mercredi 29 février 2012

Le poivron rouge... Et la petite maison !



Petites histoires de grandes surfaces...

Ma grande surface de ville, c'est comme le marché des campagnes, j'y fais des rencontres improvisées, des trouvailles inédites, on vend de tout à la campagne, j'y vais avec mon panier, dans ma ville, pour deux trois courses, je ne prends rien que les sacs en plastique payants qui ne nuisent pas à l'environnement, et je préfère quand même y aller le moins souvent possible.

Quand mon réfrigérateur est entièrement vide, je me décide, je réfléchis, je fais ma liste et je prends mon grand sac à roulettes, direction la grande surface, à cette heure-ci il n'y aura pas beaucoup de monde.

Je ne fais pas de grands tours, avec ma liste GPS je vais droit au but, mais n'empêche que je me laisse distraire par les couleurs et les nouveautés comme tout le monde.

Devant les légumes des jardins lointains, je fais la grimace, ça vient de bien trop loin, je ne prends pas, et puis d'autres fois, hypocrite, j'oublie qu'ils ont pris l'avion...

Je me trouvais donc devant le tas des poivrons de toutes les couleurs venus d'ailleurs, bien brillants, beaux à voir... Une vieille dame à côté de moi, voyant que je m'y intéressais, me demande avec une courtoisie et une amabilité surannées, d'une petite voix de papillote : madame, excusez-moi de vous déranger, je peux vous poser une question ? Bien sûr, je vous en prie, et je mets aussitôt mon oreille à sa disposition... Comment faites-vous pour enlever la peau des poivrons, question digestion j'ai des problèmes, et je cherche comment faire pour les éplucher facilement... Oui, je comprends, vous avez raison, les poivrons, les verts surtout, ne sont pas faciles à digérer, oui, oui, justement, comment faites-vous ? Mais ne me laissant rien dire encore, elle enchaîne sur le fond de la question : oui, moi je les mets dans un papier d'aluminium et je les fais griller sur le gaz, mais ça m’abîme tout mon gaz ! Oui, je comprends, j'ai bien essayé de les griller au four, mais je n'ai plus de four... Elle portait un petit chapeau d'hiver, mince, souriante, et passionnée, je n'avais plus qu'à l'écouter, sans répondre, c'était parfait, elle parlait pour deux, j'avais largement le temps de prendre mon élan pour la réponse. Je me disais, à son âge elle doit sans doute tout savoir sur l'épluchage du poivron, que pourrais-je lui raconter qu'elle ne connaisse déjà ?

Mais non, cette dame voulait en savoir plus, elle cherchait encore, elle n'avait donc pas épuisé totalement son potentiel de découvertes, elle pensait qu'il y  avait encore une solution à son problème de digestion, elle croyait encore au miracle, elle m'a tout de suite plu... J'aime bien les gens qui ont la foi, une belle foi douce et stimulante qui aide au quotidien, sans bousculer son voisin, une foi tranquille mais soutenue, une foi intérieure solide, avec un coeur de velours et des manières de païen.

Comme elle s'était tout de même arrêtée pour entendre ma recette, j'ai pris mon temps pour lui expliquer que moi je prenais toujours des poivrons rouges, plus doux plus facile à assimiler, et je ne les épluchais jamais !

Ah bon ! Visiblement, elle n'avait pas trouvé le petit miracle qui lui ferait avaler le poivron rouge sans sourciller... Une déception, encore une... Merci madame, vous êtes vraiment très gentille, excusez-moi de vous avoir fait perdre votre temps... Elle sourit, reprit sa machine à deux roues et poursuivit son chemin... Mais pas du tout madame, j'ai beaucoup aimé notre conversation très sympathique, passez une bonne journée. Finalement elle ne prit aucun poivron, ni rouge, ni vert, ni jaune...

Cette belle rencontre me fit réfléchir sur la vie bien sûr, puisque la philosophie vient du cours des choses ordinaires que nous vivons au quotidien. Cette dame venait de me donner une belle envolée d'espérance, âgée, elle l'était, savante, sûrement sur un tas de choses que j'ignorais, en recherche encore, sur les douceurs de l’existence, elle avait pourtant tout essayé, mais cherchait encore... C'était une curieuse inépuisable...Quelle chance !



Plus loin un homme jeune me dit bonjour avec le sourire, à la première seconde, je me dis, qui c'est ? A la deuxième, bigre, d'où je le connais ? Il me prend dans ses bras et m'embrasse familièrement, je n'avais pas encore trouvé... J'ai mis les bouchées doubles pour réfléchir, voilà, c'est lui, il me manquait encore son nom... Mais l'essentiel était fait, je savais que je le connaissais, parfait, on va pouvoir converser, ah ! Oui, voilà maintenant je le remets, le nom pas possible encore, ça vient de très loin...

Comment allez-vous ? Le petit interrogatoire amical s'enroulait autour du nombre d'années où l'on ne s'était plus vus... Les nouvelles, même un peu anciennes, refaisaient surface, on se mettait à jour avec le même intérêt, il avait un bon diplôme de linguiste, n'avait jamais pu le monnayer, il s'était retrouvé depuis des années dans le secteur social où j'avais eu des responsabilités, j'avais bien vu qu'il n'arrivait à rien d'autre avec son beau diplôme... Que de rester là où on avait bien voulu de lui, trop diplômé pour la théorie, mais pas assez pour ce qu'on lui demandait, il allait d'une rive à l'autre, cherchant un accostage stable.

Bah ! C'est fini maintenant, j'ai deux enfants,  une petite maison, la vie va comme ça... Ça tangue, ça déménage, on s'installe comme on peut, on a assez d'argent avec nos deux salaires, tout va bien... Je suis contente de t'avoir rencontré, tes deux enfants, ça va bien ? Continue d'être heureux,  ne t'arrête pas en si bon chemin, bonne vie...

Je n'avais toujours pas retrouvé son nom, hum ! Même pas son prénom, hum ! Mais je reconnaissais son sourire, son histoire, un baiser aussi pour nos "au revoir", et nous voilà repartis, pour longtemps ? Chacun de notre côté.

J'ai repensé à ces deux histoires, écoutées en supermarché, belles comme je les aime, pleines d'humanité, l'espoir et la déception n'ont pas d'âge, seulement des couleurs dans les voix.

4 commentaires:

Michelaise a dit…

Un très grave problème en effet que le pelage de poivrons !!! Et oui, aux heures calmes on rencontre des gentilles mamies qui ont envie de parler. Et tu sais si bien écouter !!
Quant au jeune homme dont tu n'as pas retrouvé le nom, imagine ce que c'est quand on croise partout d'anciens étudiants qui te foncent dessus, te présentent mari ou femme, enfants et autres et qu'on ne les écoute pas tant on est en train de chercher leur nom... ou comme tu dis, au moins leur prénom !! Quel bonheur de pouvoir dire triomphalement au moment de l'adieu "au revoir Céline !!" Ouf !!!!

Danielle a dit…

C'est vrai Michelaise, j'aime bien ces rencontres inattendues et très souvent sympathiques, les noms, les prénoms, je le cherche c'est vrai tout le long de la conversation, je suis fière comme un petit banc quand avant la fin : je les trouve.

Je pense à tes élèves que tu dois retrouver avec plaisir... je comprends bien cela.

Bises du soir.

Brigitte a dit…

J'aime beaucoup la façon dont tu racontes tes rencontres .
As -tu finis par retrouver le nom ou le prénom de cet" inconnu?"
Cela m'est arrivé à moi aussi et quelques jours plus tard le déclic s'est produit !!!

Danielle a dit…

Et bien Brigitte non, je n'ai pas retrouvé son nom, peut-être Karim, Hakim ou Abdel, je ne sais plus du tout, quel dommage...

Toi tu as fait beaucoup mieux.

Bises du soir.