L'arrosage des terres assoiffées...
Depuis plusieurs mois déjà j'y pense... Les arbres, le silence, les oiseaux, les fruits, les mûres, la confiture, le doux soleil... Mireille, Jean, Roger, Léon, Irène, Louise, François et les autres...
Au téléphone, elle m'avait dit : il n'y a rien du tout, rien de rien, pas de fruits, noix, noisettes, pommes, rien, le figuier de notre jardin ne donne rien non plus, on a du mal à faire venir les tomates, l'herbe est comme de la paille, les gelées du mois de mai ont surpris tous le monde! À la fin du printemps, toute la campagne qui préparait son grand bouquet final de fleurs chatoyantes a gelé sur place, et puis la chaleur du mois d'août a terminé l'ouvrage, cette année, avec le printemps raté et l'automne avancé, tout fait faux bond ! Pour les belles compotes cueillies aux arbres, inutile d'y penser, il faudra tout acheter chez le marchand... La catastrophe, le garde-manger de la nature sera vide !
Elle doit sûrement exagérer, je vais quand même emporter mes pots pour la confiture de figues, pour les mûres ça peut attendre une année, il m'en reste beaucoup, je vais faire comme d'habitude, ramasser les noix, les noisettes, même s'il y en a moins on verra bien, j'en trouverais bien une belle poignée pour décorer mes salades, un petit panier... Si je fais bien attention...
Tout au long de la route, je voyais bien que les arbres n'étaient pas comme toujours, un peu roussis par là, racornis par ici, les branches dégarnies ne prenaient pas autant de place que l'année passée, les peupliers tout effeuillés se laissaient traverser par le vent et le soleil comme un vieil éventail usé dont il ne reste que les bois.
Le pop-corn
À la location, plus de doute, le beau tapis vert pré, tondu de près, épais comme une serviette de bain, frais le matin, chaud aux pieds nus le soir, qui m'accueillait depuis toujours avec fierté, ressemble à une meule de foin répandue avec soin pour cacher la misère ! Le grand figuier centenaire, planté juste à côté du puits, est couvert de fruits gros comme des billes, il faudra bien deux automnes pour les faire grossir, ce n'est pas encore cette année que je vais en faire de la confiture ! Je m'étais dit : je mettrais des amandes grillées ou des noisettes, ça sera délicieux, je peux tout de suite remballer les cinq malheureux pots vides qui ont fait le voyage pour rien.
Seuls quelques géraniums roses tirent leur épingle du jeu, ils sont bien plus beaux que tous les précédents, le romarin darde ses épines odorantes, quelques fleurs bleues le décorent comme un petit arbre de Noël. Les rosiers grimpants sur les portes, aux fenêtres de toutes les maisons, avaient l'air d'un vieil herbier délavé.
La glycine recouvrait le toit, et la voiture qui dormait juste en dessous
Monsieur Jean, vous me manquez beaucoup, quand je passe sur le chemin, sans vous, ça n'est plus pareil du tout. Entre sa maison et la mienne il y a un droit de passage, le soir il venait s'y reposer, assis par terre, à l'ombre, à peine descendu de vélo, qu'il pratiquait encore très bien à quatre-vingt-dix ans. Curieuse, j'ai regardé par la fenêtre de sa petite maison, j'ai vu sa chambre sans aucun décor, un petit lit, pas même une chaise ni une image!... Dans sa cuisine, sur la table, la boîte de sel trônait au milieu de la toile cirée déchirée. J'ai eu un coup de tristesse qui a défiguré mon arrivée...
Le raisin, avec le soleil, sans les mots...
1914... La vieille ferme oubliée
Il m'avait raconté il y a deux petites années qu'il était né dans cette rue, quelques numéros plus loin, il m'avait dit, pas mécontent du tout, qu'il resterait ici jusqu'au bout, maintenant dans la ruelle, il manque un morceau de son histoire...
Le petit arpent de vigne de monsieur Jean
Portez-vous bien monsieur Jean, faites comme vous pourrez... Je vous envoie toutes mes pensées amicales et cette belle botte, rien que pour vous.