mercredi 28 mars 2012

Koifeur pour tout le monde !



J'ai un ami qui est koifeur pour tout le monde, les dames, les hommes et les enfants, il coiffe tout ceux qui viennent lui demander un coup de ciseaux, une couleur, un coup de jeune, un coup de tondeuse. Avec ses instruments, il remet les idées en place.

Chez lui, on ne prend jamais de rendez-vous, on attend un peu, on bavarde, on prend le café, le thé, il y a plein de parfums différents, des mères amènent leurs enfants du plus petit au plus grand, ils attendent gentiment.

Mon koifeur, il est fort, l'autre jour j'étais venue me faire belle, il m'a dit : alors Danielle, t'as coupé tes cheveux toute seule ? Il pensait même que mes cheveux devaient traîner par terre car j'avais mis beaucoup de temps à revenir le voir, son salon de coiffure est  loin, il me faut prendre le RER, alors, je finis par lui faire quelques infidélités...

Mais là, j'étais venue en voiture avec une amie, c'était le printemps, j'avais un peu plus de cheveux blancs que d'habitude : Danielle, il va falloir faire une couleur ! Celle qu'il veut bien sûr, de toute façon il n'en fait qu'à sa tête, il ne m'écoute jamais, il fait pour mon mieux.

Sur le catalogue à fleurs, il prend une petite mèche échantillon de faux cheveux entre ses doigts, et il dit sans hésiter : c'est celle-là que je vais te faire, une belle couleur, que je n'avais jamais eue,... Tu crois que ça sera bien, pas trop foncé ? Il me regarde sans dire un mot, pas la peine de discuter... Mon koifeur décide de tout, quand je suis chez lui, c'est lui le Président de sa République !

Je n'ai jamais eu à m'en plaindre, il a toujours fait à son goût et comme dit une autre de mes amies, il sait ce qu'il te faut, il te rend belle un point c'est tout, donc je l'écoute, comment résister à son savoir, sa vision si juste des têtes...Vous voyez comme la partie est inégale, mais finalement je me rends aveuglément à ses décisions, et je suis toujours contente du résultat.

Pour venir, j'avais mis sous mon bras une grande boîte en fer remplie de madeleines au chocolat parfumées à la fleur d'oranger, comme il les aime, je les avais faites la veille, spécialement pour lui... En fait, mon koifeur, je le paye en nature, c'est une bonne nature. Quelque fois il me dit : je suis au régime !... Mais les madeleines font toujours exception, on verra ça après.

Son salon de coiffure, c'est aussi un centre culturel, un centre d'affaires importantes, on réfléchit beaucoup, on se donne de bons conseils, on prend des nouvelles de toute la planète, on conseille les enfants, on console les parents, on parle aussi informatique, gadget, consommation, ça sert à quoi tout ça, un nouvel Ipad d'accord, mais que vas-tu faire de ton petit ordinateur, je vous le demande ! Ici on est en dehors du temps, on vient juste pour se faire du bien, alors on parle et petit à petit, quand on sort, il y a aussi des petits changement à l'intérieur de la tête.

Juste à côté de moi, il y avait une petite voiture d'enfant, avec un bébé rose de quelques mois dedans, une petite fille belle comme le jour, des cheveux noirs comme un jeune corbeau et chaque fois que je me penchais vers elle, elle souriait... Sa maman était à la coupe, elle bavardait allègrement avec le koifeur, je me suis mêlée de ce qui me regardait car j'avais entendu que l'enfant, la si belle enfant, la beauté gracieuse dans le landau, elle venait de l'adopter.

La jeune maman, la quarantaine qui n'en faisait pas plus d'une trentaine, nous a raconté de A à Z comment s'était passée la suite de sa vie après l'appel de l'Assistante sociale, l'annonce lui a été faite par téléphone, j'ai de bonnes nouvelles pour vous, venez très vite, prévenez votre mari.

Alors, vous l'avez vue combien de temps après le coup de fil, la petite fille ? Une semaine, et après, elle nous a fait venir dans la famille d'accueil pour qu'on la visite un peu tous les jours, ah bon ! Et après ? Vous l'avez eue vite ? Il a fallu quinze jours d'acclimatation, on est venu et on est reparti avec... Et là, notre vie a changé.

Magnifique, quelle belle histoire, mais elle sourit tout le temps comme ça, votre enfant ? Toujours, elle ne pleure jamais, tout le temps heureuse et nous aussi. Mon koifeur lui avait fait une superbe coiffure, toute douce, toute raffinée, la maman était ravissante comme un coeur.

Après la maman heureuse, c'est un monsieur qui a pris sa place, j'étais encore sous le temps de la couleur, mais tu ne reconnais pas monsieur ? Ah ! Mais bien sûr, c'est votre fils qui m'a donné un conseil à propos du caramel et du chocolat il y a quelques mois, un fameux pâtissier... Nous étions en pays de reconnaissance... Mais maintenant que je savais faire un caramel et fondre du chocolat, que pouvais-je espérer de plus ? J'écoutais ce qui se passait avec la musique qui traversait  les paroles...

Rinçage, coupe, séchage, mon koifeur m'a dit : ça te rajeunit, ce qui n'est pas forcément un compliment, mais le constat d'un bon travail sur le temps... C'est à ce moment précis que vous devenez immédiatement philosophe, forcément, vous êtes obligé de penser vite, très vite : c'est vrai, je ne rajeunis pas, cet artifice va me tenir la tête hors de l'eau pendant un bon petit moment, profitons de l'instant présent, nous verrons bien... Il faisait beau, une espèce de printemps s'installait avec sa douceur, sa lumière, il y avait des fleurs aux arbres, on pouvait sortir en manches courtes, tu pars où en vacances cet été ? La vie battait son plein de projets...

En sortant, j'ai vu une dame assise sur la banquette qui attendait son tour, elle faisait du coloriage avec des pastels... Une commande d'enfants de par ici, fais-moi du coloriage, elle passait les couleurs avec patience...

Malgré le temps qui passe, en sortant de chez mon koifeur je me dis que ça va durer encore un peu, ça change, c'est vraiment bien, ça tiendra bien jusqu'aux vacances, au revoir les amis, merci, ici j'ai gagné du temps, du temps précieux.

Je vous embrasse.


En sortant de chez mon koifeur...

lundi 26 mars 2012

Le jardin du Palais Royal... La Cour d'honneur et les colonnes de Buren.


J'ai profité d'un jour clair de soleil, à l'orée du printemps, pour aller faire le tour du jardin du Palais Royal. Ce jour-là il n'y avait personne, l'installation de Daniel Buren était en restauration et le public n'y avait pas accès, j'en ai profité pour prendre des photos, ce lieu est maintenant extrêmement touristique, pourtant de 1985 à 1986, pendant sa réalisation, cette oeuvre de Buren (Commande publique) suscita une énorme polémique.

Je peux en témoigner car j'y venais régulièrement, aussi souvent que je le pouvais, ça m'amusait beaucoup d'entendre le public critiquer avec véhémence ce projet qui se construisait sous nos yeux.

De légères palissades en bois, hautes d'environ un mètre, délimitaient le site, le public pouvait tout à loisir en faire le tour et regarder les progrès des travaux. Des centaines de personnes venaient comme moi participer à la discussion publique à ciel ouvert autour de ces frêles barrières. Les controverses allaient bon train, souvent le ton montait, on s'emportait, s'insultait, pendant que d'autres essayaient de calmer le jeu, ça durait des heures et ça faisait un joli boucan, pour être tout à fait honnête, il y avait beaucoup plus de détracteurs que d'admirateurs, dont j'étais. J'ai tout de suite adopté les colonnes Buren et mon engouement dure encore...

Pourtant le projet était intéressant, réaliser deux plateaux virtuels, l'un oblique, l'autre horizontal comportant 260 colonnes, toutes de hauteurs différentes et de couleur identique, blanche rayée de noire. On retrouve les bandes verticales sur les stores de chacune des fenêtres du Palais Royal. La fontaine, conçue par Patrick Bouchain, permet de faire courir un film d'eau sur la pente naturelle du terrain. Une ouverture sur l'eau, entourée d'une petites balustrade, permet au public de s'accouder, de se pencher et bien sûr de lancer les pièces et faire des voeux, c'est sans doute la magie et la tranquillité du lieu qui s'y prêtent. La restauration récente de celle-ci, qui interdisait la promenade sur les plateaux, m'a permis de prendre les photos.

La place Royale, je ne l'avais jamais vue fonctionner autrement que comme parking, des dizaines de voitures y stationnaient en permanence; personne n'y trouvait à redire, les détracteurs préféraient le parking à Buren, à "l'horreur de Buren".

Des arguments véhéments, j'en ai entendus... Le plus courant était celui-ci : d'accord pour l'art moderne, mais pas à Paris, pas ici, dans cette magnifique cour d'époque, ça ne convient absolument pas au lieu, Paris est défiguré, on ne mélange pas les styles (qui sont mélangés sur au moins 150 ans rien que sur le lieu), et puis, qu'est-ce que c'est que ces trucs en deux couleurs qui ne veulent rien dire ? Personne n'était d'accord, ni sur le lieu, ni sur la beauté de l'oeuvre, ni sur la commande d'Etat, tout ça n'a ni queue ni tête, c'est nous qui payons, on a notre mot à dire... On ne veut pas de ça, on ne veut pas l'horreur de Buren dans notre Cour d'honneur.

J'allais au Palais Royal participer aux discussions des barricades,  je venais jeter de l'huile sur le feu, c'était très drôle,  mes arguments modernistes faisaient mouche et c'était le tollé général : rappelez-vous la tour Eiffel qui elle aussi défigurait le paysage, et pourtant conservée après l'exposition Universelle de 1889... Tout le monde la trouvait moche, trop haute, trop industrielle, trop visible, et pourtant... Que serait Paris sans sa Tour Eiffel, quelques fois même je ne sais même plus du tout quoi penser d'elle, tout comme la Joconde, leur célébrité reste un peu énigmatique pour moi... Les oeuvres quelquefois ne sont pas célèbres pour leur valeur intrinsèque mais pour la légende qui s'est créée autour d'elles, il faut sans cesse y  réfléchir pour les regarder mieux... Elles font partie de notre paysage. Depuis, il y a eu la pyramide du Louvre avec sa belle trouée de verre, décriée aussi, mais les clameurs se sont vite tues... Le centre Pompidou aussi avait fait couler beaucoup d'encre  en 1977, pourtant quel bonheur d'entrer dans ce temple d'art contemporain qui ressemblait à une grosse usine de couleur, où tout était gratuit, je me souviens, j'en étais une des premières visiteuses avec mes enfants... Puisque nous ne construisons plus de cathédrales, il faut bien laisser à la postérité de quoi s'émerveiller, autrement...

Depuis le succès de la Cour d'honneur avec les colonnes, il y a de plus en plus de monde dans le coin, le jardin est pris d'assaut, surtout pendant les vacances, j'ai donc profité d'un temps calme, sans trop de touristes pour flâner, le long des arcades, et j'ai pris le jardin à revers, en transparence, à l'envers... Je n'avais pas l'esprit aux voeux, pas de pièce, et puis d'ailleurs des ouvriers travaillaient encore à la fontaine... La prochaine fois je fais des voeux...









Dans le jardin, les deux lecteurs, au soleil

jeudi 22 mars 2012

Des lapins et des hommes, la dame en papillote...



Les lapins :

Je me souviens de ce jour où j'avais vu courir en tous sens des dizaines de lapins, ils sortaient de partout, je n'en croyais pas mes yeux, comment était-ce possible de voir autant de lapins par ici ? J'étais en voiture, j'arrivais au rond-point d'une bretelle d'autoroute, nous n'étions ni à la campagne, ni dans un pré, non, juste à deux pas de ma rue, ça n'était pas non plus l'ouverture de la chasse, non, j'étais bien sur une autoroute qui s'engageait dans les méandres de la petite couronne de la région parisienne. Sur le talus bordant les bas-côtés des voies de circulation, l'herbe rase qui poussait suffisait pour que des dizaines et des dizaines de lapins gambadent gaiement, pas un ne se risquait sur la route, on aurait dit qu'ils savaient exactement ce qu'il fallait faire pour ne pas rouler sous les voitures... L'amie qui était avec moi m'avait conduite jusqu'ici pour me montrer le phénomène !

Le bruit des voitures, ils s'y étaient habitués, la pollution, ils en croquaient, les coups de fusils, jamais par ici, quelle drôle de destinée, sauter d'un bout à l'autre du gazon sans jamais sortir des clous, longtemps j'ai gardé en mémoire leurs sautillements exubérants au milieu des voitures, où allaient-ils ? Comment survivaient-ils ? Était-ce une réserve naturelle ? Allait-on les chercher avec des casseroles ?

Mais depuis ce temps-là, quand je passe dans le coin je cherche des yeux les lapins sauteurs, je n'en vois plus, sont-ils en voie de disparition complète ? Ai-je rêvé ?

Je n'ai jamais su le fin mot de l'histoire, j'ai même encore du mal à y croire !

Si cette histoire de lapins est amusante, la suivante l'est beaucoup moins ! Elle se passe aussi sur les talus des autoroutes, c'est pourquoi je l'y associe.


Les hommes :




J'ai l'oeil perçant, et au lieu de parler, en voiture, je regarde tout ce qui passe à ma portée.

À la porte de Bagnolet, à la porte de Montreuil, pas loin de la porte de Vincennes, périodiquement je vois des chantiers tous petits qui me serrent le coeur. Des chantiers où les maisons se construisent en un temps record, là, en une nuit, là, en deux jours, tiens, ça n'existait pas la semaine dernière... Les petites cabanes, les tentes, les toiles tendues, des bâches de toutes les couleurs font soudain irruption dans le paysage, bien à l'abri des regards, dans les buissons qui bordent l'autoroute, le périphérique, des gens, des hommes le plus souvent, habitent ici... J'ai vu des fumées sortir des tuyaux qui servent de cheminées, j'en ai vus qui entraient et sortaient de ces casemates avec des chariots de supersmarchés, ils avaient été faire leurs courses et rentraient à la maison...

Périodiquement, la végétation qui cache ces bidonvilles est coupée, les maisons de toiles sont éparpillées, laissées sur place, le vide est fait... Plusieurs semaines après, les petits chantiers reviennent, les maisons pas plus hautes que trois pommes renaissent et abritent des humains qui vivent en bordure des voies rapides, au beau milieu des milliers de voitures qui passent du matin au soir... Là où la pollution est à son comble.

Récemment j'ai vu sous l'autoroute, dans une brèche, un espace laissé libre mais couvert... Des familles y vivaient, des tas d'ordures les accompagnent... Ces gens sont là depuis des mois, peut-être même depuis des années... Personne ne les voit.

Je me souviens d'un documentaire que j'avais vu il y a des années, de hordes de gens qui vivaient dans les anfractuosités des souterrains du métro à New York, c'était effrayant, jamais je n'ai pu oublier cette souffrance et cette pauvreté... J'ai su que ces personnes y vivaient encore, un documentaire plus récent a été co-produit par l'INA et la chaîne Channel, le film a été réalisé par une Française Chantal Lasbat, il a été diffusé aux Etats-Unis en 2008 et sur la 5 en France, le 28 janvier 2009.


"Dans les entrailles de New York" est un voyage de 52 minutes sous la ville, où existent "18 niveaux et 468 stations de métro ouvertes ou abandonnées (...) des kilomètres de tunnels désaffectés", a raconté à l'AFP la réalisatrice à l'issue d'une projection en avant-première à New York. Ombres se déplaçant sans lampe de poche "tant ils connaissent bien les lieux et sont habitués à l'obscurité", certains des habitants sont là depuis longtemps. Ils sortent la nuit pour aller se ravitailler dans les poubelles.
"Je ne lave pas mes vêtements, je les jette", raconte Brooklyn, une femme qui vit sous terre depuis 22 ans et qui rêve "d'un toit, d'un lit et d'une cuisine". Le phénomène est né dans les années 70, lorsque certains anciens combattants du Vietnam se sont installés dans les souterrains du métro, notamment dans le tunnel situé au dessous de River Side Park, où passent les trains qui mènent au nord de l'Etat de New York.
Après les attentats du 11 Septembre, les tunnels où vivaient jusqu'à 5000 personnes avaient été "nettoyés" de leurs habitants par la police sur ordre du maire Rudolph Giuliani. Mais quelques centaines de SDF y sont restés et vivent une vie étrange, beaucoup plus communautaire que les sans-logis des trottoirs de la ville, souligne Chantal Lasbats."

Pas plus tard qu'hier, en revenant en voiture par le bas-côté d'une grande tour de bureaux qui donne juste au pied du périphérique, près de la porte de Bagnolet, j'ai vu un nouveau village de bois installé, depuis combien de temps ? Des cheminées sortaient de la fumée, les fenêtres et les portes faites de bric et de broc me confirmaient que c'étaient là de "vraies maisons", poussées comme des champignons, je ne les avais jamais remarquées jusqu'à ce jour... Des immondices ponctuaient l'entrée de ce petit bidonvillele service de ramassage d'ordures ne doit pas officier dans ce coin, à cheval entre Paris et la petite commune où j'habite, à qui appartient ce petit bout de territoire ? Mystère et boule de gomme.

Cette mini  favela se fabrique juste à côté d'une grande surface, temple de la consommation, au pied d'immenses tours de bureaux, sur le bord du périphérique, pas très loin d'une grande gare de bus qui sillonnent toute l'Europe...

Je ne peux m'empêcher d'observer ces nouveaux modes d'habitats précaires, plus que précaires, qui s'installent sauvagement, pour durer le plus possible, aux abords des la ville, contre les autoroutes, les boulevards périphériques... Ils sont si près de chez moi, comment ne pas me sentir concernée ?

Qui va en parler, qui va s'en occuper ? Quel avenir espérer ? Ou désespérer ?


La dame en papillote :



C'est dans l'autobus que je l'ai vue, le monde se pressait, se bousculait, se tassait pour ne pas rester sur le trottoir, les gens étaient serrés comme des sardines. De ma place assise, j'étais montée au terminus, près du Louvre, je pouvais tout voir sans être dérangée... Il faisait beau, soleil, doux, un jour de printemps, vous allez voir comme ce détail a de l'importance dans l'histoire... La dame avait un petit chapeau bien enfoncé sur la tête, elle devait avoir dépassé l'âge de la retraite depuis longtemps, un joli manteau rouge, et par dessus un imperméable transparent, informe, de ceux que l'on achète quand on est un touriste surpris un jour de pluie, chez le premier marchand de souvenirs, vous voyez ? La dame était donc emmitouflée dans ce grand survêtement de cristal, sa main droite accrochée à la barre centrale du bus était recouverte d'un sac en plastique de la même couleur que l’imperméable, qui devait la protéger de tout contact avec les microbes du monde. Elle regardait furtivement à droite et à gauche si quelqu'un la touchait, elle se recroquevillait pour ne pas frôler qui que soit, elle se faisait toute petite pour tenir le moins de place possible... Petit à petit les autres voyageurs, qui avaient vu son manège, se sont tenus éloignés d'elle... On aurait dit une bête traquée dans son terrier, elle faisait peine à voir... De ma place, je n'ai pas pu voir si elle avait mis aussi des sacs plastiques sur ses chaussures...


Au fur et à mesure que les gens descendaient, elle tentait de se coller le dos à la fenêtre pour protéger sa face nord, mais à sa station, comme par enchantement, les voyageurs amusés avaient fait spontanément un dégagement assez grand pour qu'elle descende sans toucher personne... Un vrai miracle !


La dame en papillote apeurée était rendue, elle descendait avec une haie d'honneur !

samedi 17 mars 2012

Il giorno delle sorelle... Mars 2012


Les anges de Belleville

Nous y voilà, c'est notre jour... Depuis longtemps déjà, nous nous retrouvons ma soeur et moi, un jour par mois pour un après midi détente-photo-resto-surprises-affection, ça marche très très bien, nous essayons de ne jamais sauter notre tour pour affaires soi-disant plus sérieuses... Ah ! Je la vois de loin, arrivée toujours en avance et pimpante, elle meuble son attente en regardant d'un oeil curieux le territoire à découvrir... Je lui fais des grands moulins avec mon bras, je siffle ce petit air familial à quatre notes que nous reconnaissons partout aux deux premières notes. C'est notre signe de ralliement, ainsi, de loin, suivant la force de notre souffle, nous pouvons nous signaler par-dessus tous les bruits de la rue.

Depuis mon enfance, nous avons ce petit air entre nous, nous habitions juste à l'étage en-dessous de celui de mes oncle et tante, nos deux appartements parisiens donnaient sur une grande cour et de nos fenêtres, nous pouvions nous voir et nous parler. Nous avions accroché en permanence à la rambarde de la fenêtre du haut un petit panier d'osier qui descendait et remontait, d'une fenêtre à l'autre : un oeuf, du pain, du beurre, le sel, tout ce qui pouvait manquer aux uns ou aux autres et qui ne pesait pas bien lourd... Pour s'entendre les uns des autres, nous sifflions ce petit air à quatre note assez fort par la fenêtre, et l'opération de tractage pouvait commencer... Le petit panier trébuchait doucement dans le vide avec sa précieuse charge, ça nous permettait aussi d'avoir des nouvelles, alors, tout va bien ? Tout allait toujours très bien... C'est par la fenêtre aussi que notre oncle nous sifflait de temps en temps : allez les enfants, je vous emmène au cinéma, le bonheur était complet, nous adorions cela, d'autant qu'à chaque fois notre oncle nous achetait un esquimau au chocolat. À cette époque, il y avait un entracte entre le court-métrage, les actualités et le film, les ouvreuses proposaient alors, dans leurs grands paniers d'osier qui crissaient à chaque passage, bonbons, pastilles de menthe, chocolats glacés, demandez nos friandises ! Nous aimions à égalité le film, l'esquimau et notre oncle.

Aujoud'hui, j'ai transmis cet air à mes enfants, et un de mes fils l'a appris à sa fille, me voilà tranquille pour la pérennité de l'oeuvre musicale...


Nos petites notes de musique familiale

Donc, je lui fais des grands signes, je siffle le petit air et nous voilà réunies en deux minutes, nous nous embrassons à bras que veux-tu, bien sûr que je le veux.

Déception, notre restaurant vietnamien habituel est fermé ! Il faut immédiatement adopter le plan B, nous irons chez notre deuxième favori, tout aussi délicieux. Je ne sais pas pourquoi je me sens si fatiguée en ce moment ? Ne t'inquiète pas, ça va passer, c'est le printemps qui pousse, l'hiver grince dans nos carcasses, mettons-nous en route, allons rire, allons à l'aventure... Laissons nos corps se débrouiller avec le changement de saison.


Rouge, bleu, jaune, violet... Lumières...

Après c'est le café, dans le rouge et le jaune, le violet, le gris et le bleu, notre bistrot diffuse ses couleurs partout, pas un coin n'y échappe, les objets, tous les objets ont les couleurs de l'arc-en-ciel... Mais vous connaissez, depuis le temps que je vous raconte nos journées... (23/6 2011-5/12-26/1 2012) J'ai fait de nouvelles photos pour imposer toute la gamme chromatique. Ma soeur avait apporté le dessert, de jolis gâteaux soja et noix de coco : vraiment exotique le goût, trempés dans le café c'est parfait (je suis de celle qui trempe, je ne sais pas pour vous ?)


Les petits gâteaux chinois, hum !

Il fait beau, nous avons accroché nos appareils photo en sautoir, regarde ici, comme ça a changé, et là, il faudra revenir au printemps, nous prenons la rue Oberkampf, le côté gauche, celui qui descend vers la République, nous allons comme des escargots, il y a tant à voir, l'autre côté, nous l'examinerons la prochaine fois.


Les objets mystérieux

Les grandes cours nous ouvrent leurs portes, nous abandonnons le bruit de la rue pour écouter le chant des oiseaux, les bruits du voisinage, vous êtes allées voir un peu plus haut ? La brocanteuse, qui frottait ses étranges objets (moules pour ballons de baudruche), nous conseille de revenir sur nos pas et d'aller voir la piscine, hammam : juste à côté, vous verrez, c'est vieux comme tout avec les cabines de déshabillage au 1er étage tout autour du bassin, ils sont très gentils, ils ont deux chats persans splendides avec de très longs poils... Merci, nous irons voir, bon courage pour votre nettoyage, nous vous enverrons les photos que nous avons prises...


Sous les pavés, la plage...

Nous revenons sur nos pas bras dessus bras dessous, bien agrippées pour ne pas tomber, au sol les pavés sont énormes, des bosses et des trous tout le long, nous tenons à nos bastingages sans lever la tête. Nous avions bien vu ce hammam, mais n'avions pas osé rentrer dedans.



La piscine miniature


Le vitrail daté de 1887

Il date bien du 19e siècle, 1887, nous confirme la personne à la caisse, nous sommes accueillies comme des princesses, montez au 2e étage, vous verrez le hammam... Nous circulons librement du hammam à la piscine  pour poupées, le bassin est en L profond de 3m dans la plus grande hauteur, quelques enfants nagent avec leur professeur, la piscine miniature, dont on ne peut même pas imaginer la présence de l'extérieur, est adorable, les chats ne sont pas là...


Les éléphants et le palmier

Viens voir, regarde cette maison avec le grand palmier, incroyable ! Nous voici dans une autre cour, longue de plusieurs centaines de mètres, les petits ateliers recyclés, alignés sagement au rez-de-chaussée abritent maintenant bureaux d'architectes ou logements privés... Comme la propriétaire met le nez dehors, je lui demande aussitôt : bonjour madame, comme votre maison est amusante avec ses éléphants peints en façade, et votre palmier est digne des plus belles oasis... Elle nous raconte l'histoire du passage et du pavage de la cour, qu'ils avaient fait faire eux-mêmes, entre copropriétaires, voilà 35 ans que nous sommes en travaux, les éléphants c'est mon mari, on n'a jamais fini, mes enfants ont mis la main à la pâte, mais il reste encore beaucoup à faire... Je vous laisse car voici mes petits-enfants. Au revoir, merci de la visite...

Ma soeur n'est plus fatiguée, nous n'avons ni chaud ni froid, le soleil fait son office, il nous réchauffe, nous avons fait 50m en 1h, arriverons-nous à la place de la République avant la nuit ?

Nous n'avions pas prévu cette jolie boutique de bijoux et de colifichets en tous genres, justement tiens, cette belle paire de boucles d'oreilles d'argent me va très bien, montre-moi, de ce côté-là, de face, tu es parfaite, l'affaire est faite, ma soeur est ravie... Vous êtes allées voir la cour d'à côté ? Les pavés datent du 16e siècle, la maison aux éléphants était la maison d'Higelin, elle vous a dit n'importe quoi, du pipeau tout ça, du pipeau, nous sommes ici depuis 35 ans et je peux vous dire que nous connaissons bien le passage... L'Histoire se racontait à plusieurs voix, nous étions témoins de deux grands courants archéologiques carrément opposés, comment savoir la vérité... Il faudra investiguer sur Internet.

En attendant, nous irons prendre le thé en musique un peu plus loin, dans un joli café très agréable...


Le thé, image glanée sur Internet...

Le temps passe sans nous... Vous mettez quelle crème sur vos mains ? La serveuse nous avait dit prendre grand soin de ses mains, toujours dans l'eau, avec tous ces produits corrosifs, vous avez raison, faites bien attention, vous connaissez telle crème, vraiment bien et pas chère du tout ? Oui, oui, je mets celle-là le soir, mais ici elle est trop grasse... Ainsi de suite, nous dissertions sur les bénéfices comparés des crèmes de beauté...

Un peu d'eau chaude en plus mais bien sûr, le bec de la théière est un peu cassé, mais tout va bien, nous faisons le tour du monde, juste par la rue Oberkampf. Heureusement, nous n'avons pas pu rentrer dans toutes les portes cochères à cause des codes qui en barrent l'accès, et puis chemin faisant, nous sommes arrivées dans la rue de notre enfance, comment c'était déjà son nom de famille à notre amie, mais oui, je me souviens juste de son prénom, elle habitait là, nous ici, je n'y étais jamais entrée depuis la mort de maman, comme tout a changé, dans la cour l'arbre à noyau planté par la concierge va jusqu'au ciel, il fait de l'ombre à toute la cour, l'ascenseur presque neuf aurait été bien utile à maman...



Tous les jardins traversés

Tout au long de notre journée nous avions admiré les grands jardins des fleuristes, ils poussent directement sur les trottoirs, c'est presque le printemps, ne prenons pas de retard, cueillons les couleurs...

Dans le métro nos chemins se séparent, nous nous prenons dans nos bras, rentre bien, quelle belle journée, merveilleuse, je me retourne, un geste de la main, nos sourires et hop ! Elle disparaît...

La prochaine fois nous irons encore plus loin, pourtant nous faisons si peu de chemin, la main dans la main, nous voyons le même objet et faisons deux photos très différentes, la chance !


Où irons-nous le mois prochain ? Ensemble !

mardi 13 mars 2012

Des couleurs aux néons... À la Maison Rouge de Paris.



Il existe une matière, le néon, avec laquelle les artistes nous font vivre des moments lumineux !

En 1912, la première enseigne utilisant un type de lampe mise au point par l'inventeur et physicien français Ferges Claude, fait son apparition dans une rue de Paris... Dès fin des années 40, des artistes s'intéressent au néon, ils explorent ce médium principalement dans l'art conceptuel, mais c'est surtout dans les années 60 que son usage s'installe dans le champ de l'art. Depuis les années 90, le néon devient incontournable dans l'art contemporain.

Moi, depuis toujours j'adore les couleurs que prennent les néons pour illuminer la ville, sans oublier les espaces intérieurs, j'adore aussi les artistes qui les tordent dans tous leurs états pour proposer des oeuvres fortes de sens, de couleur et de scintillements... Les ombres et les lumières se reflètent à l'infini, mises les unes à côté des autres les oeuvres se parlent et se répondent, mélangent leurs couleurs pour notre plus grand plaisir.

La Maison Rouge à Paris qui rend hommage aux lumières, expose 87 artistes (dont 11 femmes seulement), des dizaines d'oeuvres venues du monde entier et c'est magique, des grands noms bien sûr  : Dan Flavin, Claude Lévêque, Bruce Nauman, Martial Raysse, Douglas Gordon, Jeff Koons, Lucio Fontana, Jean-Michel Alberola... Et tous les autres, sans doute aussi connus des amateurs...

Inutile de vous dire que comme les photos étaient permises, je ne me suis pas gênée... Et mieux que des mots, voici quelques exemples d'oeuvre, je n'ai pas mis les noms qui allaient avec, à vous de voir plus clair que moi, place aux images :












Et puis de fil en aiguille, je ne résiste pas au plaisir de ressortir de mon ordinateur quelques photos prises à New-York, en 2008 déjà ! Tous ces décors rutilants qui ont fait mon admiration, l'art était dans la rue...









vendredi 9 mars 2012

Fenêtre avec vue...


Le figuier et le tilleul mariés ensemble depuis cent ans...

Depuis toujours je rêve d'avoir des fenêtres qui donnent sur un jardin...Quelle ne fut pas ma surprise de voir le cabinet noir, à peine plus grand q'un placard aménagé, attenant à la chambre à coucher, où écrivait Gorge Sand, dans sa belle maison du Berry... Comme elle était insomniaque, elle avait installé ce petit endroit pour écrire dans le silence et l'ombre de la nuit.

Le beau jardin qu'elle avait imaginé, planté, surveillé de près, ne lui servait pas de cadre pour écrire... Elle écrivait à la lueur de sa chandelle des histoires qui n'en finissaient pas, pour nourrir toute sa maisonnée...

Les belles maisons anglaises me fascinent aussi avec leurs grandes fenêtres ventrues, décorées par de splendides plantes fleuries. De l'intérieur, on aperçoit les divans qui permettent de profiter du jour avec un livre, une broderie, un thé avec petits gâteaux secs...Ce n'est pas la vie anglaise que j'envie, mais juste leurs fenêtres arrondies qui agrandissent l'espace vers l'extérieur et laissent rentrer la lumière par les petits carreaux... En fait si, je rêve d'une fenêtre où l'on peut être confortablement installée, à hauteur du paysage, des fleurs à portée, je deviens Reine d'Angleterre... Une image glacée, qui ne correspond à rien, qu'à un songe... Être dedans et dehors à la fois !

Dans la maison que je loue pour les vacances, dans le Berry, la vue a beaucoup d'importance pour moi. Dès que j'arrive, je fais glisser tous les rideaux sur le côté, les petites tringles de cuivre s'y prêtent facilement, ainsi d'une pièce à l'autre, j'ai le feu d'artifice de septembre ! Si l'appui de la fenêtre le permet, je sors tout de suite les vases, les choppes, les plats creux, ceux qui prennent l'eau assez haut pour y mettre les fleurs des champs, les abandonnées des fossés, celles qui tiennent si longtemps : elles rendent royale la moindre boîte de conserve, pas la peine de les arranger, les petites devant, les grandes derrière, elles ont leur ordre à elles, elles s'éparpillent  naturellement comme les branches d'un pommier, et plantent leurs couleurs directement dans votre coeur.

L'hiver, c'est sans doute la bûche dans le feu qu'il devient primordial de charger dans la cheminée, mais en septembre, quand la douceur de l'air glisse encore comme un voile de mariée entre le ciel bleu et l'herbe encore verte, ce sont les fleurs qu'il est urgent de ramasser.. Je ne défais même pas mes valises, je tire les rideaux, je défais les embrases, j'attache ceux qui ne veulent pas s'ouvrir en deux, et je vais chercher des fleurs... Je vais faire mes premiers pas dans le petit chemin vert qui arrive devant la porte de derrière, il descend jusqu'au pré où il y a des vaches, il poursuit son aventure au-delà de la petite route du village, il faut passer sous les noyers, bien regarder sur les côtés, les boutons d'or, le pissenlit, les mauves, quelquefois un coquelicot en soie... Les graminées sont les seules tiges qui restent droites pendant toute la promenade, elles arrangent si bien n'importe quel bouquet qu'elles font de vous un artiste de talent, pourtant c'est elles qui font tout le boulot..


Le bouquet des champs...

En un tour de main, je cueille tout ce que je trouve, le bouquet si gracieux, si emmêlé au moment de la cueillette, retombe au bout d'une demi-heure, comme un chiffon mouillé entre mes doigts, mais je n'y prends pas garde, car je sais qu'elles vont se reprendre très vite dans l'eau de mes vases... Le bouquet fané que je serre solidement dans mes mains relève sa tête ébouriffée, l'inimaginable désordre naturel de toutes ses couleurs m'émerveille à chaque fois. Je comprends tous les peintres de la terre, ceux du dimanche et de tous les jours de la semaine, qui tentent de refaire à l'identique, ou d'inventer  les plus belle harmonies et l'enchevêtrement des fleurs de campagne.

Les fenêtre de la cuisine s'ouvrent sur la pelouse du petit jardin, je vois le grand figuier dont les feuilles s'entremêlent avec celles du tilleul, voilà des années qu'ils coulent des jours heureux, enlacés tout près du vieux puits... On dirait un arbre à deux têtes, ils ont grandi ensemble, spécialistes de l'ombre, ils laissent passer sur la table, installée juste en dessous, les petits frétillements de soleil, qui font valser les fleurs de la toile cirée.

Du matin au soir, quand je suis à la campagne, toutes mes fenêtres ont les yeux grands ouverts, le soir, j'attends la première étoile pour fermer les double-rideaux, il ne faut rien rater des couleurs du jardin, du chant des oiseaux, du beuglement des vaches, et même du bruit de la pluie quand elle s'en mêle, et qui rendent la tombée du jour si bouleversante.

Sitôt levée, en même temps que le petit déjeuner, j'ouvre mes fenêtres jusqu'aux premiers frimas... Je reste le nez collé aux  fenêtres avec vue sur le jardin, et je refais mon petit monde, le vert, là, qui pousse partout, le moindre brin d'herbe devient un plaisir sans cesse renouvelé, comment vais-je faire pour m'en séparer ?

Revoir les tours de ma banlieue, les fumées grises qui bouillonnent à l'horizon, l'autoroute qui défile à toute allure, et puis tout au-dessus, il y a les nuages de Tiepolo, identiques, depuis des siècles...




De ma fenêtre, les ciels des tableaux...