jeudi 23 octobre 2014

Venise juillet 2014...Tempesta sous les crânes (8)



La Tempesta - Giorgione (1500/1510) (emprunté sur internet)

Retour arrière en juillet 2013...

En reprenant mes petites notes, laissées sur ma tablette, j'ai retrouvé cette histoire et je vous la livre un an plus tard... A Venise le temps n'a pas d'âge !

Juste devant le musée Accademia, il y avait cette année-là un grand échafaudage qui cachait encore les travaux de restauration du musée... La femme tomba en arrêt devant une belle reproduction de peinture grand format, placée sur un des panneaux de l'échafaudage, lumineuse et tellement éloignée de l'original que c'en était touchant...

Elle dit à son compagnon : regarde comme c'est magnifique, je vais la prendre en photo, ça fera un souvenir formidable ! Il s'est poussé légèrement : je t'en prie, fais donc une belle photo... Alors très à l'aise, elle prit de la distance et régla l'appareil comme il fallait, cela prit quelques minutes, les passants, nombreux et respectueux, ne gênèrent en rien les prises de vue, il passèrent tous derrière elle pour ne pas déranger l'artiste. Elle opéra donc en toute tranquillité, pas le moindre mouvement d'impatience, elle doubla, tripla la pose, on ne sait jamais, c'était le chef-d'œuvre absolu... Son sourire satisfait faisait plaisir à voir, la journée était radieuse... Son compagnon, très intéressé, regarda immédiatement le résultat : bravo ma chérie, c'est parfait, excellent, nos amis vont être très contents...


 Autre vision de la reproduction (emprunté sur internet)

Cette petite scène vécue furtivement devant la reproduction, bien plus grande que "nature", du célèbre tableau de Giorgione, La Tempesta, m'intrigua... L'original (petite oeuvre par ses dimensions (83 x 73) était pourtant visible au musée, juste derrière, "c'est la pièce centrale du musée" disait un guide au moment où je me trouvais moi aussi en admiration devant la toile, avec un groupe de Chinois... Mais dans le musée (en 2013), on ne pouvait pas prendre de photo..
.
Je les regardais en souriant, je ne comprenais pas du tout ce qu'ils disaient car ils parlaient en chinois... J'ai donc totalement inventé le petit dialogue du couple...

Avaient-ils vu la La Tempesta au musée ? L'avaient-ils trouvée tellement exceptionnelle, sans pouvoir la photographier, que le panneau publicitaire fut une aubaine et les récompensait de bien des frustrations ? Peut-être pourraient-ils l'envoyer ce soir par internet à leurs amis : voyez cette beauté célèbre ? Eh bien nous l'avons vue de nos propres yeux... Ou alors n'avaient-ils pas eu le temps de "faire" le musée et connaissaient, comme tout le monde entier, le tableau ? Petit tour de passe-passe, nous dirons que nous l'avons vu et voilà... L'énorme reproduction était belle, et donnait très envie de lui tirer le portrait, sans connaître du tout l'œuvre originale, elle attirait indubitablement les regards, ils l'avaient vue, elle leur plaisait tout simplement comme elle était, une belle image...


Encore d'autres nuances (emprunté sur internet)

Mais l'affaire se complexifiait car les questions se bousculaient à mon portillon : pourquoi photographier la reproduction d'un tableau qu'on pouvait voir à deux pas, d'autant qu'il n'y a pratiquement jamais de file d'attente dans le musée ? Ce musée est petit, les œuvres sont de très grande qualité, même pressé, on peut en faire le tour en prenant son temps...

Le mystère livra sa vérité tout à coup quand la jeune femme demanda à son compagnon (en chinois bien sûr) de se placer bien devant, presque à la place de personnage masculin, sur la gauche, rappelez-vous... J'en avait un peu parlé dans mon post d'août 2010  ...Voyez j'y étais, c'est moi, on s'amuse bien...


Dans les gris... (emprunté sur internet)

Ainsi me suis-je dit, les œuvres d'art quand elle sont vraiment belles, émeuvent de toutes les manières, les copies peuvent faire illusion, réjouir les cœurs, et nourrir les souvenirs... Combien de fois après avoir vu les œuvres, des églises, des beaux paysages... Ai-je eu envie d'en garder le souvenir en achetant une carte postale bien plus réussie que mes propres photos ?... La carte postale réduit la visibilité, mais prolonge le plaisir de conserver l'image de ce qu'on a vu, et puis, pouvoir glisser le tableau, la veduta, le détail qu'on aime dans le livre que l'on est en train de lire, la poser sur un meuble à la verticale, quelques temps encore après être rentré de vacances... C'est ici que j'étais, comme j'ai aimé ce moment... Le dernier jour de juillet 2014, en revisitant l'église de S. Zaccaria, j'ai acheté une grande carte postale du merveilleux tableau de Giovanni Bellini qui décore l'autel sur côté gauche en entrant... Pourtant j'ai pris cette oeuvre des dizaines de fois avec mon appareil photo... Jamais je n'en ai fait tirer d'exemplaire papier...

Affichage de photo.JPG en cours...

Loin de l'original, mais quel plaisir de se souvenir... 

Pour les vraies couleurs, allez voir l'original...

Éternelle illusion, sur la place du musée Accademia, il y a souvent des jeunes gens, habillés en habits d'époque, vagues, qui hèlent le chaland, pour leur vendre des billets de concerts, opérations Cavalli, Monteverdi, Vivaldi, Mozart... Qu'importe qui joue, qui dirige, qui chante, ça marche... Je les regarde toujours avec un œil amusé en me disant : que faut-il faire pour gagner trois sous ?


La marchande de billets avec sa jupe à panier...



Fin de journée... La musique recommence demain...


Chers lecteurs, merci d'être passés sur mes lignes, ne manquez pas le prochain épisode de Venise juillet 2014 (9) !



mardi 21 octobre 2014

Venise juillet 2014... La cathédrale (7)


Fondamenta Ognissanti

Ils étaient harnachés de la tête aux pieds, la carte d'une main, chapeaux, casquettes, appareil photo de grande classe, téléphones prêts à tirer, un bagage à main, baskets et lunettes de soleil... Le sourire aux lèvres, ils attendaient sagement le vaporetto... Ils paraissaient épuisés mais tellement heureux... Et parlaient français !

J'aime beaucoup écouter les gens sans qu'ils s'en aperçoivent, la spontanéité est totale...

"Bon, on a vu ça, finalement, on a bien avancé"...C'était sans doute un grand méthodique, il passait en revue les points qui lui paraissaient incontournables à Venise, tout était mesurable, bien quadrillé, pour ne rien oublier, aller de l'avant... II avait sa liste...

Moi, j'étais curieuse de savoir ce qui était bien avancé, mais je n'ai rien su, ils avaient sans doute fait les comptes avant le vaporetto... Tant pis pour moi.


Fondamenta dell'Osmarin

"Tu ne trouves pas que c'est génial d'arriver là, directement sur le Grand Canal, quelle impression quand même", elle hochait de la tête, "impressionnant ! Vraiment, tu ne trouves pas ?" Elle refit oui de la tête, "superbe" ! On sentait le couple solide, du moins sur Venise, ils étaient au diapason... Ils faisaient plaisir à voir et à entendre... Ils étaient heureux d'être là !

Je me souviens moi aussi de cette mémorable première fois, en sortant du train de nuit, chargée d'une grosse valise pleine de livres et guides de toutes sortes, j'avais acheté une belle carte plastifiée à la FNAC (dont je me sers toujours, plus de 14 ans après). Quand je me suis retrouvée sur le Grand Canal, éblouie, les larmes aux yeux : c'est donc ça Venise, comme c'est beau, et je n'avais rien vu... A Venise on n'en voit jamais assez, ce n'est jamais fini, la ville s'est construite durant des siècles, comment voulez vous tout voir ? Il faut marcher en douceur, se perdre encore et encore, regarder en haut, de côté, de partout, passer ses journées à flâner sans chercher à tout empiler, surtout faire doucement... Mais la vieille routière de Venise que je suis devenue n'a pas toujours dit ça, moi aussi les premières années, j'ai cherché comme tout le monde à tout voir, j'ai trié, choisi, suivi les guides, pris des photos par milliers, la boulimie vous guette à Venise...


Le campanile penché de Burano

Depuis, mon appétit pour cette ville n'a pas diminué, mais je mange mieux, chaque détail compte, et un mois ne suffit jamais pour en faire le tour, juste un petit tour et puis je m'en vais... J'ai souvent conscience de la chance que j'ai de pouvoir la déguster au jour le jour... Par tous les temps de juillet...


Un petit coin encore perdu

Ces deux-là étaient éblouis comme des millions de gens avec eux depuis des temps et des temps, comme moi, pareil...Comme ils avaient fait le point, le "scientifique" a dit : "il ne nous reste plus qu'à voir la cathédrale", c'était bien la première fois que j'entendais traiter la basilique de cathédrale... Ils venaient sans doute d'une ville à cathédrale ? Chartres, Strasbourg, Lyon, Paris... Pour intérioriser ainsi la basilique, la sublime basilique, la grandiose basilique, en cathédrale... Quand vous arrivez dans une ville, n'importe laquelle, où il y a une cathédrale, vous y allez, vous ne la manquez pas, c'est normal... Ils savaient ce qu'ils faisaient, il avaient gardé le meilleur pour la fin...



Le beau musée Mocinego refait à neuf (avec des fonds privés, des parfumeurs dont on vend les produits en fin de parcours)

Nous glissions ensemble dans le même sens, sur le Grand Canal... Vers la belle cathédrale de Venise...

Qu'avaient-ils donc vu ? Tout, sauf la place St-Marc, ils l'avait réservée pour la fin. Pour moi c'est le contraire maintenant, je vais sans hésiter place St-Marc remplie de monde, bourrée de monde, envahie, débordée, bruyante, émerveillante dès les premiers jours, je cours m'amuser à chercher un point de vue inattendu à "immortaliser" avec mon appareil photo... J'y arrive toujours mais il faut beaucoup patienter, et marcher à pas de loup parmi toutes les beautés de la place noire de monde...



La musique... Place St-Marc




La tablette place St-Marc...Voyez leurs sourires heureux...



Il suffit de lever les bras très haut avec son appareil photo...

Ne manquez pas le prochain épisode de Venise en juillet 2014 (8)

dimanche 19 octobre 2014

Au théâtre de la Colline, un dimanche... De beau temps !


Mes citrouilles de l'Indre...

Un temps splendide, une douceur de vivre, un été indien prolongé, du monde à toutes les terrasses de cafés, le cimetière du Père Lachaise devient le  plus grand parc de l'arrondissement, une boutique qui y mène vend maintenant des articles souvenirs de Paris... Chez chaque commerçant de la rue, on vous vend le plan du cimetière, exactement comme au Louvre : par ici le crématorium, par là les grands de ce monde et tout près du mur, un petit mur de rien, il y a le jardin des souvenirs, et quand je longe sa pelouse, si verte, si bien rasée, je vois des roses éparpillées, alors je pense à ma mère que nous avons emmenée ici, il y a beaucoup trop d'années maintenant...

J'allais au théâtre (La Colline) qui se trouve juste à côté de ce beau cimetière, voir une pièce de Arne Lygre (un Norvégien) : "Rien de moi", mise en scène de Stéphane Braunschweig. L'histoire est très simple : comme les nôtres : une femme et un homme plus jeune qu'elle se rencontrent, et elle décide de s'installer chez lui... Ils s'isolent du monde et nous racontent leurs histoires en se parlant à eux-mêmes, toutes les phrases se terminent par : je t'aime, dis-je, nous allons essayer, dis-je,  les dialogues sont intériorisés pour chacun des personnages même s'ils s'adressent l'un à l'autre... Ce qui a provoqué en moi une distanciation énorme et forcément, je n'ai pas tout à fait accroché. Au début, bien installée au premier rang (mon rang de prédilection), je me suis beaucoup intéressée aux deux personnages, pour les situer, n’imprégner, installer leur histoire dans ma tête, mais très vite, je fus distraite...


Ma voisine de gauche s'est mise très vite à s'arracher machinalement des morceaux de peau qu'elle trouvait dans sa nuque, et les déposait consciencieusement sur son pantalon, un tic, une lubie, un geste imprescriptible, j'avais beau regarder tout à fait à droite je la voyais faire quand même, à un moment elle sortit son programme et y mit un à un les morceaux... Alors la gêne fut très forte pour moi, nous étions si proches sur la banquette que je l'ai regardée fixement quelques secondes, et elle cessa tout à fait de se décortiquer...

Ma voisine de droite, tout près de moi, après quelques répliques ferma les yeux, je l'ai vue distinctement puisque je regardais bien à droite pour ne pas voir ma voisine de gauche qui s'arrachait les peaux. Quand les acteurs en furent aux scènes d'amour, assez descriptives, ma voisine de droite  fit des : oh ! Comme il y eut plusieurs scènes d'amour descriptives, elle fit plusieurs oh ! Et des : C'est pas vrai ! Se renfrogna, cela me gêna aussi, à son âge me dis-je, elle ne devrait s'étonner de rien, l'amour c'est l'amour, on se caresse dans tous les sens... Là c'étaient juste des mots, vous imaginez s'ils avaient été nus sur scène !



Finalement la vie de ces deux personnages défilait linéairement : on se rencontre, on se plait, on s'aime et puis l'inconstance s'installe, on ne sait plus comment tout s'enfuit... On ne sait même plus pourquoi on vit...

Quand ce que j'entends ne me captive pas des masses, je regarde le décor, la vidéo prenait toute la place, une beau plan fixe en noir et blanc, d'un port norvégien sans doute, et puis presque à la fin, quand l'histoire se termine, nos deux amoureux... Depuis trop longtemps, leur vie d'avant s'interpose, se croise avec leur vie de maintenant, ils se retrouvent les pieds dans l'eau, prêts à mourir l'un pour l'autre, au bord de la mer et alors le prodige se produisit, l'eau de la mer rentra sur la scène, sur toute la scène, avec le bruit des clapotis, comme j'étais au premier rang je me suis dit, pourvu que ça ne déborde pas... Il doit y avoir beaucoup d'argent à la Colline pour se payer un effet pareil... Les acteurs avaient les pieds dans l'eau, et tout à la fin ils s'allongèrent avec précaution complètement sur le dos, abandonnés par la vie...

Pendant tout le spectacle, le rideau de scène fut tiré et retiré, comme j'avais allongé mes jambe très confortablement, j'ai ressenti les doux passages du rideau de mousseline sur mes pieds, aussi doux qu'une écharpe de fourrure qui s'enroule à votre cou...


Si la pièce ne m'a pas entièrement absorbée, je me suis dit quand même : comme le théâtre est passionnant, il vous contraint à réfléchir, à vous questionner sur vous-même, à prendre du recul sur les choses de la vie, pour finalement les voir à la loupe... L'amour, la vie, la mort, toujours des chapitres à développer à l'infini.

Dans le petit programme de la soirée, pour illustrer le sujet traité par la pièce d'Arne Lygre, il y avait des petites phrases d'auteurs à propos des rencontres amoureuses et des séparations : Albert Cohen avec Belle du Seigneur (un de mes livres préférés), Marguerite Duras avec Emily, Hanif Kureishi avec Intimité, Bernard-Marie Koltès avec Lettre à sa mère, Roland Barthes avec Fragments d'un discours amoureux (que j'aime beaucoup), Patrick Modiano avec Pédigree (que je vais lire très vite sur ma tablette...), Hervé Guibert Rappel à l'ordre de l'amour : Pina Bausch au Théâtre de la ville (Pina que j'ai tellement, tellement aimée)je les préférais toutes à Arne Lygre qui m'avait, un peu, beaucoup ennuyée...

Les applaudissements furent nourris, mais au théâtre de la Colline je n'ai jamais entendu d'applaudissements tièdes, ma voisine de droite applaudissait discrètement en disant assez fort : pour les acteurs, pour les acteurs seulement...


En sortant, j'adore écouter les sentences, les appréciations, les enthousiasmes, les déceptions des spectateurs, je fus servie, deux dames avec chacune une canne, toutes heureuses de se trouver là dirent avec un large sourire : vraiment les acteurs étaient formidables et puis l'eau tu as vu, impressionnant !... Qu'est-ce qu'ils jouaient bien...

Dehors il faisait encore chaud, du monde aux terrasses, le métro était bondé, mais tous les voyageurs descendaient à Gambetta, quand je suis montée il y avait autant de places que je voulais ! Quel beau dimanche...

Je reviens très vite à Venise, ne manquez pas le 7e épisode...

mardi 14 octobre 2014

Venise juillet 2014... Les peintres... Sur les motifs (6)



Le peintre était parti se mettre à l'ombre...

En allant faire mes courses, j'avais aperçu le peintre sur le pont, un emplacement d'élite, un point de vue unique, la belle église San Raffael (une des églises que je préfère) au loin. Le petit canal se la coulait douce, c'était une fin de matinée paisible, je n'avais pas envie de partir de Venise en courant, le soleil certes était à son zénith, il fallait mettre un chapeau, avoir une bouteille d'eau à portée de main, ou un bistrot pas loin... J'ai continué mon chemin, je ne voulais pas sortir mon appareil photo sous le nez du peintre, quelle drôle d'idée...

Tout en repassant la liste des courses dans ma tête, je me disais : s'il est encore là au retour, je dégainerais mon appareil photo, tant pis... Chouette, seuls le chevalet et l’outillage étaient encore sur le pont, le peintre était allé se rafraîchir à l'ombre, dans le bistrot d'à côté, oui, je l'apercevais un verre à la main, tant mieux, prends ton temps mon gars, je vais tirer le portrait à ton oeuvre qui me paraît bien jolie...

J'avais posé mon sac à provisions en bas des marches, sur sa toile, il y avait du ciel bleu, du rose, de l'eau calme, les clochers étaient bien à leur place, une belle perspective, de quoi faire des heureux... J'ai déclenché !

J'apercevais en bas du chevalet un plus petit tableau, une esquisse de la vue qui se trouvait à sa gauche, il avait dû juste déplacer son chevalet de quelques centimètres... Il y avait deux ponts, mon pont était bien tout au bout... Tout y était, je voyais les couleurs de Venise...

Son sac à dos à roulettes où il rangeait tout son matériel l'attendait sagement, tout était en ordre...

J'en ai vu d'autres, des peintres, au cours de mon séjour, je ne les avais jamais tant regardés que cette année.


Attentive, la jeune femme dessinait dans le brouhaha... 

C'était un autre jour, j'étais allée du côté de la place San Marco voir le monde, il y en avait vraiment beaucoup, il suffit de ne pas rouspéter, de chercher quelque chose de beau à regarder, ce qui ne manque pas par ici, et toute votre envie de quitter les lieux s’évanouit...

Je m'étais trouvée une place sur un banc en pierre le long du Palais des Doges, bien à l'ombre, et je l'ai vue, avec ses baskets à semelles oranges, sagement assise sur un petit tabouret pliant, elle ne bougeait pas du tout, seule sa main faisait des petits mouvements rapides... Nous sommes restées un moment, elle à dessiner, moi à la regarder, j'ai déclenché !


L'artiste vendait ses œuvres sur la droite...

Un autre jour encore, j'allais voir les nouveautés du côté des Frari, il y avait du monde aussi, mais j'avais tout de suite repéré l'artiste qui faisait des dessins à toute allure, sa boutique tenait toute entière sur le chevalet, présent toute la journée, sans se lasser ? Je ne sais pas, certains de ses beaux dessins étaient à peine plus chers qu'une douzaine de cartes postales, les peintres d'ici ont tout Venise dans la tête, il suffit de demander, un pont, un puits, un monument, pas de problème, j'ai tout ce qu'il vous faut...

J'ai vu qu'il y avait un nouveau glacier, mais tout le reste était pareil, je crois... J'ai remarqué les traces des inondation des 4 novembre 1966 et du 2 août 1902 sur les murs de l'église des Frari, je ne les avais jamais remarquées : j'ai déclenché !


Les "acqua alta" du 4 novembre 1966 et du 2 août 1902 sont signalées dans la pierre sur le mur des Frari, on a du mal à s'imaginer l'eau à cette hauteur...


2 août 1902


Le dessinateur

Toujours au même endroit, discrètement adossé à la très belle église des Frari, notre homme de l'art esquissait... Je n'ai pas osé approcher plus près, je ne sais donc pas ce qui se passait sous sa mine de crayon, mais à Venise, tous les coins sont bons, il faudrait s'asseoir mille fois par jour pour prendre des notes, dessiner, peindre, photographier... Voyez comme les amateurs de dessins s'équipent de petits sièges pliants, très facile à transporter... : Bien sûr j'ai déclenché !


Artiste peintre ayant pignon sur rue

Installé plus durablement, commercialement, face au mur qui annonce une exposition d'art contemporain, l'artiste fait ses preuves de mémoire, il connait tout par cœur, il connait Venise comme sa poche, et on a vite fait le tour d'une poche... Fascination, j'ai déclenché !


Artiste inspirée...

Je venais de sortir de cette sublime église San Cassiano que je visitais pour la première fois, j'en suis encore étonnée aujourd'hui, et j'ai aperçu cette jeune femme librement inspirée, sa robe s'harmonisait parfaitement avec son oeuvre, elle ne voyait pas du tout le monde qui l'entourait, elle prenait toute la place, elle était dans son monde... Elle avait le dos tourné vers son rêve... J'ai déclenché avec bonheur...

Cette église San Cassiano m'a enchantée, elle a été édifiée au Xe siècle et remaniée au XVIIe, l'extérieur est d'une grande sobriété, elle passe inaperçue, sans doute la connaissez-vous dans tous ses détails, mais moi je la découvrais :


San Cassiano invisible

Son décor intérieur est raffiné, beaucoup de marbres polychromes, des stucs, je sautais comme un cabri, j'allais d'un tableau à l'autre, d'une colonne à l'autre, d'un détail à l'autre, je ne pouvais pas immédiatement voir l'ensemble... J'ai été subjuguée d'abord par les lustres, les lanternes en verre de Venise, il y avait une petite coquille Saint-Jacques en verre dans le bénitier dès l'entrée, j'ai adoré !


Une église à trois nefs







Lampions et lustres de l'églises Cassiano

Les oeuvres de Tintoret, Tiepolo, Marconi, Bassano... étaient tantôt dans l'ombre ou trop à la lumière, impossible de prendre des photos


La coquille Saint-Jacques en verre


Une descente de croix, le Christ est porté par les anges, sculpture en bois, très délicate, très équilibrée, très touchante

Sur le côté, près du chœur, la porte d'une petite chapelle (San Carlo Borromeo, construite en 1746) était ouverte, et j'ai vu les marbres, les stucs, les peintures  et les boiseries, j'avais bien l'impression que tout était resté à la même place depuis le 18e siècle... Une atmosphère de chapelle et de salon, à cause des sièges roses...


La porte était ouverte... Une invitation à la visite, je n'ai pas tiré la chevillette, je suis entrée...


L'intérieur de la petit chapelle


Petit autel


Petite perspective, précieuse


Belle porte en bois donnant dans l'église

J'y reviendrai l'année prochaine, cette église m'a impressionnée, je m'y installerai comme un peintre, mes pinceaux seront dans mon appareil photo... Patientez !

dimanche 12 octobre 2014

Venise, juillet 2014... Le palais Fortuny... (5)



La très belle cour du Palais Fortuny (ancien Palais Pesaro)

Ce palais fait partie des lieux que j'adore à Venise, dès l'entrée vous êtes transportés dans un monde de beauté, de calme et de passion...

Ce vieux palais du XVe siècle fut racheté en 1900 (dans un état assez délabré) par Mariano Fortuny y Madazo, artiste espagnol né à Grenade le 11 mai 1871 et mort à Venise le 3 mai 1949. Couturier et créateur de textile, d'origine espagnole, il fit sa fortune à Venise, il fut aussi peintre, photographe, architecte, sculpteur, graveur et scénographe. Il se considère d'ailleurs avant tout comme un inventeur et un artiste peintre. Il y installa ses ateliers dédiés à ses nombreuses activités, il redonna au palais (dont il devient propriétaire dans son intégralité en 1931) toute sa splendeur d'origine, et sa veuve le légua à la ville de Venise en 1956. 

Aujourd'hui le musée propose également des expositions qui mettent en valeur de très belles œuvres d'artistes contemporains, et on peut toujours y admirer les œuvres de Mariano Fortuny. La pénombre et les lumières de ce lieu préservent du soleil les textiles des tentures et tissus, ainsi que la fragilité des objets exposés... C'est un endroit magique, de grands sofas permettent au public de respirer, et de s’imprégner de cet endroit hors du commun.

Cette année, le palais entièrement restauré exposait des oeuvres de l'artiste japonaise Mitsue Mishima, née à Kyoto en 1962 et installée à Venise depuis une vingtaine d'années, j'avais eu le très grand bonheur de voir ses pièces de verre transparent au palais Grimani l'année dernière, un enchantement...






Pièces de verre exposées au palais Fortuny


Au palais Grimani en 2013

Le palais est un aussi un théâtre, les richesses du lieu et les œuvres sont mises en scène avec goût, subtilité et discernement, chaque pièce est ainsi parfaitement mise en valeur, la qualité des expositions tient non à la profusion mais à la sélection judicieuse des œuvres : ne pas tout montrer, mais mieux montrer...

Les installations des salles permettent aux lumières de sculpter des ambiances où vous avez immédiatement envie de demeurer des heures.




Senza titolo : l'espace du palais...  Trois vedute


La dame en jaune attentionnée dans l'ombre et la lumière des œuvres et objets de Mariano Fortuny

J'ai été captivée par de toutes petites œuvres splendides (sous vitrines), des broches, qui racontent des histoires inspirées du passé, créées par une artiste vénitienne Barbara  Paganin (53 ans). Elle maîtrise la technique d'un grand nombre de matériaux qui lui permettent de fabriquer des bijoux incluant le verre, la porcelaine, les pierres précieuses, les résines, l'or, l'argent, le bronze... Son travail a commencé par une recherche dans les boutiques d'antiquités de Venise de ces petits objets qu'elle a inclus dans ses oeuvres, mis sous griffes, collés, soudés, adaptés aux histoires qu'elle voulait inventer... Ses œuvres figurent aujourd'hui dans de nombreux musées de par le monde... Je vous laisse admirer :






5 histoires précieuses... Parmi les 25 exposées, de la poésie pure !

Au mur, une belle collection de photographies de Dora Maar... Dont je n'ai pris aucune photo...

Au dernier étage, une très belle interprétation photographique : d'immenses portraits (faits à partir du fond photographique de la collection de M. Fortuny) transpercés de milliers de petits trous, qui leur donnaient la légèreté de la dentelle, j'ai perdu le nom de l'artiste, impossible de la/le retrouver sur Internet... Mais voyez quand même :






Les derniers visiteurs partis, je suis restée seule dans le palais, avec le personnel, on referma doucement la porte sur mes pas, me laissant la belle impression de sortir de chez moi...

Quelques jours auparavant, j'étais allée faire un tour sur l’île de la Giudecca et j'avais photographié (sans le savoir), l'arrière du jardin de cette fabrique de textiles, qui perpétue aujourd'hui encore les créations de Fortuny (vendues sur Venise)...  Quelle belle journée...


Voie d'eau qui donne accès au jardin de la fabrique Fortuny

Prochaine épisode :  Venise Juillet 2014... Les peintres sur les motifs (6)