mercredi 30 mai 2012

Les tout petits mystères de Paris... 3e épisode

À la rencontre d'Eugène Atget... Photographe du Vieux Paris



Eugène Atget au Musée Carnavalet



Le Musée Carnavalet propose en ce moment une belle exposition de photos du grand photographe Eugène Atget (1857-1927), le plus célèbre des photographes du vieux Paris, des rues et des intérieurs, des petits métiers et des devantures.

On n'a jamais rien su de lui pendant des années... Au sortir de l'adolescence, il s'embarque comme garçon de service sur un grand paquebot à destination de l'Uruguay, ce fut son seul et unique grand voyage. Voulant devenir comédien, il est admis au Conservatoire, dont il est exclu ensuite, ses obligations militaire l'empêchant de s'y consacrer pleinement. À vingt-neuf ans il rencontre Valentine Delafosse-Compagnon, comédienne, ils ne se quitteront plus jusqu'à sa mort. Ils vivent pendant quelques années de tournées dans les petits théâtres de province, mais en 1889 Atget est remercié, c'est l'échec total ! Il essaye la peinture sans succès...

En 1890, pour gagner sa vie, il décide de devenir photographe, en autodidacte, il a trente-trois ans. Il se met à photographier systématiquement Paris. C'est l'époque de la création d'une Commission du Vieux Paris, et l'on commence à s'intéresser au patrimoine de la Capitale. C'est aussi une chance pour Atget, il se met à photographier d'une part, la vie urbaine : les métiers, marchés, scènes de rues, moeurs du Vieux Paris qu'il appellera Paris pittoresque, et d'autre part des vues topographiques et des détails architecturaux, dont il fera une série appelée Le Vieux Paris.


Après 1900, il se met à une autre série, L'Art dans le Vieux Paris : balcons, grilles, heurtoirs, enseignes...

En 1898 Atget commence à vendre ses photos au Musée Carnavalet, aux bibliothèques publiques parisiennes, à la Bibliothèque Historique de Paris. Il vend aussi ses photographies aux artistes peintres, à la direction des Beaux-Arts.

En 1920, il écrit au ministère de la culture de l'époque la lettre suivante :

"Monsieur,


J'ai recueilli pendant plus de vingt ans, par mon travail et mon initiative personnelle, dans toutes les vieilles rues du Vieux Paris, des clichés photographiques (...) sur la belle architecture civile du XVIe au XIXe s (...)


Cette énorme collection, artistique et documentaire est aujourd'hui terminée. Je puis dire que je possède tout le Vieux Paris.


Marchant vers l'âge, c'est-à-dire vers 70 ans, n'ayant après moi ni héritier ni successeur, je suis inquiet et tourmenté sur l'avenir de cette belle collection de clichés qui peut tomber dans des mains n'en connaissant pas la valeur et, finalement, disparaître, sans profit pour personne. Je serais heureux, Monsieur le Directeur s'il vous est possible de vous intéresser à cette collection."

Vers la fin de sa vie, Atget rencontre Man Ray, son voisin, qui habite la même rue. Son assistante, Bérénice Abbott, jeune Américaine venue à Paris pour étudier la sculpture, devient l'élève de Man Ray et ira régulièrement voir Atget pour lui acheter des photos. Elle est peut-être la première à prendre conscience de l'importance de son oeuvre.

La compagne d'Atget meurt en 1926.

Un an plus tard, à la mort d'Atget, Bérénice Abbott rachète près de 2000 négatifs, des albums de référence, des milliers de tirages et son répertoire d'adresses, elle vendra cet ensemble au 1968 au Museum of Modern Art de New-York.

Ainsi, il seront achetés par les archives photographique et les différentes médiathèques, bibliothèques, musées français, 4600 clichés, et environ 23000 tirages, dont 9000 pour le seul Musée Carnavalet.

L'exposition actuelle à Carnavalet expose cent-quatre-vingt clichés, et un album constitué par Man Ray. Une mine d'or !

J'adore Atget depuis presque toujours, en 1994 j'avais déjà entrepris d'aller sur ses pas, simplement voir ce qu'il restait des vieilles maisons qu'il avait photographiées, et j'avais noté toutes mes observations sur un livre édité par la Bibliothèque Nationale... J'avais laissé tout ça de côté, et aujourd'hui, après la visite à Carnavalet, je me suis décidée à repartir sur les pas d'Eugène, avec mon appareil photo numérique, je privilégie des quartiers que je connais bien et que j'aime : le Marais, les Halles, le Palais Royal, et quelques autres lieux, en essayant de respecter les cadrages d'Atget, je vais donc pouvoir présenter dans mon blog des photos de certains coins de Paris... 100 ans après lui... Une manière mieux qu'une autre de lui rendre hommage... Je l'espère !

J'ai toujours considéré Atget comme un parfait documentariste et, pour avoir tenté de refaire ses cadrages, je peux dire qu'il savait donner à ses clichés des profondeurs, des perspectives magnifiques, ses photos se reconnaissent entre toutes... "On ne peut pas considérer les documents sans penser aux impératifs de son commerce", il eut aussi comme clients les peintres : Derain, Foujita, Vlaminck, Utrillo, Kisling, Dunoyer de Segonzac.

Je pense qu'Atget a quelquefois sacrifié la qualité à la quantité, mais il fallait bien vivre... Aujourd'hui le temps confère à ses photos un autre regard, on dit de lui qu'il figure parmi les plus grands photographes français, qu'il a influencé de grands photographes internationaux, américains : Diane Arbus, Walker Evans, allemands : Albert Rengers-Patzsh. En France : Brassaï, Henri-Bresson et Robert Doisneau l'ont reconnu comme un maître.

Bien sûr, j'ai pensé au talentueux et subtil  travail de Raymond Depardon qui parcourt seul, en camping-car, entre 2004 et 2010, soixante-cinq département français pour photographier, en couleur, le territoire français. Il fait un inventaire raisonné, il veut : « observer les traces de la présence de l’homme qui par son intervention au fur et à mesure de l’histoire a modifié le territoire. » Il travaille avec deux chambres grand format, comme Eugène Atget... Il expose à la BNF en 2011 des photos de grands, très grands formats, magnifiques et émouvantes. Comme dans les rues du Vieux Paris d'Atget, les paysages urbains français de Depardon sont inhabités... Depardon nous dit de son travail : "j'ai essayé de dégager une unité, celle de notre histoire quotidienne commune".

Le travail d'Atget est tout autre, si l'émotion est beaucoup moins présente que chez Depardon, son systématisme, son état des lieux sont riches, précieux et quelque fois poétiques. Il nous permet de restituer une époque révolue, de capitaliser des connaissances sur Paris, le mystère de sa vie et de son oeuvre étonne encore...


Eugène Atget a ignoré la qualité de son oeuvre, il faudra attendre la fin des années 1960 pour le découvrir : analyser sa démarche, son mode opératoire et son système de classification. Sa clientèle a été étudiée et sa production répertoriée... Il est de plus en plus représenté comme le père de la photographie documentaire moderne.

Comme quoi, nul n'est prophète en son pays... Que très tardivement...

Sur les pas d'Atget, plus d'un siècle après lui :






 E. Atget, rue de Normandie, 1901




La même vue en 2012

J'ai eu du mal à repérer cette vue,  j'ai dû regarder attentivement les toitures, heureusement la rue est petite.. L’immeuble est en cours de restauration.



E. Atget, la fontaine Boucherat, 1899 


La fontaine Boucherat (17e s.), 133,  rue de Turenne, maintenant un haut lieu de gourmandises puisque monsieur Jacques Genin, pâtissier, chocolatier de renom y exerce son art... Mon post sur le sujet


E. Atget, 67 rue de Turenne en 1913, la maison aux piliers...


Aujourd'hui, restaurée avec application


Détail, sans doute un reste de l'ancienne boucherie

Là aussi, je suis passée des dizaines de fois sans apercevoir ces colonnes, ces têtes de boeufs et les crochets de boucher en place depuis plus de 120 ans.


E. Atget, détail du heurtoir d'une porte, 1901, au 60 rue de Turenne


Le même sans son décor de dentelle aujourd'hui disparu

À ce petit jeu de piste, j'ai découvert des trésors cachés, en poussant les portes de quelques vieilles demeures j'ai trouvé des dentelles de fer forgé remontant des escaliers de pierre des 17e et 18e siècles...


Mes trouvailles personnelles : sublime rampe de fer forgé et escalier de pierre, rue de Turenne


Détail de cette boule de bronze



Dans la demeure de Monseigneur Joseph Maurice, Comte de Montmorency, 17e s, cette sompteuse rampe de fer



Vue plus large sur le 1er étage


 Magnifique escalier en double volée rue de Turenne

Voilà mon projet des jours et des mois prochains :  aller sur les pas d'Atget, découvrir des paysages inconnus de Paris, et ajouter des images qu'il n'aurait peut-être pas faites...

Mystères, beautés, fascinations, rareté, étrangetés... Que je vous réserve...

Prochainement ici, le 4e épisode des tout petits mystères de Paris...

dimanche 27 mai 2012

Les tout petits mystères de Paris... 2e épisode


Un petit secret de Paris...

J’avais laissé l’ange des Arts et Métiers, et quelques rues plus loin, j'étais maintenant rue de la Grande Truanderie, au n° 24, devant un magnifique restaurant qui aborde une façade à la Normande, faux colombages et vrai menu de bonne maison. Je suis devant un des plus vieux restaurant-bistrot de Paris. Je passe par curiosité la tête à l’intérieur, il fait beau, la porte est grande ouverte, le patron m’invite gentiment à visiter : vous pouvez monter jusqu’au 2e étage, tout est allumé… Merci, c’est trop gentil, je ne me fais pas prier, je grimpe le petit escalier en colimaçon étroit, le personnel souriant est en train de manger au rez-de-chaussée, avant l’arrivée des premiers clients du soir... Ça sent diablement bon dans cette maison !


Côté cuisine


Côté escalier


Ça monte, ça monte joliment !!... 

Je grimpe, je grimpe, l’atmosphère est fantastique, au premier et deuxième étages il y a une enfilade de petits salons confidentiels du plus petit au plus grand... Le décor est d’époque : boiseries, miroirs peints et pâte de verre signées Picard mettant en valeur les fruits, les fleurs, les légumes et les tripes bouillonnantes, un ensemble bien tarabiscoté... Les lumières sont très belles, dispersant les couleurs à l’envie, les miroirs créent des profondeurs insoupçonnables,  les tables sont dressées pour les dîners aux chandelles et les rendez-vous galants de la nuit...


Encore un mystère du décor...


Petit salon...


Et grand salon...

En 1879, Alexandre Pharamond, Normand de son état, s’installe dans ce quartier de Paris. Son restaurant s’appelle La petite Normande, il sert des tripes à la mode de Caen et livre les particuliers. En 1898 le restaurant est redécoré pour l’exposition Universelle de 1900, il devient pavillon de la Normandie.

En 1989 tout l’établissement, étages compris, est classé aux Monuments Historiques.


La grande salle du rez-de-chaussée qui donne envie d'entrer...

De grands personnages le fréquentent régulièrement : Georges Clémenceau, F. Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, François Mitterrand, Lino Ventura, Coluche… Et moi, pour la visite…

J’ai pris les photos que je voulais, libre comme l’air…



 La jolie vitrine d'entrée, qui donne envie de jeter un oeil...

Je suis passée bien des fois devant ce restaurant sans jamais m’y arrêter... Aujourd’hui, je me suis limitée à trois rues, en prenant tout mon temps, je passe au crible tout ce qui me tombe sous les yeux… Devant sa porte largement ouverte, et  la gentillesse du patron aidant, le Pharamond a dévoilé ses petits mystères lilliputiens, rien que pour moi, dans le quartier…



Pris sur Internet (pas de corps à ma portée pour la photo...)

Je n’ai  pu quitter les lieux sans jeter un coup d’œil à la boutique gothique d’à côté, des groupes de jeunes gens s’y attardent, les garçons en redingotes noires, laissent voir leurs grands tatouages qui les transforment en livre d'images... Le langage de leur corps me fascine, jusqu’au bout de leur temps ils verront le cœur des bien-aimées passées, l’aigle à deux tête, la mort en face, les chaînes, les fleurs, les oiseaux, des anges et des paysages... Leurs histoires se lisent à corps découverts… Une jeune fille a sacrifié le noir de sa tenue au rouge de ses cheveux, des clous plantés partout trouent les lèvres, les oreilles, les langues bien pendues, et d’autres lieux invisibles…Encore une énigme qui ne s’écrit pas qu’a Paris, mais dans le monde entier…

J’ai fini par un thé, en terrasse, dans une petite rue piétonne, bien à l’abri des voitures, du bruit et de la pollution, sans doute que dans une si petite rue, abritée des mouvements de la foule, l’air est meilleur…

Prochainement ici, épisode n° 3 des tout petits mystères de Paris...


jeudi 24 mai 2012

Les tout petits mystères de Paris...1er épisode !


L'ange du 57, rue de Turbigo, en mars 2012



L'ange, hier...

Je suis descendue à Arts et Métiers comme d'habitude, avec l'idée de faire des photos, de parcourir juste
deux ou trois rues et de profiter du soleil. Pour commencer mon périple, j'ai pris l'ange géant du 57, rue de Turbigo, que j'adore : perché au dessus du brouhaha de voitures, dans un carrefour très dense, près du musée des Arts et Métiers, il m'a toujours intriguée, et je ne suis pas la seule. Je l'avais remarqué la première fois dans un court métrage (1984) d'Agnès Varda, "Les dites cariatides", un petit documentaire qui m'est resté en mémoire, c'est grâce à lui que j'ai levé la tête à cet angle de rue, je ne manque jamais de le saluer dès que je l'aperçois. Le ravalement de l'immeuble s'est fait il n'y a pas longtemps, et il en est ressorti tout beau, tout blanc, tout ange...


Je ne suis pas la seule à le connaître (un petit coup de pub pour l'auteur de ce livre, Rodolphe Trouilleux)




Agnès Varda - Les dites cariatides

Nous devons cet ange monumental au créateur Auguste Emile Delange, l'édification de l'immeuble date de 1859, le mystère est total sur la signification de cette grande femme ailée. Un historien de Paris, Rodolphe Trouilleux, donne aussi son point de vue dans le petit livre ci-dessus... Il dit ceci : cette cariatide, la plus grande de Paris, a pour vocation de donner une image de générosité à cette rue commerçante. Avec la petite bourse qu'elle tient dans sa main droite, elle incarne la Charité, prête à donner aux pauvres. 


L'ange s'est vu affublé de nombreux surnoms dans l'entre-deux-guerres : le génie, l'ange bizarre, la femme qu'à l'sac, la femme au sac, la femme du sac...

L'ange de Delange

Son créateur Emile Delange l'imagina en 1851 lors d'un concours aux Beaux-Arts, dont le thème était de 
proposer un phare en hommage au physicien Fresnel, inventeur de la lentille à échelons. Huit ans plus tard, il 
reprit son idée de femme géante lorsqu'il construisit cet immeuble.

Pourquoi pas, mais moi aussi j'ai ma petite idée :  en rapprochant l'ange du patronyme du créateur,  je me suis dit qu'il s'était offert une signature haute de trois étages, grandiose, à sa mesure sans doute ? Dans mes recherches, j'ai vu que personne n'avait pensé à ça, alors je m'y hasarde...


La bourse de l'ange, je la connais bien, j'ai presque la même

Si d'aventure vous passez pas loin de l'ange, levez la tête, il est magnifique, et si vous connaissez la vraie clé du mystère, n'hésitez pas, rendez-vous sur mon blog...


Prochainement ici : les tous petits mystères de Paris... 2e épisode...

mardi 22 mai 2012

Le sourire : patrimoine mondial !


 

Le sourire...

Je fais glisser mon pass, sous l'oeil électronique de la machine poinçonneuse du métro... Un homme, jeune, pour faciliter ma sortie, s’arrête, et retient de la main le petit abattant qui termine le passage du tourniquet... Au moment où je le remercie, il me sourit…

À cet instant, son sourire illumine tout son visage : le sourire, qui permet de faire passer un petit contact de bienvenue, transforme sa physionomie. Cet homme, pressé sans doute, comme tout le monde, a pris le temps de retenir courtoisement le portillon métallique pour me laisser passer… Je n'ai pas eu immédiatement la sensation de prendre un coup de vieux sur la tête, pas du tout, je me suis dit : c'est rudement gentil, un point c'est tout.

Une petite attention microscopique de grande portée…



L'ange qui sourit de la cathédrale de Reims


Détail...

Peu de temps après, bien assise dans le wagon du métro, je me suis mise à penser à certains sourires qui m’avaient tant plus : celui de l’Ange qui sourit de la cathédrale de Reims, connu dans le monde entier pour son accueil discret et engageant. Pourquoi le sculpteur qui a imprimé dans la pierre ce beau signe humain, plein d’attention pour le visiteur, a-t-il décide de faire sourire son ange ? Il a dû chercher, voyons voir, comment imaginer la posture d'un ange, à l'entrée de la cathédrale, qui puisse attirer beaucoup de gens, juste avec un seul petit signe amical, et faire comprendre à chacun ceci : sois le bienvenu ici, tu ne me déranges pas du tout, je t’attendais ! Si je lui faisais un sourire, beaucoup plus difficile à faire qu’un visage figé, toute ma pierre doit bouger, les commissures des lèvres, la marque d'une ride au coin des yeux, au front même, c’est risqué… Mais efficace, je vais faire ça, je vais faire un sourire.

Cet homme au portillon du métro avait pris le risque d’un tout petit retard... Les rides ?... Pas sûr, car il était tout jeune…


Madame la Joconde

Après l’Ange au sourire de la cathédrale de Reims, j’ai revu comme je vous vois le sourire de la Joconde qui fait courir le monde depuis tant et tant d’année, un petit sourire de rien du tout, à peine esquissé, et voyez tout le foin qu’on en fait, on cherche pourquoi, comment, où, personne n’a trouvé, mais la dame scotche tout le monde… On la trouve aimable, douce, amoureuse peut-être, heureuse de vivre, coquette, sereine, on parle aussi de paralysie faciale, mais attendez, ça va beaucoup plus loin, certains savants disent que c’est une hermaphrodite, mais non, mais non, c’est le sourire d’une femme enceinte, vous savez, après l’envie de fraises vient tout de suite le sourire béat, on comprend bien qu’une hermaphrodite enceinte fascine le monde scientifique…  Moi je trouve que la Joconde ne mérite pas une troisième guerre mondiale, elle sourit mais on ne saura jamais pourquoi, ouf !

Mon ange de Reims, lui, est franc et limpide, il nous dit : entrez dans ma maison, vous y serez en paix, c’est sûr et certain, pas besoin de consulter les sciences de toutes les disciplines. On parle quand même ça et là d'un sourire énigmatique, et même pas très catholique, je ne suis pas du tout capable d’en juger, moi je le trouve émouvant, sympathique et vraiment humain… Comme le monsieur de ce matin...




J’ai cherché d’autres sourires et j’ai trouvé tout de suite celui du petit ange de la Salute, cette belle église de Venise, le petit ange blanc et frisé est visible en dessous du quai qui supporte l’édifice, vous avez remarqué ? On peut le voir seulement à marée basse, presque noyé, il ne prend jamais la tasse, toujours discret, souriant... Un ange dans l’eau, ça pourrait faire la tête, mais non, lui il vous dit : venez, venez, vous êtes ici chez vous, attention à la marche, vous pourriez glisser… Et c’est pourquoi il y a tant de monde à Venise ? Mais oui, vous avez compris, après la Joconde c’est lui qui fait le buz, on accourt par millions des quatre coins de la planète… Cet été je vais lui dévisser la tête, il y a trop de monde autour de lui, ça suffit !

Finalement; à bien y regarder de près, l'ange de la Salute n''est pas si souriant que ça, mais le souvenir que j'en ai gardé est comme ça : bouclé et souriant !

Revenons à notre métro, avec l’homme du portillon, la journée commençait bien, pas de bousculade, pas de stress, un espoir de paix retrouvée, peut-être même que je vais trouver une place assise pour faire le trajet, ça serait complet, complètement inespéré… J'ai trouvé !

lundi 21 mai 2012

Le plein d'histoires... Au marché, dans l'ascenseur !



Le cri, d'Edvard Munch (1893)


Au marché...

Ben, ben, ben, te voilà avec ta canne, ta sciatique ne va pas mieux ? Non, ça dure, dure, voilà déjà 15 jours que j'endure ces douleurs, j'ai vu le médecin, j'y suis allée pour vider mon sac, lui dire ce que j'avais sur le coeur, faire un peu le vide de mon âme, je me disais : il faut que je lui parle de tout, depuis quelques mois je ne vais pas bien, tu vois, des tas de trucs qui restent, qui m'embêtent...

J'ai été déçue, ah ! bon, il t'a dit quoi pour te décevoir ? Il m'a dit : on verra ça la prochaine fois ! Moi tu sais, j'avais tellement besoin de lui maintenant, aujourd'hui, à l'instant même, il m'a dit : on verra ça la prochaine fois. Je vais lui dire quand on se reverra tout ce qu'il m'a laissé sur les bras, dans le corps... Je ne comprends pas pourquoi il t'a fait ça, pourtant il est très écoutant d'habitude (je le connais très bien), bizarre qu'il t'ait répondu si évasivement, ce n'est pas bien du tout, il avait sans doute des problèmes personnels, c'est peut-être lui qu'il aurait fallu écouter, il n'était pas disponible ? Nous avons souri, tu aurais dû lui demander : alors docteur, comment allez-vous aujourd'hui, racontez-moi vos malheurs ? Il se serait mis aussitôt à pleurer sur son sort, ou sur celui de l'humanité ? Nous avons encore souri. Il est comme nous tu sais, agacé par la vie, par la maladie, par tous les problèmes du monde, personne ne rajeunit, même pas lui, il n'a pas pris le temps, n'a pas pu entendre ta voix, c'est inimaginable. Nous savions bien toutes les deux que ce médecin était très bien, d'habitude il chouchoute ses patients, toujours plein d'humanité, mais quand même il avait raté le rendez-vous de mon amie, l'avait laissée choir le jour où elle était résolue à lui parler, ses paroles avaient pris l'eau, noyées dans l’indifférence, coulées, disparues, dématérialisées, avec sa "prochaine fois", il l'avait jetée par dessus bord,  elle avait crié dans le désert de son cabinet... Il aurait dû lui rembourser la consultation pour cause d'oreilles bouchées, de coeur sec, pour une fois !

Les yeux bleus de mon amie disent parfois le contraire de ses paroles, elle les a apprivoisés pour qu'ils ne la trahissent jamais,  ils restent rieurs quand elle dit : rien ne va, j'en ai assez,  il faut que l'on m'écoute, je ne suis pas bien en ce moment... Moi je prends le temps, depuis le temps, de les regarder bien en face ses yeux,  je vois tout de suite la petite lumière qui vacille, le petit silence impersceptible qui attend une parole de réconfort... Nul n'est de marbre, des yeux qui brillent à ce point, c'est le chagrin !

Courage mon amie, 15 jours déjà avec ta sciatique, tu as fait le plus gros, prends patience, tu vas aller très vite beaucoup mieux, passe un bon, très bon dimanche et nous nous embrassons par amitié, pour renforcer l'espoir.


Le jardin du marché (pris sur internet)
Dans l'ascenseur...

Je vous en prie, passez donc, et voilà qu'ils me tiennent la porte, trop gentil merci, nous montons tous dans l'ascenseur, je me mets au fond car je descends la dernière, ils avaient fait le marché, les sacs, il y en avait partout, à moitié pleins mais en nombre, le père, la mère et les enfants, ça faisait du bruit dans la cabine mais on s'entendait très bien quand même.

Vous êtes bien chargés ce matin, oui, nous avons fait les courses pour la semaine, enfin une petite semaine, car il n'y aura jamais assez... Pour les enfants il ne manque rien, des petites choses par-ci par-là pour le plaisir, mais il faudra y retourner, écoutez, moi je trouve que la vie devient de plus en plus chère, l'ascenseur était à leur étage, j'avais bloqué le bouton pour qu'ils déchargent tranquillement, et sur le palier, elle se met à compter les sacs, voyez, on en a eu pour presque 100 euros... Et il faudra y revenir, vous vous rendez compte, je trouve que tout augmente, je ne sais pas comment faire autrement et encore, nous, il ne faut pas qu'on se plaigne, on ne manque de rien, nous pouvons le faire...  Aujourd'hui c'est elle qui a parlé, d'habitude c'est lui qui disserte sur la pluie, le froid, le vent... Et le beau temps, souvent il me raconte les fleurs qu'il met sur son balcon, des persistantes qui durent tout l'été, bien solides, forcément exposées plein sud, elles dépassent bien vite ses espérances pour retomber en cascade de l'autre côté de la balustrade, il a les pouces verts... J'ai vu son visage quand sa femme a parlé, il était entièrement d'accord, et faisait oui avec sa tête, sans cesser de sourire...

Allez, bon dimanche, bon appétit ! L'ascenseur s'est refermé avec un bruit métallique et je suis montée plus haut...

Les petites histoires de ma tour tournent en rond, pas moyen de sortir de là, des ritournelles en somme, des mots de tous les jours de marché, un jour il fait beau, un jour il pleut, pas que des ennuis mais beaucoup de soucis...

Justement, aujourd'hui, c'est comme en été, le soleil va faire pousser l'abricotier du mini jardin du rez-de-chaussée, pas de vent, pas de disparus, les fruits resteront bien accrochés... Chic !

samedi 19 mai 2012

50e membre sur mon blog, ça se fête !


Je profite de l'arrivée de ma 50e lectrice pour lui souhaiter une bienvenue cordiale et ravie, j'en profite pour saluer chaleureusement tous les autres membres des Merveilles de Danielle. Vous me direz : quelle histoire pour 50 membres, alors que beaucoup d'entre vous ont dépassé bien largement ce chiffre, mais moi, ça me va de vous compter confidentiellement... Je n'ai aucune prétention, aucun objectif à rattraper... Je vis avec vous au jour le jour, mon petit ruisseau fera peut-être une grande rivière, sait-on jamais...

Aminautes qui passez et repassez sur mes merveilles en laissant, ou non (mais j'aime bien quand vous m'écrivez...) des petits mots pour lire mes histoires, mes enthousiasmes pour presque tout et mes coups de gueule pour presque rien, mes j'aime j'aime pas, mes confidences, mes images, mes interprétations de la vie, mes visites à pas lents, mes découvertes de polichinelle.

Mon blog fait maintenant partie de ma vie, combien de fois ai-je pensé, tiens, il faut que j'en parle sur mon blog. .. Aminautes d'ici et de tous les pays, ne reste plus qu'à se connaître en vrai, ça va venir...

Je salue avec joie vos présences sur mes sujets, et quelquefois même sur mes sujets de querelles... À très bientôt...

Merci pour toutes vos visites...

Je vous bises fortes.

jeudi 17 mai 2012

L'abricotier en bas de chez moi prépare le dessert......



Voilà le printemps en rose et blanc, le 18 mars 2012, en bas de chez moi...


Prologue...
Cet abricotier, personne ne l'avait planté, un noyau avait peut-être même été craché par quelqu'un du haut des balcons, ou jeté par dessus bord, dans la pelouse miniature, poubelle d'occasion, une mauvaise idée, un mauvais geste, sans espoir, sans poésie... Personne ne sait, mais cette mauvaise action supposée n'avait pas prévu la gentillesse de la nature, qui avait  fait un joli miracle en bas de chez moi, elle est maligne la nature,  elle fait feu de tout bois, elle rendait bel et bon, au centuple, ce qu'on lui avait donné sauvagement...

Depuis le mois de mars, l'arbre se prépare et moi aussi, tous les jours nous avons notre petit rendez-vous aux pieds de mes escaliers... De jour en jour il se transforme, il va très vite... Dès ses premières fleurs, un matin, j'ai dû remonter quatre à quatre (avec l'ascenseur) chercher mon appareil photo, impossible de rater cette belle ombrelle enneigée, ce soir la lumière n'y sera pas, mon bel abricotier promet... Ce matin-là il avait ouvert toutes ses fleurs d'un coup, d'un rose mâtinée de blanc, dans le format des grandes oeuvres, l'artiste avait fait le plein de couleurs, rien à redire, tout était parfait, j'ai fait le tour de sa personne, les frisures, les arabesques étaient tracées idéalement, personne n'aurait pu mieux faire que lui. Il prend de l'envergure, arrivera-t-il à toucher le trottoir, faudra-t-il se baisser devant lui pour ne pas prendre une branche dans l'oeil... Forcément, il va falloir lui couper les ailes...


Le printemps... Suite en rose pâle, le 20 mars 2012

Vous n'imaginez pas ce que je peux me raconter sur mon abricotier, il est tout de même un peu à moi depuis le temps que je vous en parle, ça fait deux années maintenant qu'il est sur la sellette dans mon blog, 2010 , 2011 et voici donc la troisième année qu'il fait son défilé de beauté aux yeux du monde qui passe par-là... L'année dernière, ça s'est très mal terminé, le vent a fait chavirer tous les fruits dans l'ornière, dans le caniveau, aucun fruit n'a été ramassé, ce fut un printemps foutu... Lamentablement inutile pour lui...


Le printemps... Suite en blanc le 23 mars 2012

En quelques jours il a changé de couleurs plusieurs fois, plus prudente j'avais toujours mon appareil photo sur moi, mon arbre c'est comme un enfant : il en naît pourtant des millions tous les jours de par le monde et pour chaque parent il est l'unique, le joyau, le plus beau, le plus troublant, celui qu'on va aimer toute notre vie, il va pousser comme un grand... Et bien l'abricotier de ma rue c'est pareil, chaque année j'ai de l'espoir, je fais des voeux comme une bonne fée au dessus de son berceau, aura-t-il beaucoup de fruits ? Comment fera-t-on pour le protéger des chapardeurs ? Qui fera la récolte ? Y aura-t-il une récolte ?

Je vois de jour en jour que les abricots poussent par milliers, par paquets, chaque branche en est chargée, il y a abondance...


Bel exemple de beauté naturelle aujourd'hui même : ce matin

Partie ce matin avec le ciel bleu voir une expo sur Paris, je suis revenue en fin d'après midi avec la pluie et le vent violent, en passant sous ses branches j'ai tout de suite vu qu'elles avaient ployé, les fruits, les feuilles tout avait valsé, à terre les abricots verts finissaient leur vie prématurément... Dès demain une belle dizaine de moribonds passeraient de vie à trépas, si ça continue comme ça une seule main devrait suffire pour cueillir les derniers à maturité... Le printemps va-t-il pouvoir tenir ses promesses ? Pour l'instant, c'est le vent qui fait le mauvais enfant...



Ce soir, la récolte du trottoir et du caniveau, c'est pas beau à voir... Même si c'est très joli sur la photo !

Chaque année le printemps me fournit ma petite fable sur les fleurs, les fruits et les humains, mais aujourd'hui, c'est plutôt le vent qui fait le malin...

Finalement je me dis souvent, bon, si c'est le mauvais temps qui fait le travail avant les pilleurs, je n'aurais qu'à me plaindre directement au ciel...

Je vous tiens au courant des évènements, je fais un reportage quasi scientifique, preuves à l'appui, je vais guetter les couleurs de ces fruits qui sentent la rose quand ils prennent leur belle figure orangée, l'année dernière, vous vous souvenez, j'en avait goûté un, le seul rescapé des éléments, il était gros, doux, velouté et sentait la rose à plein nez, un parfum si fin que les parfumeurs devraient en prendre de la graine, un enchantement devant mon bâtiment... Je dois en parler,  je reviens, ne partez pas...



L'année dernière, un seul fut sauvé, il était à l'eau de rose, je ne savais plus s'il fallait le manger ou le respirer...


lundi 14 mai 2012

MONUMENTOC... Daniel Buren.





Expo spéciale photographes...Même amateurs...

J’avais prévu d’y aller dès l’ouverture pour éviter la file d'attente, à 11h, parfait, il n’y a pas encore la foule. La première impression est terrible, terriblement décevante ! 

Chaque année, depuis 2007, Le grand Palais renouvelle son invitation auprès d’un artiste contemporain de renom international : il doit investir les 13500 m² du Grand Palais avec une œuvre monumentale, spécialement conçue pour l’occasion. Ainsi est né Monumenta.


Le pays du brouillard A. Kiefer


Les grands paysages rouillés d'A. Kiefer

J’avais vu l’installation d’Anselm Kiefer en 2007, un ensemble d’œuvres appelé Chute d’étoiles, il inaugurait cette initiative. Les œuvres étaient d’une grande beauté, très fortes en émotion, j’avais beaucoup aimé son travail de fer et de fleurs, de rouille et de pleurs. L’œuvre de Kiefer se construit autour de la réappropriation d’un passé et d’une histoire qui avait été instrumentalisés par le IIIReich. Son travail entamé à partir de 1969 est un retour sur l’histoire. Son œuvre me touche énormément, « le feu l’acier le sang » se conjuguent ensemble sous des formes violentes et poétiques à la fois. Au Grand Palais, son art prenait des dimensions inégalées.


Les grands cimetière sous la verrière de C. Boltanski


Les boîtes à souvenir, rouillées...

Roland Boltanski m’avait bouleversée en 2010 avec Personnes, son œuvre, traversée elle aussi par l’Histoire et plus précisément son histoire personnelle si cruelle pendant la 2e guerre mondiale, est profondément humaine, sensible... Ses installations magnifiques respirent et suscitent le recueillement, la mémoire des disparus, de tous les disparus du monde, il en parle comme personne avec son art de plasticien. J’en avais parlé dans mon post en janvier 2010 après ma visite, si vous voulez me suivre...


La cathédrale rouge de A. Kapoor


Les aubergines vues extérieurs

E n 2011, le Leviathan,  d'Anish Kapoor, un régal avec ses aubergines géantes qui donnaient le vertige, il avait fabriqué une sorte d'énorme aubergine à plusieurs corps, quand on pénétrait dedans cette grosse solanacée gonflée à l'air chaud, on se trouvait dans une immense cathédrale rouge sang, impressionnante et drôle, époustouflante... Mon post de l'époque mai 2011.


Oh ! la belle jaune


Oh ! la belle bleue


Oh ! la belle verte

Daniel Buren, jusqu'au 21 juin : Excentrique(e)Travail in situ... Mais voilà, moi je n'ai pas du tout trouvé excentrique son travail ! Dès mon entrée j'ai cherché le phénomène, la chose grandiose, j'ai vu des baldaquins ronds en plastique, montés hauts sur pattes, répartis dans tout l'espace, colorés de quatre couleurs : jaune, orange, bleu et vert ,. Les verrières du grand Palais prend la couleur du baldaquin quand vous passez en dessous, au croisement de plusieurs baldaquins de couleurs différentes, vous prenez la photo comme j'ai fait, c'est joli,  c'est très photogénique, vous pouvez recommencer le jeu à chaque croisement, mais ça lasse... Le dôme du palais a subi un habillage de couleur bleue (photo) posée de façon binaire suivant le style de Buren.

Je me suis promenée de long en large et au bout de 36000 photos j'en ai eu assez, j'ai essayé de réfléchir, mais je n'ai rien trouvé d'intéressant à dire. Toute une équipe d'animateurs culturels faisaient les cent pas pour répondre aux questions du public. Il y avait des groupes d'enfants qui dansaient et gesticulaient avec des animateurs chorégraphes, d'autres les faisaient dessiner, on avait mis le paquet pour remplir les vides... Ça m'a fait rire, je me suis dit, c'est pauvre comme proposition, pas de questions tiroirs, pas de mystère, rien de grandiose, pas d'émotion, rien de rien, quatre couleurs comme un stylo à bille... Je suis partie fâchée... Buren a fait du TOC ! Mauvais cru pour cette année.

Allez-y, il y a une pub énorme, vous ne pouvez pas la rater, le prix de l'entrée est raisonnable et l'oeuvre aussi... Dites-moi ce que vous en aurez pensé, à bientôt...

Vivement l'année prochaine que je me déchaîne...