mercredi 23 octobre 2013

Ce qui est le plus important ?



J'avais achevé un tour complet du rayon des accessoires féminins à Monoprix : comme d'habitude je n'achète rien ou si peu, je regarde, je touche, et je jette un œil furtif par les grandes baies vitrées du magasin pour voir si l'autobus qui doit me ramener à la maison arrive... Cette fois-ci, il pleuvait, donc je n'étais pas pressée de sortir sans parapluie...

J'avais les mains dans la soie et une petite envie arrivait jusqu'à mon cerveau... Très jolies ces couleurs, quelle douceur, le prix est doux aussi, je vais réfléchir, pas de précipitation, de toute façon il ne pleut plus et je vais y aller...

Mais juste avant de partir, j'entends une jeune femme qui tournait comme moi autour des jolies affaires, s'écrier : de toute façon, c'est le plus important !

Mon sang n'a fait qu'un tour, quelqu'un qui sait ce qui est le plus important m'intéresse, je m'adresse aussitôt à cette jeune femme, noire ébène avec une petite marque nacrée sur la joue, son sourire invitait à la conversation... Bonsoir madame, vous savez ce qui est le plus important dans la vie, comme c'est passionnant !... Bien sûr je sais... J'avais enfin trouvé une philosophe, j'avais hâte de savoir sur quel accord nous pourrions nous rejoindre toutes les deux : pas de problème, c'est le loyer de votre habitation, avec le gaz et l'électricité, le logement c'est très important, une fois que vous avez payé tout ça, il reste encore à prévoir la nourriture, quand vous avez de quoi manger, ne pas laisser votre ventre faire glouglou, elle disait ça en se frottant le ventre pour imager son propos, c'est gagné ! Après, vous pouvez faire ce que vous voulez, voyez, moi je suis une grande acheteuse, mes amis, mon banquier n'en reviennent pas, j'achète ce qu'il me faut, mais je fais attention... Tous les achats après le loyer et la nourriture, ce sont les dépenses les plus importantes qui passent en premier...


J'avais affaire à une économiste distinguée qui se débrouillait rudement bien dans sa vie, son amie, qui n'était pas loin dans le rayon, s'amusait de notre petite conversation et opinait du chef en souriant, elle avait le même point de vue que son amie : le loyer d'abord !

Vous avez raison madame, je suis d'accord, le loyer est une dépense importante et il faut la payer régulièrement, c'est aussi le plus lourd à porter... Mais après, on peut venir dans le magasin et dépenser ce que l'on veut... On peut faire des folies...

Nous étions là toutes les trois à rire et à bavarder de la vie et de ses largesses, nous tenions chacune un morceau du puzzle, mais pour la jeune femme c'était le loyer... Nous étions d'accord là-dessus, ses priorités de dépenses la rendaient plus légère, plus tranquille... Elle continua à farfouiller dans la soie, il ne pleuvait plus du tout, mon autobus ne tarderait pas, au revoir mesdames, passez une belle soirée...



Mais quand je suis sortie, sous la pluie de nouveau, j'ai encore réfléchi, c'est quoi le plus important ? Aimer, être aimée... Oui bien sûr, c'est plus sûr, plus solide que tout, c'est une nécessité ! Mais le loyer, la nourriture, c'est très important aussi, j'aurais dû lui demander : et l'amour, qu'en pensez-vous ?

L'autobus est arrivé, il était bondé, encore un bon moment pour réfléchir tout le long du parcours, comme c'est bien...

lundi 21 octobre 2013

Venise... Les bleus...


Joana Vasconcelos (2013)

Nous avions pris le bateau, un bâtiment lisboète traditionnel, orné d'azulejos, une embarcation industrielle équivalente au vaporetto vénitien ("Je veux établir un lien entre deux réalités, ces deux villes, Lisbonne et Venise, dans lesquels la classe ouvrière se rend au travail en bateau... Je ne cherche pas à remonter le temps, mais à relier l'histoire et le présent"...),  pour aller à la rencontre de cette artiste qui représentait le Portugal à la Biennale. Anne-Marie, lectrice de mon blog,  m'accompagnait, j'avais fait sa connaissance ici même. Bien sûr, nous avions convenu d'un point de rendez-vous avant de partir à Venise, et nous nous sommes retrouvées avec bonheur ! Anne-Marie connaissait bien l'oeuvre de Joana pour l'avoir vue à Versailles l'année dernière...

Joana Vasconcelos avait installé ses formes lumineuses dans toute la soute du bateau, nous y sommes rentrées à tâtons, tantôt il faisait noir, tantôt la lumière nous éblouissait. Nous avions l'impression de nager dans la mer, bleue, faite de pics, de rochers, de lianes crochetées, tricotées, ficelées, brodées, pincées, nouées, accrochées de haut en bas, entrelacées de guirlandes dont les lumières s'allumaient de façon aléatoire, nous plongeant ainsi dans l'obscurité totale par intermittence, certaines lumières clignotaient comme des phares. Anne-Marie me dit que Joana donnait ainsi du travail à tout un village au Portugal, l'oeuvre est très importante, tout est fait à la main... Son oeuvre a pour thématique la femme et sa place dans le monde. Le ventre du bateau nous racontait une histoire à créer entre la lumière et l'ombre bleue...



Joana Vasconcelos (2013)


Un des deux candélabres bleus (photo de 2012), église Santa Maria di Nazareth degli Scalzi

C'est une église du 18e siècle, construite par Baldassare Longhena, située à deux pas de la gare : sa façade rococco est très ouvragée, et l'intérieur est fascinant ! Il y a toujours beaucoup de monde, les confessionnaux marchent à plein régime, il y a très souvent des personnes qui attendent leur tour sur les bancs, juste à côté de ces petits lieux de parole... L'amoncellement de marbres polychromes est éblouissant, des œuvres de Tiepolo qui ornaient cette église ont été détruites par un bombardement en 1915, par les Autrichiens.

Mais pour moi, ce que j'admire le plus dans cette église, ce sont les deux grands candélabres en verre bleu mercuré de Murano, exécutés dans la première partie du 18e siècle, ce sont des pièces uniques dans Venise, magnifiques ! Chaque année, je prends une photo comme on déguste une boule de gomme prise dans la bonbonnière, goût toujours renouvelé avec plaisir et gourmandise...


 Détail, entrelacements (photo de 2013)



La grande bleue...

Toujours très difficile de résister à l'image, même la plus convenue, quand ce fuselage bleu se présente dans cet abandon, et cette immobilité... C'est aussi ce que j'aime à Venise, me réjouir du grand calme et du silence qui surgit au coin d'une rue, alors que quelques minutes auparavant je pestais contre le monde envahissant, dont je fais partie.

On n'en finirait pas d'égrainer les bleus de Venise... Le ciel est par dessus les toits, si bleu, si calme...

L'eau, partout, se saisit de cette chance : déteindre avec le ciel...



La belle endormie...

samedi 19 octobre 2013

Venise... Les fleurs des églises...




Ici, depuis longtemps, on avait renoncé à la fraîcheur des fleurs d'été...  Mais l'ensemble restait beau...


 Pas de vase transparent ici, une profusion de feuilles vertes, ce beau mur de briques a suffit...


  Comme il n'y avait pas de vase transparent dans cette église, le cloître m'apporta dehors la beauté de ce pot posé au pied de la colonne...


 Finalement le beau vase en verre, la dentelle, la Vierge dont on aperçoit le pied, formaient un tableau...


Dans un même lieu je trouvais des fleurs fraîches... Et la couleur du sang...


Et des fleurs fanées, délavées, si le vase offrait sa transparence... Les ors, les marbres, la pierre réjouissaient ce petit coin.


Tout allait par deux dans le choeur... Imposant une symétrie radicale...


C'est le rouge qui m'avait attirée, bien plus que les fleurs... J'ai partagé...

L'idée n'était pas de savoir où exactement j'avais pris ces photos, mais plutôt ce que j'allais en faire... Avec le premier bouquet, je m'étais dit : quelle richesse chromatique ! Les matières, les couleurs, les installations, tout me plaisait.

Dans ces églises, un simple bouquet était un tableau... Pour limiter un peu les clichés, je m'étais limitée aux vases transparents que j'aime particulièrement, je m'arrangeais pour inclure le plus de détails possibles, mais cela n'était pas trop difficile car ils s'imposèrent naturellement.

Ainsi, quand je visitais les églises, je faisais attention à tout : les bouquets les plus simples, les fleurs fanées aussi méritaient d'être immortalisés...

Moi qui étais partie à Venise sans idées  précises de photos à faire, depuis le temps que je guettais les reflets, les petits détails qui me tapaient dans l’œil, l'intérieur des églises m'offrait cette année tout naturellement des natures mortes, éclairées, vivantes et enluminées...

J'ai donc pris tout ce qui me charmait, et j'ai fait le tri pour vous...



vendredi 18 octobre 2013

Venise, une rue aujourd'hui et hier...




La rue aujourd'hui


Plan rapproché

Le petit autel restauré, avec les rideaux blancs


La rue, les pauvres, les perlières... Au début du siècle

Du côté de Castello, on peut  voir cette rue avec son petit autel restauré, les farandoles de linge sur les fils... Plus personne dehors, il faisait chaud, seuls mes pas résonnaient sur les pavés, je me suis approchée avec curiosité de cette photo ancienne accrochée à l'autel, j'ai reculé et je me suis mise presque exactement dans le même plan pour prendre ma photo, à l'identique...

Cette photo m'avait aidée à recomposer la vie d'ici au début du siècle : la misère, le décor usé, abîmé, le travail en plein air et les regards des jeunes perlières vers le photographe...

Aujourd'hui cette rue est déserte, joliment colorée avec ces lignes de linge qui se balancent au vent en travers de la rue....

J'ai trouvé la journée passionnante, inépuisable d'attraits, il fallait ouvrir l’œil pour rentrer dans l'histoire de cette ville...

mercredi 16 octobre 2013

Les roses de Venise...


Les roses du soir derrière les Frari


Campo Margherita


Vers la via Garibaldi



S Elena

Rialto



Rialto




La Giudecca


La Giudecca


La place Saint-Marc



L'église Carmini


La poésie du jour Campo Margherita


Cette année, j'ai vu la ville en rose, mais j'ai des réserves de couleurs dans mon ordinateur...

Finalement, moi qui suis partie sans carte et sans boussole, sans thème à photographier, bien m'en a pris, j'ai pu faire attention à tout et à rien... Je me suis laissée étonner comme au premier jour, et j'y arrive facilement à Venise... Ce n'est pas difficile de trouver du neuf dans cette vieille ville, à chaque tournant les couleurs changent, je finis toujours par me perdre, heureusement, dans les rues que je croyais bien connaître.

Les années de Biennale c'est l'enchantement, les arts contemporains accaparent les palais, les demeures anciennes, vous allez de surprise en surprise... D'émotion en émotion...

Aurais-je le temps de revisiter telle église, tel palais, tel secteur ? Voilà les questions existentielles que je me posais au cours de mon séjour... Voyez les tourments de mes vacances...

Je regardais d'un oeil mauvais le monde qui arrive sur Venise, les commerces de grandes marques qui fleurissent, les petites boutiques qui ferment, mais j'ai eu la joie de découvrir  un petit campo inconnu, et retrouvé avec bonheur mon petit  glacier toujours à la même place...

J'ai voulu absolument aller sur la place S Marc... Me fondre dans la foule, cherchant une photo à faire, par dessus les têtes, par dessus les épaules et les sacs à dos, finalement je me suis dissimulée derrière les rideaux..

Pour ce post j'ai misé sur le rose... A bientôt pour le bleu...

dimanche 13 octobre 2013

Venise 2013... Mon tiercé gagnant de la Biennale !

C'était le jour, revue de paquetage : est-ce que j'ai bien tout mis dans mon sac ? Sandwich, plan des pavillons de l'expo, bouteille d'eau, délicieuses cerises achetées à la barca de S.Barnaba, porte-monnaie, carte d'identité... Mettrai-je mon chapeau ou pas ? Non, il va me gêner... Mon appareil photo avec sa batterie bien chargée à bloc, il ne me restait plus qu'à choisir la couleur de mes boucles d'oreilles...

J'étais impatiente de payer mon billet, j'étais arrivée à l'ouverture des caisses pour ne pas me laisser grignoter par le temps. J'avais ma petite idée sur ce que j'allais voir. Avant de partir à Venise, je m'étais imprimé un pense-bête, tout bête, quelques noms d'artistes qui me paraissaient intéressants, à ne pas manquer, je m'étais fabriqué "mon" catalogue bien raisonné, pour visiter utile tous les pavillons.


Enfin ! Le plan, le café...

Au moment de franchir l'entrée, je me suis aperçue que j'avais oublié mon précieux catalogue, préparé avec beaucoup, beaucoup d'attention. J'ai souri du bon tour que je m'étais joué, il faudra donc que je fasse la totale, sans rater un seul pavillon... Le parcours s'annonçait formidablement bien.


J'avais noté sur mon catalogue une artiste que j'aimais beaucoup, au pavillon Belge, Berlinde de Bruyckere, j'avais été très émue par ses œuvres au Palais des Papes en Avignon juste avant de partir à Venise. Une artiste qui sculptait ensemble, dans une même matière inconnue : l'arbre fossilisé, l'os humain ou animal, ces trois états traversent ses sculptures ce qui faisait que vous étiez tout de suite saisi par une émotion forte, vous n'arriviez pas à démêler l'homme de l'animal ou du végétal, condamnés à vivre ensemble pour toujours... Ils souffraient, se déchiraient, se contorsionnaient, leurs plaies, leurs histoires s’étalaient devant vous dans la pâleur diaphane de la cire et de la résine... C'était magnifique !


La blessure (2011-2012)... Berlinde de Bruyckere (Palais des Papes, Avignon, 2013)


 Berlinde de Bruyckere (Palais des Papes, Avignon, 2013)


Homme de douleur (2006)... Berlinde de Bruyckere (Palais des Papes, Avignon, 2013)

Mais je dois vous dire tout de suite qu'en fait, le seul pavillon que j'ai manqué, c'est le sien, celui de la Belgique : j'étais fatiguée, toute une journée à gambader d'un artiste à l'autre, Berlinde m'était sortie de la tête et la Belgique avec... Je n'ai pas eu trop de regrets, sachant que j'avais déjà vu de ses œuvres superbes en Avignon...

Quel bonheur d'arriver à la Biennale, l’œil au aguets, le cœur battant. Le premier pavillon qui me laissa sans voix fut celui du Japon, une très grande photo vous accueillait, simple et efficace :


Une énorme photo d'une manifestation de jeunes artistes dans la rue... Koki Tanaka


Détail... Koki Tanaka

Après Fukushima, comment continuer à créer ? C'est la question que se pose Koki Tanaka : que puis-je créer à partir de ma situation présente ? Installations, photos, vidéos, il organise la création à deux niveaux : seul, et en groupe, à partir de rien, que peut-on créer ensemble ?... Le pavillon japonais servait aussi de porte-voix aux victimes et aux témoins de la catastrophe. L'ensemble du pavillon était sous-titré en anglais, et je fus obligée de recourir aux bons soins d'une animatrice italienne qui parlait très bien le français pour essayer de comprendre les intentions de l'artiste... En fait, l'émotion était tellement grande que je pleurais en l'écoutant... Si je n'ai pas toujours compris le sens exact des installations, des vidéos, des objets posés ça et là dans le pavillon, je comprenais l'urgence ressentie par Koki Tanaka à initier par nécessité, par plaisir, des groupe de rencontres, pour parler, créer, construire, rendre encore possible un avenir de l'art après Fukushima. Le Japon confronté à l'isolement devait se défaire de la solitude nationale et internationale. Quelques artistes japonais, dont Koki Tanaka, travaillaient à rendre créatif ces collectifs porteurs d'espoir...

Voilà mon entrée à la Biennale, ça tapait fort !

Ma deuxième grande émotion fut Sarah Sze (jeune artiste de 43 ans déjà présente à la Biennale de Venise en 1999), au pavillon américain. Dès l'abord du pavillon, et après, quand  je suis entrée dans la première salle, je me suis dit : la Biennale est terminée pour moi, après avoir vu ces œuvres, que puis-je voir encore d'aussi génial ? J'étais submergée d'étonnement et d'admiration : ainsi, une artiste pouvait réaliser des installations éphémères, aussi légères, aussi dispersées, aussi évanescentes, aussi imposantes, aussi sublimes, avec des petits objets  la vie quotidienne, et étroitement liées au site dans lequel elles s'insèrent : bouts de papiers et tissus, fils de fer,  tickets de vaporetto, plumes, bouchons, sable, pierres, eau, terre, sable... Poésie, apesanteur,  quatrième dimension assurée...


L'oeuvre accrochée au pavillon... Sarah Sze


Suite...


Suite...

Le commissariat de l'exposition américaine était le Bronx Museum of the Arts, et le cahier des charges proposé à l'artiste fut le suivant : "Habiter et commenter l'architecture du pavillon, modifier l'apparence et la structure du bâtiment sans réel changement physique". À l'intérieur, Sarah Sze avait choisi le thème : "Orientation et désorientation", elle envisageait de créer différents environnements à l'intérieur du bâtiment. Elle construisit en deux mois l'ensemble des installations in situ.

Dès l'entrée du pavillon, on pouvait aisément constater que le pari était tenu et gagné, la circulation des couleurs, des volumes, des matières, tout ce savant désordre organisé et équilibré avec art, m'enthousiasma... Le pavillon, transformé avec talent, continuait à être parfaitement lisible...

À l'intérieur, la première oeuvre exposée illustra exactement le thème, mais en plus de la désorientation j'y trouvais du grandiose... Ses sculptures demandaient un minimum de bavardage et un maximum d'attention, de surprise et de temps, les univers qu'elle proposait étaient uniques : légèreté, lumières, couleurs, équilibre parfait et mouvement, chaque élément posé avec précision, comme sous microscope, contribuait à former une construction transparente et lumineuse, mâtinée de poésie, de grâce, d'impossible à définir, un grand choc esthétique !...



Sarah Sze


Sarah Sze


Détail...

Le travail de Sarah Sze est difficilement comparable avec un autre, mais pourtant je l'ai rapidement associé à un tableau extraordinaire de la Renaissance, qui se trouve dans l'église S. Francesco della Vigna à Venise : la Vierge et l'enfant (15e siècle) de Antonio da Negroponte. Ce grand tableau (3 x 2,25m) est exposé dans un coin tout noir, près du chœur de l'église, de sorte qu'en entrant sur le côté, les visiteurs ne le voient pas, il leur reste complètement caché. Mais quand l'oeuvre est éclairée, en glissant une petite pièce dans le petit tronc qui se trouve devant l'oeuvre, c'est un enchantement. Après un examen minutieux, on distingue une multitude de détails, un seul coup d’œil ne suffit jamais à en faire le tour, il faut la parcourir centimètre par centimètre : oiseaux, fleurs, fruits, rubans, herbes, animaux, dentelles, sculptures fines, plumes, ciel et eau... Negroponte a méticuleusement réuni tous les ingrédients d'un Paradis. Chaque année, je viens ici passer un moment à compter les brins d'herbes, distinguer les variétés de fleurs, examiner là une perle, ici une broderie d'or... Il y a toujours un prodigieux détail qui m'échappe...



La Vierge et l'enfant (1455) Antonio Negroponte



Détail...


Détail...


Détail...


Détail...

Sarah Sze invente une palette de sensations en trois dimensions, inépuisable et méticuleuse. Sa recherche est aussi ténue que celle de Negroponte, les couleurs, les formes et la lumière se croisent et s'éparpillent dans l'espace, plus fragiles que la peinture à l'huile, puisqu'un simple coup de vent mettrait à bas ces merveilles. On circule dans ses ambiances avec prudence et éblouissement, cherchant à retenir le moindre détail dans cette immense harmonie... Mais l'année prochaine elle ne sera plus là, il faudrait pouvoir la suivre dans le monde...


Sarah Sze


Détail...


Détail...


Détail...

Elle m'a bel et bien orientée et désorientée, ses œuvres luxuriantes déconcertaient certains, enthousiasmaient d'autres... Moi j'ai été conquise, sa puissance créative a pris une grande place dans mon cerveau pour longtemps. Plusieurs fois j'ai refait le parcours, dedans, dehors, dedans... N'arrivant jamais à en faire le tour...

À l'Arsenal, autre lieu officiel de la Biennale, je suis tombée en arrêt devant les œuvres d'Arthur Bispo do Rosario, Brésil (1910-1989), un artiste disparu depuis un quart de siècle. Entré à l'asile psychiatrique en 1939, à l'âge de 29 ans, il y passa cinquante ans, à peu près sans discontinuité, dont une bonne partie en cellule d'isolement. Il va construire tout au long de son internement une oeuvre très vaste, plus de huit cents pièces à sa mort. Contraint par l'isolement et le peu de matériel, il travailla d'une façon acharnée et méthodique. Il détourne les objets du quotidien pour créer des représentations du monde. Quelques oeuvres étaient exposées à la Biennale, et j'ai eu la chance de les admirer, faites de bric et de broc, leur force éclatait de beauté et de poésie comme celles de Sarah Sze. Petits éléments juxtaposés comme des coups de pinceaux choisis, disposés avec soin pour former un ensemble magnifique.


Arthur Bispo do Rosario


Grande cape brodée... Arthur Bispo do Rosario


Détail...






Détail...

Bien d'autres artistes ont fait forte impression sur moi... Je me réjouis de pouvoir partager avec vous leurs œuvres, je vais prendre mon temps pour y revenir...

D'ici là, prenez soin de vous et profitez du moindre rayon de soleil au sens propre comme au sens figuré...