lundi 16 avril 2012

J'aime Chardin !


Aujourd'hui, je vais au Louvre, je ne vais pas voir la restauration du tableau de Léonard de Vinci : La Vierge à l'Enfant avec Sainte-Anne, non, il y aura trop de monde, trop de pression, trop d'énervement, pourtant ce n'est pas l'envie qui m'en manque...

Je vais voir Chardin (1699-1779) c'est décidé, un de mes peintres préférés, j'y vais quand je n'ai plus rien à voir, plus rien envie de voir... Je sais que je peux compter sur lui pour me consoler de ne pas pouvoir jeter un oeil sur la galerie italienne, trop de touristes...

Mais ce n'est pas une punition, loin de là, Jean-Siméon, je vais le voir par envie puissante, je feuillette ses tableaux comme je ferais avec un album de famille, avec tendresse, émotion, mais surtout émerveillement renouvelé...


De ce côté du Louvre, les collections françaises n'attirent pas grand monde, quel bonheur ! Et quelque fois même je me suis  retrouvée toute seule dans les salles, c'était à ne pas croire... Tout à l'heure, au pied de l'escalator, un groupe demandait au gardien : la Joconde, c'est où ?


Personne ne demande Chardin, chouette ! La tentation est grande de m'arrêter partout, devant chaque tableau, mes yeux habitués à leurs couleurs oublient encore les noms des auteurs, ah ! Oui, bien sûr, c'est lui, ah ! Madame Vigée Lebrun et son joli manchon de fourrure, chaud, rond, léger, parfumé sans doute...

Mais je ne vais pas tous vous les faire, restons concentrée, aujourd'hui c'est Chardin, uniquement... Presque...


Jamais je n'ai pu aller directement à Chardin... Non, je m'arrête toujours devant les petites études que j'adore (huile sur papier) de Pierre Henri de Valenciennes (1750-1819), placées dans un couloir, pas très bien éclairées, la photo impossible, j'ai donc pris celle-là sur Internet... Quelle beauté, tous ces paysages italiens, la lumière si douce, bleue, grise, rose illumine tout ce qu'elle touche, ces oeuvres font partie d'une donation (1930) de la princesse de Croÿ, elles sont exposées par roulement dans ce couloir...



Chardin, s'il vous plait ? C'est tout au fond, peintures 18e, parfait, j'y cours...Tout est à la même place, je peux sortir l'appareil photo, faire quelques réglages manuels, je veux que les photos reproduisent exactement les couleurs que je vois... Les  intérieurs de  Chardin sont fermés et les fenêtres sont rares, les objets sont dorés, la lumière du peintre fait étinceler les verreries, les cuivre et l'argenterie, toutes les matières ont leur densité spécifique, des plus fines aux plus lourdes, du regard on peut en retrouver la légèreté ou le poids. Ici nous sommes dans la cuisine, les fruits, les légumes les plus courants n'ont rien perdu de leur attrait, mais pourquoi donc la grenade mûre reste si vivante, ces oeufs si frais, la porcelaine et la faïence ne font pas le même bruit à l'oeil...



Sans cesse Chardin a travaillé sur les objets familiers de sa maison pour nous en offrir des impressions différentes, ses couleurs captent les reflets, les ombres et les lumières. Tout est calme et tranquille, le vin et l'eau coulent des jours heureux dans les verres, les pichets et les carafes, la virtuosité est extraordinaire mais pas seulement, l'élégance, la sobriété, la plupart de ses sujets sont humbles, représentés pour ce qu'ils sont, presque dans le dénuement, ses natures mortes sont peintes pour la contemplation... Ne vous êtes-vous pas extasié devant les rondeurs d'une belle brioche dans votre salle à manger ? Votre vieux panier d'osier, les fruits de saison posés dans une assiette, un couteau, une fourchette, une bouteille de vin, posés à côté de votre serviette, les regardez-vous toujours pour la première fois ? Non, bien sûr, et bien avec Chardin, c'est toujours la première fois. Comment peut-on peindre aussi généreusement, magnifiquement, les objets du quotidien ? Chardin nous rappelle les plats du jour, de chaque jour, son modelé, son intensité, sa noblesse accompagnent la simplicité de ses sujets avec grâce... Je ne m'en lasse jamais.



Dans ma campagne indroise d'automne, chaque détail compte, j'ai beau prendre et reprendre des photos, jamais je ne parviens à donner du goût aux fruits et légumes de saison comme a pu le faire le grand Chardin, dans ses compositions, restées si fraîches, si sensibles, si émouvantes...





Les vernis ont sans doute obscurci tous les tableaux de Chardin, laissant dormir dans l'ombre des histoires de cuisines... Chardin... C'est tout au bout de la galerie, allez voir si vous passez par Paris... Prenez votre temps, dégustez chaque point de vue avec gourmandise, tout est d'un grand raffinement, peut-être même Jean-Siméon redonne-t-il encore aujourd'hui un peu de sens à l'invisible... Le souvenir et l'oubli sont nécessaires à mon esprit, pour avoir le besoin et le plaisir de revenir à l'original incomparable... Alors, vous comprendrez mon enthousiasme.

4 commentaires:

Marie-Josée a dit…

On se croisera peut-être un jour, dans cette galerie désertée du Louvre, car moi aussi j'aime bien Chardin... Une exposition présentée à Ottawa, il y a quelques années, mettait en vedette ses scènes de genre comme ses Bulles de savon, tableau qui n'est pas au Louvre, mais au Metropolitan, pas très loin de chez moi, donc..

Bonne semaine, Danielle...

Danielle a dit…

Peut-être Marie-Josée nous croiserons nous...

J'aime beaucoup ce peintre, et le bonheur d'aller le rerererevoir au Louvre est une belle chose pour moi.

Bien sûr je connais ce beau tableau à la bulle... Pas très loin de chez toit...

Je t'embrasse fort Marie-Josée. Bonne semaine à toi aussi.

Michelaise a dit…

Je suis, comme toi, une inconditionnelle de Chardin, alors imagine mon bonheur quand j'ai découvert à Ferrare cette splendide expo Chardin le peintre du silence
avoue que le titre est parfait et donne idéalement le ton !! S'y est ajouté la découverte, toujours à Ferrare, de Morandi, autre peintre contemporain quant à lui, du silence !
Quant à ta visite du Louvre, même si elle demande en effet de "résister" pour ne pas s'arrêter partout, elle est la seule qui permette d'en profiter vraiment. En cherchant les coins tranquilles et c'est sans doute au Louvre qu'on en trouve, paradoxalement, le plus

Danielle a dit…

Quelle chance vous avez eue :-))) J'aime beaucoup aussi Morandi il ne ressemble à personne, j'avais vu une rétrospective à la Mairie de Paris il y a quelques années... On dit que sa référence majeure est Cézanne, j'adore sa palette si tranquille, presque invisible, cette façon d'aligner les objets comme le faisait Zurbarane avec ses natures mortes et ses poteries... J'adore !

Oui la visite au Louvre réserve des belles surprise de zones de silence... Et puis c'est un peu la maison de Chardin puisqu'il l'habita pendant plus de 20 ans !!

Bises du jour chère Michelaise.