier le plus souvent possible. Avec les possibilités de mon appareil photo, je peux zoomer suffisamment près, pour en observer presque tous les détails. Je me suis fait un point d’honneur de prendre une photo tous les matins, sauf le dimanche et le lundi car le chantier ne fonctionne pas le week-end…

Par tous les temps, la première chose que je fais en ouvrant les yeux, c’est d'ouvrir la porte de mon balcon pour prendre la photo... Les jours de pluie, c’est bien embêtant, car il ne faut pas mouiller mon bel appareil, ça demande de l’organisation : je prends appui sur la rambarde, je me cale bien sur mes deux jambes pour maintenir un bon équilibre, je protège l’objectif comme je peux et je déclenche… Je n’ai pas eu droit à la neige de décembre, car je suis partie au soleil du Cambodge !

Ainsi grâce à moi, mon amie pourra se fabriquer un joli diaporama qui montrera à la postérité comment s’est élevé son petit château, avec terrasse, donnant sur le petit jardin de son voisin, au rez-de-chaussée... Au vu du terrain qui restera pour inventer les plates-bandes, il sera nécessaire de planter des fleurs qui ne prennent pas beaucoup de place. Les arbres, il y en a déjà sur la propriété mitoyenne, c’est toujours ça de gagné.

Nous avons mille fois partagé : les délices du déménagement, qui permet de faire du vide et d’envisager les achats indispensables à la nouvelle vie, la décoration, les couleurs du décor, la place des meubles, nous avons calculé les entrées et les sorties du soleil, tout devient une joie dans cet exil volontaire, elle devient propriétaire, pas question de rater l’installation.

La nouvelle vie, c’est aussi le pied-à-terre définitif… Il faut que chaque cm² soit un joyau.

C’est un bonheur renouvelé que d’en parler avec elle, je l’imagine déjà sur sa terrasse en train de faire du tricot, de la dentelle, de l’aquarelle...Tutoyant le ciel et le soleil, comme à la campagne, pas loin de la ville. La voir heureuse dans ce projet qui prend tournure à toute allure… Ça donne de la joie.

La question qui s’impose ensuite est celle de l’environnement : pas de bruit, pas de bandes, pas de pétarades de mobylette, tu auras un calme olympien, tu profiteras pleinement du temps qui passe, avec passion.

Combien de fois j’ai fait le rêve de m’installer dans mes murs, d’avoir une cheminée avec du vrai feu, d’apporter du bois, de cueillir des fleurs ou des fruits aux arbres de mon jardin, de sortir sous les étoiles, écouter le grand silence, respirer le parfum du chemin ?

Alors, j’ai beaucoup de raisons d’assister mon amie à réaliser ces belles choses, en grand, ne rien laisser au hasard, le soir elle pourra elle aussi compter les petites charrues et la grande ours, comme je le fais l’été dans mon manoir de l’Indre, que je loue pendant tout un mois…

Mais, je ne suis pas venue jusque là pour m’attendrir sur un rêve… Voyez comme les histoires des autres vous projettent dans les vôtres !

Reprenons le chemin des grands bâtisseurs…



J’avais envie d’aller faire une balade à Paris, j’ai pris la future petite rue de mon amie et je suis restée en arrêt devant un grand camion dont le gros dos tournait en rond en faisant grand bruit : une bétonneuse... Je suis restée un moment devant un drôle d’instrument qui se balançait dans les airs, tenu par une immense grue jaune, vous avez deviné que j’étais juste devant le chantier du château… Avec terrasse et petit jardin.

Cet instrument, mais comment, comment est-ce possible ? Je n’y avais jamais pensé avant de le voir de si près, agiter sa trompe souple et noire, mais oui, c’est par là que le béton s’écoule, par ce petit tuyau de rien du tout qu'on construit le château de mon amie et des immeubles de 40 étages, des ensembles immobiliers qui poussent comme des champignons, commencés le 1er janvier, achevés le 31 décembre.

On bâtit toutes les villes du monde avec cette petite trompe d’éléphant, il suffit de la remplir en puisant dans le dos de la bétonneuse, de lui faire rendre son magma entre deux planches, quelques tiges de fer et l’affaire est réglée…

Terminés les grands temples d’Angkor, les faramineuses pyramides, les arcs de triomphe et les cathédrales, les châteaux de Versailles, les châteaux forts, les petits et les grands prieurés... Les hommes ne portent plus les pierres sur leur dos, il faut seulement une petite année pour habiter sa nouvelle maison, plus besoin de cumuler les générations pour voir s’achever le chef-d’œuvre, les grands ouvrages d’aujourd’hui doivent le jour à ce cordon ombilical...

Vous avez regardé ça de près ? Non, alors j’ai pris des photos pour vous.

mardi 15 février 2011

Des Dieux et des hommes... Quatre bons films...

Qui questionnent la foi… Des parentés



Des hommes et des Dieux :


De Xavier Beauvois (France). Il nous donne un film magnifique, les hommes ont choisi leur Dieu, ils doivent encore éprouver la conviction et la résistance… En Algérie, dans les années 1990, des moines français vivent en harmonie avec les musulmans du village. Malgré les menaces imposées par des islamistes radicaux qui ont déjà massacré un groupe de travailleurs étrangers, ils décident de rester, au péril de leur vie, et meurent tous, sauf un… Sans doute pour raconter l’histoire.

Jour après jour nous assistons aux décisions qui se précisent pour chacun d’eux.


Un sujet grave, émouvant, interprété de façon remarquable par des acteurs talentueux, Lonsdale, L. Wilson et les autres.

J’ai été totalement captivée et touchée. Le film rencontre un succès énorme…Inattendu !

En même temps, je me souviens du sublime film d’Alain Cavalier « Thérèse » (1986) qui avait remarquablement parlé de foi, de silence imposé et accepté avec joie. Une épure, un joyau !


Le choix de Luna :


De Jasmilia Zbanic (Autriche/Bosnie/Croatie/Allemagne). Même si la forme est nettement moins élégante que celle de Beauvoix, encore moins que celle d’Alain Cavalier, voilà un film intéressant.

Un jeune couple de Sarajevo est en difficulté, lui est alcoolique et perd son emploi… Petit à petit, la rencontre avec un ancien copain d’armée va le conduire à pratiquer sa religion d’origine, l’islam. Les convictions d’Amar, le poussent vers un islam très radical…

Luna, sa femme, qui observe son changement avec inquiétude, décide de le quitter…

Un film courageux, lucide, et singulier, qui parle de la religion musulmane, loin des stéréotypes, avec beaucoup de sensibilité, rien ne va de soi quand on est touché par la grâce... La vie religieuse et la vie quotidienne ne font pas toujours bon ménage... La rende même inconciliable avec la modernité, c'est le point de vue de la jeune Luna... Un film qui aide à réfléchir.



Shahada :

(Qui veut dire en arabe : Attestation ou témoignage de foi) de Burans Qurbani, réalisateur allemand d’origine Afghane, un beau film !

Trois jeunes musulmans cherchent à concilier leur vie avec leur pratique religieuse : Un jeune policier attiré par une jeune clandestine (qu'il a blessée au cours d’une arrestation) en dehors de ses liens conjugaux, une jeune femme (dont le père est Imam) et qui vient de se faire avorter, culpabilise et cherche à trouver le pardon dans la pratique orthodoxe de sa religion, et enfin un jeune homosexuel, déchiré entre sa foi et son amour… Tous trois vont à la même mosquée et rencontrent le discours très tolérant et modéré de l’Imam (le père de Maryma).

Encore un film passionnant, ni manichéen, ni racoleur… La solitude, la peur, les hésitations ne sont pas masquées… Chacun essaie de trouver son chemin…



Qui a envie d’être aimé ? :

Anne Giafferi (France) adapte le livre "Catholique Anonyme" de Thierry Bizot, dans lequel il raconte comment il a rencontré Dieu.

Antoine est heureux, quarantenaire, père de famille, belle situation, rien ne le dispose à revenir à sa foi d'origine. Pourtant, une rencontre lui permet de suivre pendant quelques semaines, des soirées de réflexion consacrées au Christ, il va en être bouleversé. A la question posée par le curé aux quelques participants de la soirée : qui a envie d'être aimé, levez le doigt ? Tous lèvent le doigt...

Antoine décide de changer profondément sa manière de vivre, il veut améliorer ses relations avec ses semblables, ses proches… Il décide de retourner à la messe le dimanche matin… Sa femme, surprise, inquiète, finira par le comprendre... Le suivre peut-être ? Dans ce nouvel art de vivre… Surprenant.

J’ai pleuré comme une Madeleine, surtout à la fin du film quand Antoine exprime son émotion d’avoir rencontré Dieu au milieu de gens simples et sincères, il souhaite devenir meilleur, il abandonne ses certitudes pour mieux découvrir les autres.


A vous de voir... Moi j'ai crée ces parentés, car elles me paraissaient évidentes et salutaires dans l'actualité cinématographique, des cinéastes nous parlent de la foi… Avec intelligence et talent.

samedi 12 février 2011

Une journée particulière... A Paris.



Dans la vie, chaque journée est particulière, mais vraiment particulière, au matin rien n’est pareil, forcément, on ne sait pas ce qui va se passer, on ne l’a jamais vécu, ça reste à vivre jour après jour… On ne sait pas à l’avance si on va rire ou pleurer, on peut même faire les deux à la fois…

C’est ce jour-là que je fis les deux à la fois…

J’avais fait le projet d’aller à Belleville, vous savez, dans mon quartier d’adoption, déjeuner de délicieux raviolis, faire quelques courses exotiques.

Dans le métro ça avait vraiment bien commencé, pas loin de moi il y avait un homme qui parlait un peu fort dans son téléphone portable, un accent maghrébin, jovial, sympa, bon enfant, j’entendais toute sa conversation et de plus, comme il avait ouvert le haut-parleur, sans doute sans le savoir, j'entendais les questions et les réponses des deux correspondants.

Une belle conversation anodine, du genre : T’es où, comment ça va ? Je suis dans le métro. Ah bon ! Comment tu vas ? Bien, bien, tout va bien, et les enfants, rien de particulier ? Ils vont bien, et toi ? Impeccable, oui, oui, tu rentres tout de suite ? Oui, je rentre, je suis content que tout aille bien pour toi, pourquoi tu parles si fort ? Parce que je suis dans le métro. Ah bon ! Je suis à la maison dans 10 minutes, je t’appelle si tu veux, d’accord ? Bien sûr, je serais content, bon d’accord, à tout de suite alors ? Oui, je suis chez moi, j’attends ton appel.

Les deux hommes, entendus de tous, parlaient avec beaucoup d' affection des simples choses de la vie, je sentais à leurs voix de la sincérité, ils faisaient plaisir à entendre, leur gentillesse semblait se diffuser dans le wagon... En face de moi, il y avait un homme jeune, peut-être maghrébin comme eux, attentif aussi à cette conversation, nous nous sommes regardés un instant et nous avons souri, mais notre sourire n'était ni moqueur ni agacé... Nous profitions des nouvelles du jour, émouvantes et simples.

Notre sourire se prolongea sur deux stations, nos deux hommes n'en finissaient pas de se dire bonjour, au revoir, et bonjour aux enfants. J'avais bien l'impression que ce coup de fil apaisant faisait du bien aux auditeurs libres que nous étions...

Quand je suis descendue à ma station, j'ai dit au jeune homme : c’est vraiment sympathique d'entendre ça, et il m'a dit : oui c'est vrai, bonne journée à vous. J'étais contente et émue, de ce moment de douceur partagée...

La journée commençait vraiment bien, je passais la porte automatique, vers la sortie, il y avait du monde dans tous les sens, je pensais déjà aux raviolis, aux messieurs qui répandaient de bonnes paroles autour d’eux, je gardais le sourire…

Tout à coup, de grands cris résonnent partout dans le couloir du métro, devant moi, deux femmes noires, encore jeunes, poussaient des cris terribles, se tordaient les mains, elles étaient juste devant moi et je voyais leurs regards effrayés, il devait se passer une chose abominable dans mon dos, je n’en menais pas large, j’avais même peur de me retourner et voir la chose terrible qui les faisait hurler de terreur… Je me suis dit, c'est un attentat et j’ai vu, très vite, en jetant un regard furtif sur le côté, descendre l’escalier, jusque dans la rigole, près du mur, un gros rat qui courait, qui cavalait juste à côté de moi… Je n’ai pas bougé, je me suis trouvée un sang froid inhabituel, le rat a disparu en 3 secondes pas plus, je ne sais où, j’ai continué bravement mon chemin… Un jeune homme qui prenait la même sortie juste à côté de moi pressait le pas, je lui dis : il s’en passe des choses à Paris, il s’est retourné vers moi, m’a regardée, et m’a fait comprendre qu’il ne parlait pas le français. Mais nous nous étions compris, nous avions vu le rat, et nous ne pouvions pas en parler… Moi comprends pas français… Nous ne pouvions pas partager la peur.

J’étais passée brusquement de la douceur à l'effroi et à l'incompréhension… Mais les montagnes russes des sentiments ne se terminaient pas là...

Les escaliers de la station de métro débouchaient sur un énorme marché de la misère, je pouvais à peine mettre un pied devant l’autre, de tous côtés il y avait des vendeurs à la sauvette, tout leur étalage était posé à terre, sur des draps, des chiffons, des tapis de fortune… Les vendeurs étaient aussi nombreux que les acheteurs, pour quelques euros l’affaire se faisait, les vieux vêtements, les casseroles ou les téléphones portables passaient d’une main dans l’autre…

Cette vision apocalyptique me fait à chaque fois le même effet, comment faire pour changer tout ça ? Quelque fois, sur cette même place, je vois traîner des vêtements, des bouteilles, des vélos, des livres, des papiers, tous les signes du passage récent de la police, les vendeurs avaient pris la poudre d’escampette, laissant là ce que les deux mains n'avaient pu ramasser assez vite…

La journée n’est pas finie, je poursuivais mon chemin vers un magasin où je vais d’habitude acheter les fruits exotiques, le lait de coco, les légumes et la citronnelle… Des dames, toutes asiatiques, faisaient le pied de grue tout le long de la rue, la prostitution s’est installée là depuis quelques mois, je n’avais rien vu, mais maintenant leur présence est très visible, elles sont nombreuses. En passant, je vois qu’elles répondent aux hommes qui demandent le prix de la passe, en levant les deux mains, elles maintiennent en l'air le nombre de doigts qui convient, et le prix change d’une dame à l’autre…

Descendre à Belleville est maintenant un point d'interrogation, car jamais je ne peux répondre aux questions que je me pose : comment ça va finir tout ça, comment, pourquoi la pauvreté a-t-elle progressé si vite, par-là ?... Jamais ne n’arrive à avoir le moindre début de réponse, mais je vois bien que de jour en jour, la pauvreté, la violence, gagnent du terrain ici…

Quand je suis rentrée dans le magasin, j’ai acheté les fruits, les légumes, le lait de coco, j’ai oublié un instant, toutes les questions que je me posais en entrant… Je les ai reprises en sortant !


Respect et chapeau bas .... Tunisie et Egypte






Pour 2011... Bonne démocratie à tous...

lundi 7 février 2011

Nos noces de porcelaine...


C’est comme ça que nous avions décidé de fêter nos 20 ans à la chorale, en faire un jour exceptionnel, chatoyant, chantant, fraternel et gourmand…

Tout avait commencé en 1991, on va se regrouper pour chanter, notre jeune cheffe était à la baguette, en un tour de main elle avait créé notre choeur.

Depuis on s’est quittés, elle est passée à la vitesse supérieure, et nous on a changé de mains, plusieurs fois. Trois cheffes ont compté dans notre vie, trois cheffes magnifiques. On a pleuré pour les deux premières, et on va encore pleurer quand la dernière va partir… C'est prévu au programme pour bientôt, elles veulent toutes développer leur carrière personnelle, on ne peut pas leur en vouloir, on les pousse... Même si on veut les retenir...

Mais bon, je ne vais pas vous raconter 20 ans de notes et de gammes, et puis tout le monde sait ce que c’est qu’une chorale. Promis, je vais faire court pour cette longue histoire.

On a eu des hauts et des bas, des cris et des tracas, mais on a tenu le coup, on ne s’est jamais séparés, notre chœur a tenu bon, comme vous le savez, un groupe, c'est fragile et c'est fort, il n'a pas été toujours facile de concilier : le choix du répertoire, les sauts d’humeur de certains, les absences, les bavardages et le travail, les : "J’en ai marre, je vais ailleurs où on chante mieux, du classique, c'est plus classe, c'est bien plus beau que des chants du monde entier, toujours parler, l’Italien, le Russe, l’Allemand, l'Anglais… J’en peux plus…" Et tout le monde est resté. On a continué ensemble à chanter un peu partout : dans la rue, dans les églises, dans les maisons de retraite, dans le métro, dans les jardins, on a même voyagé, fait des tournées internationales, en Italie, en Allemagne, à Provins, à Saint Denis, à Bobigny et ailleurs. Personne ne nous connaît, que nos amis et les amis de nos amis… Mais nous, on se connaît tous par coeur, et c'est ça qui est bien. Chanter ensemble, il y en a qui ne peuvent plus s'en passer, c'est comme une drogue, dit l'un, un plaisir de la vie, dit l'autre, impossible de ne pas venir.

De temps en temps, on adore répéter le week-end, on mange ensemble et ça fait un chahut du diable, chacun apporte une spécialité, pas forcément spéciale, on débouche des bouteilles, on prend le café, on fait des bons gâteaux et on chante tout le temps…

Pendant 20 ans, ça fait un bail, petit à petit on a renouvelé la troupe, un noyau dur est resté qui connaît tout depuis le début, et on chante tout le temps... Et on rit beaucoup aussi.

On s’est un peu spécialisés dans les chants du travail, de la vie de tous les jours, mais on chante aussi des messes, des negro spirituals, du baroque, du contemporain, attention, on est contre rien, à peu près rien… Tout le monde nous dit qu’on chante très bien, qu'on a même une couleur musicale spéciale, et nous on le croit, bien entendu.

On a brûlé les planches, chanté, joué la comédie, dans des spectacles musicaux, dans un opéra qui parlait de la fermeture d’une usine, on était tous morts de trac tout le temps, on se disait, on n'y arrivera jamais, on va se tromper, on va bégayer, on va avoir des trous, on va tout foutre par terre… Pas du tout, on a été à la hauteur de la situation, on a même joué à guichets fermés…

Depuis 20 ans qu’on se connaît, on s’aime, c’est évident, on est attentifs aux uns et aux autres, on envoie des cartes à ceux qui sont malades pour leur remonter le moral, on a connu des choristes qui nous ont quitté pour toujours, j’en ai encore du chagrin…

On est très indisciplinés, c’est ce qui fait notre force et notre faiblesse, notre force pour dire ce que l’on pense, notre faiblesse pour le dire au mauvais moment, en pleine répétition par exemple, ça énerve la cheffe de chœur, forcément.

Il y en a qui arrivent toujours en retard, mais depuis le temps, on a pris ça du bon côté, toujours en retard, c’est être à son heure à soi pas à celle des autres, voilà tout.

Il y en a qui chantent plus fort que les autres, on a pris ça du bon côté, avoir une belle voix, c’est forcément un atout… Pas toujours du goût de tout le monde, mais il faut rester philosophe…

Il y en a qui ratent une répétition sur deux, c’est pénible c’est vrai, mais on a pris ça du bon côté… Il faut avancer à son rythme, la vie n’est pas toujours facile.

Enfin bref, ceux qui ont goûté le chant choral savent tout ça par cœur !

Alors on s’est dit : 20 ans en chœur, ça se fête !

Pour une belle fête, ça a été une belle fête, on était presque tous là, avec les amis de nos amis, ça faisait beaucoup de monde, finalement on a toujours plus d’amis qu’on ne le croit… Depuis 20 ans, vous vous rendez compte !

Nous avons mangé nos spécialités, chanté ensemble, et quelques uns se sont lancés dans des solos superbes, on a eu droit à des poèmes délicieusement dits, de délicates histoires de conteur, des préludes des sonates sur le beau piano à queue, nos trois cheffes de chœurs préférées ont chanté pour nous sur des musiques originales spécialement composées pour l'occasion, pour nos 20 ans de porcelaine. Nos choristes sont très doués, ils savent tout faire : la musique, la poésie, la comédie. Ils savent rire aux bons moments, ça oui.

Nous avons dans notre choeur une jeune plasticienne qui nous fait des décors merveilleux, elle a toujours le sourire, elle avait fait une guirlande de papier avec toutes nos têtes rigolotes, chacun voulait emporter la sienne...

Nous avons aussi notre cameraman attitré, qui a fait ça toute sa vie, pour le plaisir, mais juste là, il lui a manqué de la batterie pour tout enregistrer, il faudra attendre encore 5 ans, jusqu'au prochain anniversaire, pour qu'il revienne nous filmer...

On ne va pas attendre 10 ans, car dans nos rangs, ceux qui sont là depuis le début veulent qu'on s'amuse plus souvent...

samedi 5 février 2011

Mais revenons au Cambodge... La photo !

Vous partiriez si loin sans appareil photo ? Sans la pochette complète ? Le cordon ombilical qui donne vie à vos souvenirs via votre ordinateur ?... Il ne s'agit pas de le laisser sur le buffet avant de partir celui-là, ça non. Un jour, j'avais fait un truc comme ça avec mon ordinateur, j'avais oublié le cordon d'alimentation, tout simplement, là, même plus question de rien, ni mail, ni petit coucou, ni stockage de photos... Le drame, la tension, l'oubli impardonnable, il fallait que je cherche un point Wifi, une connexion d'urgence, l'air allait me manquer, asphyxiée... J'étais comme un chercheur d'or qui aurait oublié son tamis, je vais les trouver comment, mes pépites?

Pour faire des photos, je vais être drôlement limitée... Pour les coucous, les tout va bien, il fait beau, on peut attendre un peu, il y a les points Internet, avec le café serré, sauvée !

Mais les photos ? Il faudra donc que j'ajuste mes envies à la capacité de ma carte mémoire, si j'en réduis le nombre de pixels, j'vais pouvoir en faire un peu plus, mais la qualité sera moins bonne, quel désastre. Quand on fait de la photo, on ne réfléchit pas comme tout le monde, il faut ouvrir l'oeil et le bon, avoir le doigt souple, qui ne tremble pas, avoir la science du cadrage, repérer rapidement le détail époustouflant qui va étonner vos amis, faire de vous, qui sait, un artiste... Vous pouvez passer directement dans la cour des grands, on risque même de parler de vous à la prochaine soirée crêpes, tu as vu ses photos ? Superbes, oui, très sympa, penser à l'art oui, mais il faut avoir de la tête, penser à tout... Et je n'en suis pas là... Il me manque encore beaucoup de métier, je joue petit, mais je m'applique, quand je n'oublie pas quelque chose.

On regarde, on vise, on ajuste, on déclenche, comme une mesure à quatre temps, la photo c'est très musical.

J'ai remarqué avec des touristes asiatiques, sur le site d'Angkor, tout comme à Venise, qu'on ne peut pas faire de mauvaises photos quand le paysage est tellement beau, même tremblé le point de vue est adorable, quel beau flouté, quels beaux reflets, quel effet poétique, c'est vraiment comme ça ? Magnifique, la petite musique est en marche sur le bon rythme, mes touristes sont contents, ils abordent un large sourire, l'image est belle par tous les temps.


Devant les temples, ou le Pont des soupirs, les amateurs de photo m'amusent, enfin, pas tout le temps : vous savez, ceux qui veulent absolument avoir leur tête sur tous les plans. Il faut attendre que tout le groupe y soit passé, un par un devant l'objectif, pas question de ne pas y être, ils prennent leur temps, il faut être à son avantage, avoir l'air joyeux, quand c'est à mon tour de déclencher, seule enfin, devant la beauté, il y a un gros nuage qui fait une ombre portée juste sur l'endroit que j'avais choisi... L'appareil est prêt, ouvert depuis longtemps, la pile va se décharger, zut, mais non, pas de panique, j'ai de quoi recharger la batterie, faut pas trop traîner quand même, l'obturateur est bien dégagé, le doigt sur le déclencheur, comme sur la couture du pantalon, attention, là, vous y êtes, c'est parfait, juste ce qu'il faut de lumière, superbe. Tout à coup, à 5 mètres, un autre groupe de touristes asiatiques arrive, tous en tee-shirt jaune, pour ne pas se perdre, bien se reconnaître, se voir de loin, des jeunes, très jeunes, des scolaires, des étudiants, ça parle, ça crie dans tous les coins, ils investissent les gradins, juste à l'endroit, pile, où je me tiens, le petit doigt en l'air, les deux jambes solidement plantées, les bras tendus, alors celle-là, elle est pour moi, étonnant, fascinant, quand je vais leur montrer ça... Raté !

Le moment est mal choisi, ils sont nombreux dans le nouveau groupe qui arrive et chacun veut se faire tirer le portrait devant la racine énorme qui a fait écrouler le mur de ce temple extraordinaire. Dans les escaliers de pierre, qui mène au lieu de prière, c'est pareil, pour un instant d'instabilité, la photo ne se fera pas sans un sourire, on se met à deux ou à trois, mais le groupe est tellement grand qu'il faudra attendre un bon moment pour libérer le plateau.

La lumière a changé d'intensité, il reste encore deux ou trois portraits à faire, il faut attendre, attendre... J'ai bien le temps. Je regarde le spectacle, les jeunes enthousiastes, presque des aventuriers qui veulent compter dans l'histoire, et puis cette manie de vouloir à tout prix faire celle qui est toute seule dans une île déserte... C'est drôle cette idée de fixer le temps uniquement quand il n'y a personne à l'horizon, la vie n'est pas du papier glacé... Il faudrait peut-être voir autrement...

De bougonner je m'arrête, et je prends la photo, à mon tour.

Je n'ai pas décidé encore de voir autrement, j'attends toujours qu'il n'y ait plus personne à l'horizon pour prendre ma photo, je n'arrive pas à changer... Mais je vois que nous sommes beaucoup dans ce cas-là... La photo en somme, ne dit pas la vérité...

jeudi 3 février 2011

C'est mon anniversaire...


Dans l’ascenseur qui montait, j’ai rencontré ma voisine du dessous, elle avait un gros caddie, bien plein, et juste sur le dessus, posé bien en évidence, le grand rectangle blanc d’une boîte de gâteaux, ficelée légèrement par un nœud très distendu… Elle avait sans doute commencé à défaire le travail de la pâtissière, pour voir, pour goûter, pour consolider ? Je ne sais pas.

Vous allez bien ? Oui, oui, tout va bien, tant mieux, mais dites-moi, et je désignais du doigt le rectangle blanc avec le bolduc un peu lâche, c’est la fête ce soir ? Enfin la fête, si on peut dire, oui, c’est mon anniversaire, ah ! Bon anniversaire, vous allez faire un bon dîner, alors ? Non, non, pas du tout, mon fils n’est pas là, il travaille tard ce soir, mais ça n’a aucune importance, à mon âge maintenant, on ne fait plus attention à ces choses-là… Elle me dit tout ça avec le sourire, et un petit mouvement de tête qui fit valser ses cheveux blonds de chaque côté de son visage.



Nous n’avons pas parlé des gâteaux, je trouvais que pour une personne le paquet était très avantageux, aura-t-elle eu l’idée de manger plusieurs desserts à la fin du petit repas du soir ?

Bon, mais ça va quand même ? Pas de problème, oui, tout à fait bien… En sortant de l’ascenseur, elle me dit, Oh ! Mais ce n’est pas mon étage, nous étions allées trop haut, distraites, comme quand on loupe sa station de métro, le nez dans son livre ou la tête dans ses pensées, il lui fallait redescendre d’un étage, faire marche arrière… Pas bien grave, ne vous en faites pas, bonne soirée, oui, bonne soirée à vous, nous avons fait juste un petit tour d'ascenseur pour votre anniversaire…

La porte se refermait tout juste quand elle me dit, et vous, c’est quel mois votre anniversaire ? C’est en juin, j’ai encore du temps, passez une bonne soirée, à bientôt. Finalement, j’étais bien contente de voir passer le mois de février avant le mois de juin, et comme nous n’avions rien dit de l’année, je pouvais largement me dire que j'étais la plus jeune, j’avais gagné cinq mois de navigation à vue.



En refermant ma porte, ma pensée s’est entièrement concentrée sur elle, son caddie, son paquet de gâteaux, sa solitude et son anniversaire

Quelquefois, avez-vous remarqué comme l'idée même de l’anniversaire se transforme en un tour de main ? Regrets, chagrin, angoisse se livrent bataille, passé un certain âge, on n'a plus envie de fêter son anniversaire, on a même envie de l’effacer, de le clandestiniser, si tout le monde a oublié, c’est très bien, on reste dans le flou, encore une année de gagnée…

J’ai rencontré des militants du non-anniversaire, en général ils ne sont pas gais, ils essayent de sauter toutes les mauvaises cases : je ne compte pour personne, ça na va pas être gai de rester dans mon coin à ruminer mes infortunes, même si je ne fais pas mon âge, ça serait si bien qu’on me le dise quand même, en mettant deux sucres dans le café, en débouchant la bouteille de champagne, en faisant du bruit, du bavardage, être ensemble à se moquer du temps qui passe, l’anniversaire c’est pas seulement fêter les années qui vous restent à vivre dans le bonheur, c’est aussi se consoler en bonne compagnie, de les voir défiler si vite... Bon, ce soir il n’y aura personne, tant mieux !


Mais si la fête est décidée, il va falloir sortir les bougies, les compter, les nettoyer, vais-je en avoir assez ? Finalement, il y en aura bientôt plus que de choux à la crème, j'en mets des grosses, y'en aura moins, ça fera un beau feu de joie, une grande lumière, qu’il faudra souffler d’un seul coup… Tout le monde a pensé à vous, les cadeaux et les petit gâteaux, les baisers, l’affection, les rires, les histoires font passer tout le reste, un de plus c’est épatant, il s'est passé gentiment, il en reste encore beaucoup, soyons heureux et généreux puisqu’on est ensemble.


Ma voisine avait le sourire d’un soir de tristesse, ni militante de l’abstinence, ni décidée à faire la fête, entre deux étages, mi-figue mi-raisin, avec sa boîte de gâteaux tenue légèrement par le bout de ficelle dorée, j’espère bien que les douceurs vont la consoler un peu ?

Il y a mille et une manières de penser à son anniversaire, dans la joie ou dans la peine, ça dépend peut-être aussi du moment qui vous saisit quand vous commencez le compte à rebours… Plus les années à fêter augmentent, moins on veut faire d’invitations, on renâcle, mais non, c’est pas si important, un an de plus, un an de moins, où est la différence, la liste n’en finit pas de justifications négatives, on verra l’année prochaine, à quoi bon….



Et puis, au beau milieu de ces pensées, le matin au saut du lit, ou en plein après midi, en trente secondes sans tambour ni trompette, on voit tout autrement : tiens, mon anniversaire approche à grands pas, si j’invitais tout le monde, ça serait super chouette, alors, qu’est-ce que je vais faire, une énorme crème au caramel, un bon cake aux fruits confits avec sa crème anglaise, non, de la glace, c’est bien aussi, et si j’achetais le gâteau chez un grand pâtissier de Paris, mais oui, où avais-je la tête ? Il faut que je pense à renouveler mon thé parfumé, du café, des petits chocolats, tout le monde en raffole, j’ouvre une bouteille de champagne ? Oui, bonne idée, allez, je fais mes invitations, je ne vais quand même pas me priver d’un si beau jour, après moi le déluge, plus on est de fous plus on rit, la vie ne repassera pas deux fois, c’est maintenant, voyons voir la liste des grands, des très grands faiseurs de gourmandises, j’aime beaucoup l’idée… Il faut descendre à quelle station, déjà, pour y aller ?

Bon anniversaire chère voisine ! Moi c’est en juin, j’ai tout juste le temps d’y penser…


mardi 1 février 2011

Mon cyclamen va passer l'arme à gauche ?



Depuis quelques mois, j’ai un beau cyclamen rose, tout fleuri, exubérant, triomphant. Il m’avait été offert par un de mes fils à l’occasion d’un petit repas qui ne marquait rien de particulier, simplement là pour faire du bien, pour être plus près. Mon fils était venu avec la jolie fleur, abritée délicatement dans le cristal d’un papier transparent.

Les feuilles, il y en avait partout, biens drues, bien bedonnantes, pas une à jeter, à arranger, à déplier, parfaites ! Des fleurs, il en poussait tous les jours, elles commençaient par pointer le nez sous les feuilles, bien cachées, il fallait écarter la toison verte pour les compter.

Dès le matin j’avais l’œil dessus, je tirais la fleur du balcon où elle avait passé la nuit, au froid, pour son bien.

Elle adorait ce divertissement, sortie la nuit, rentrée le matin… La belle allait très bien à ce rythme, resplendissante de santé. Je vous garantis qu’au matin, quand vous penchez un peu la tête vers votre jardin, composé uniquement d’une fleur, que vous voyez le rose et le vert mélangés sans timidité, vous vous dites sans fausse modestie, j’ai les pouces verts, je suis vraiment très douée.

Au bout d’un mois, de deux, même de trois, pas une feuille ne manquait, les fleurs de l’hiver poussaient bien tranquillement une par une, à leur aise, sous le feuillage.

Il m’est arrivé plus d’une fois d’oublier la sortie du soir, ah, Zut ! C’est vrai, la voilà qui faiblit, vite un peu d’air, elle va repartir, patience.

Mais la patience a des limites, à ce petit jeu-là le cyclamen va me faire une chute de feuilles, un affaiblissement floral, une tige molle, il ne va pas faire long feu, il faut y penser tous les soirs, comme la promenade du chien, obligatoire, question de survie.

Quand le pot est à l’intérieur, j’en profite pleinement, pas d’odeur, juste de la couleur, une fraîcheur printanière à côté des orchidées mauves, blanches, décidément l’hiver a du bon, chez moi, c’est toujours l’été.

L’autre matin, je regarde par la fenêtre, et je vois le désastre, le cyclamen avait les bras en croix par-dessus les feuilles devenues dures comme du bois. La nuit a été catastrophique, bien trop froide, il a gelé, mon domaine est foutu. J’avais mon cœur qui battait, quelle benête, j’ai oublié de le rentrer…

Vite, je porte le pauvre à l’intérieur, je touche son cœur, il est tout froid, c’est la fin ?

Je tente le tout pour le tout, je le laisse redécouvrir les plaisirs de la vie dans la cuisine, au chaud, il ne va peut-être pas me laisser tomber tout de suite, je reprends espoir, je vais attendre qu’il se défroisse, qu’il se refasse du sang neuf, qu’il ressorte ses pinceaux pour faire des retouches en rose, qu’il entre au moins en convalescence, juste pour me faire plaisir.

Moi, que ne sais pas du tout parler aux fleurs autrement qu’avec des mots de tous les jours... Le cyclamen a dû entendre ma plainte, il a compris, car le soir, après avoir passé tout le jour à se réchauffer, il est revenu à la vie, toutes les fleurs n’ont pas résisté bien sûr, j’ai coupé ça et là celles qui avaient vraiment baissé les bras et il m’en est resté trois, bien vaillantes, le feuillage a repris de sa bonne mine, bien pigeonnant, en écartant quelques feuilles, j’ai vu qu’il y avait du monde qui se préparait à la sortie… Alléluia !

Vous imaginez mon contentement, toute la journée je me suis complimentée, et aujourd’hui, je peux vous dire qu’il est reparti comme en 14, de nouvelles fleurs sont arrivées, tout fonctionne admirablement.

Bon, maintenant qu’il est à l’intérieur, pendant les grands froids, il ne faut pas que j’oublie de l’arroser de temps en temps, le ciel n’y pourvoira pas derrière mes fenêtres. Dehors ou dedans, c’est tout pareil que les gens, il faut s’en occuper, bien les soigner, leur parler gentiment pour avoir des couleurs dans la vie, vous ne croyez pas ?

NB. Biens sûr toutes les photos ont été prises après la résurrection, et même celle de la conclusion quelques jours après ! Je ne vous cache rien.