dimanche 21 février 2016

Les pommes de terre !


Le petit marché de dimanche

Dépêche-toi ma belle, le temps presse, il ne pleut pas, le ciel est presque bleu, ça ne va pas durer... Je vais descendre au marché, juste un peu de vent, quelques gouttes, mais pas d'hiver !

Dans ma ville, qui sera bientôt concrètement le Grand Paris, le petit marché du dimanche ne compte pas beaucoup de marchands : un charcutier, des maraîchers, un marchand de volailles, cuites ou fraîches, un fleuriste, un poissonnier, un boulanger...

C'est justement le boulanger qui me tentait de bon matin, il fait de tout : des pains de toutes sortes, des gâteaux, des madeleines, des crêpes, des brioches... Il vient de loin chaque dimanche matin, il fait tout lui-même.

Depuis quelques dimanches seulement, il avait apporté des crêpes de tous les formats, et puis dimanche dernier, elles étaient toutes de la même taille, bien alignées sur l'assiette, il avait utilisé le billig et le rozell (en breton) : pas facile, au début j'en ai raté beaucoup, mais maintenant, c'est impeccable ! Il fera prochainement des crêpes de sarrasin, je les attends. 

C'est pour lui que je pressais le pas, j'avais déjà en tête le goût des crêpes du petit déjeuner de demain matin, avec une traînée de sucre en poudre...


Ses bonnes crêpes au billig, les petites madeleines, beaucoup moins bonnes que les miennes

C'est pas croyable, il n'est pas venu, il n'est pas là, il y a un grand trou à la place du boulanger, adieu, veau, vache cochon, crêpes du lundi matin...

Il faut à peine quelques minutes pour accepter la réalité, se tourner tout de suite sur autre chose, les légumes par exemple !

Je vais faire une bonne soupe, l'humidité du temps, le ciel déjà gris m'invitent à trouver les bons mélanges, je regarde les pommes de terre : des blanches, des rouges, les petites grenailles et dans un coin : des vieilles, des moches, des terreuses, bien sympathiques. Une dame avant moi choisissait aussi ses pommes de terre, le marchand lui indique les vieilles/moches : ah non ! Pas celles-là, ma mère les donnait aux cochons, elles se défont tout de suite, ne tiennent pas à la cuisson... Moi je me disais : voilà les pommes de terre que je devrais prendre pour ma soupe...

Le marchand, pour vanter sa marchandise, se lança avec une poésie improvisée sur les vieilles/moches : elles sont anciennes, elles ne sont pas très belles, il faut juste laver la terre, vous verrez, elles sont très bonnes, on n'en fait plus des comme ça, c'est une race oubliée... Mais la dame avait en tête les cochons de sa mère... Je me demandais qui elle détestait le plus : sa mère ou les cochons ? Les légumes anciens, doivent-ils leur survie aux rêves plutôt qu'aux cauchemars, ici ou là ?

Entre les cochons collés aux vieilles/moches, retrouvées, recherchées, remises au goût du jour, à la mode, bio, et les modernes bien rondes, bien lavées, bien colorées, pleines d’espérance... Le choix fut vite fait pour la dame, elle prit les bien blanches, peau fine presque transparente...

Du coup comme je me trouvais à deux pas de la dame,  pour ne pas lui faire de la peine, remuer le couteau dans sa plaie, j'ai pris les rouges, dans la soupe on ne sentira pas la différence, un peu d'humanité, que diable !


Mes madeleines

mercredi 17 février 2016

La saga d'Alice... De Noël à aujourd'hui !



Petit marché d'un dimanche de janvier 2016

Nous étions encore en décembre, un coup de sonnette, et je me dis, ah ! Ça, c'est Alice, ma voisine, je regarde rapidement dans l’œilleton de ma porte, on ne sait jamais, une visite indésirable, mais non, c'est bien elle, droite comme un i de l'autre côté de ma porte, avec ses cheveux blancs bouclés et ses tenues élégantes, je ne pouvais  pas me tromper...

J'ouvre grand ma porte, oui Alice, je suis enchantée de vous voir, que puis-je pour vous ? Danielle, je viens juste pour vous faire un petit bisou, on aurait dit une petite fille, je la prends aussitôt dans mes bras et l'embrasse, avec un bras seulement je faisais presque le tour de ses épaules... Ses yeux bleus ne changent jamais, ils rient... Quelque fois j'ai un peu peur quand elle sonne à ma porte, j'ai peur du pire... Mais là, ses yeux riaient...


Le très bon pain du boulanger du marché, toute l'année

Comment ça va, Alice ? Vous avez vraiment bien fait de venir me voir pour un bisou, et je la raccompagne doucement dans son appartement : Alice, faites doucement, n'allez pas tomber. Quand nous franchissons le seuil de sa maison, elle me dit toujours : rentrez, vous avez bien cinq minutes... Je les prends toujours.

Alice, où en êtes-vous avec le tricot ? Elle me montre un ravissant ensemble rose et blanc : veste, foulard et bonnet, pour un enfant d'un an environ, son arrière-petite-fille, qu'elle doit voir très bientôt. Cet ouvrage est très bien tricoté au point de riz qui demande beaucoup d'attention, les petites bordures frisottantes qu'elle a réalisées sur le devant du gilet en font l'originalité et la modernité. C'est superbe Alice, bravo ! Vous voyez, j'ai augmenté la taille du bonnet, j'ai rajouté vingt mailles. Ah bon, vous l'avez refait ? Il y a quelques jours, lors de l'examen du tricot, j'avais dit à Alice qu'il me semblait que le petit bonnet était un peu juste, je l'avais dit avec beaucoup de précautions, car Alice est une excellente tricoteuse, de très loin bien meilleure que moi, en coiffant mon poing du bonnet, j'ai pu m’exclamer :  Alice, il est parfait, il lui ira comme un gant, elle n'avait pas oublié de coudre le joli  pompon fait main qui terminait à ravir la panoplie...


Petit marché d'un dimanche de février 2016

Puisque j'étais dans ses lieux, je lui demandais ce qu'elle avait prévu pour son déjeuner, pour une fois je me suis acheté un plat tout préparé, poulet rôt- pommes soufflées, vous allez manger tout ça ? Non, j'en ai pour au moins deux fois, les desserts étaient sur la table, yaourt, fromage...Son plat tout préparé avait l'air triste, comme elle quelques fois, comme le jour où elle m'avait dit : vous comprenez Danielle, c'est pour ça que je veux m'en aller... Elle était venue toute affolée me dire : je vais en Mairie... Mais Alice, qu'allez-vous faire en Mairie ? Je vais leur demander des trucs... Quoi, comme trucs ? Attendez, je vais vous montrer... Elle sortit alors de son sac à main des papiers pliés en petits; l'office d'HLM lui demandait une attestation d'assurance de son domicile, elle avait largement de temps pour la fournir, jusqu'en mars. Alice, ne courez pas... Mais comme je voyais son air dépité, je lui ai dit : je vais m'en occuper, et j'ai immédiatement téléphoné à son assureur pour l'envoi de l'attestation... Tout simple, Alice n'en revenait pas, elle trouvait que j'étais formidable, pour un simple coup de fil, je lui avais dit aussi : Alice, ne soyez pas préoccupée, il n'y a rien d'urgent dans tout ce que vous devez produire comme papier... J'avais passé une bonne demie-heure à retrouver le bon papier d'assurance dans son  grand trieur en fer, où tout était sens dessus dessous

Alice n'est jamais complètement heureuse, elle pense à la suite des choses... Ce qu'elle veut, mais pas tout le temps, c'est ficher le camp, rejoindre son mari, je ne suis plus bonne à rien !...


Soupe d'octobre et bon pain d'octobre 2014

Juste avant le réveillon de Noël, j'étais allée la voir pour lui faire un au revoir, puisqu'elle partait le lendemain, dans l'après-midi dans sa famille pour fêter Noël : entrez Danielle, vous avez bien un peu de temps, oui, un peu Alice, mais je n'en dis pas plus, elle n'était pas seule, sa femme de ménage (Andrée) l'accompagnait, douce, attentive, aimante, tout ce qu'il fallait à Alice. Andrée finissait de faire briller la grande vitrine en glace qui renferme toutes les belles choses glanées dans la vie d'Alice, beaucoup de petits personnages, de sujets en cristal qui scintillent dès que la lumière est allumée, Andrée s'extasiait, pour ne pas être en reste je la complimente sur un beau coquillage nacré au fond de la vitrine : Alice, il est très beau votre coquillage, couchez-moi sur votre testament rien que pour lui, et nous avons ri de bon cœur, Alice me dit tout de suite, prenez-le Danielle, ça vous fera un souvenir ! Mais non, voyons, Alice quand vous en serez à faire votre testament il va se passer du temps... Mais si, mais si, mais non, mais non, et je m’apprêtais à repartir, Andrée, prenant Alice par le bras dit tout tranquillement, je l'aime beaucoup Alice, elle porte le même prénom que ma sœur, morte depuis longtemps, elle avait 37 ans... Quand je parle avec Alice, j'ai aussi l'impression de parler avec ma petite sœur...


Le magnifique coquillage que m'a offert ma chère Alice... Prenez-le Danielle, ça me fait plaisir, ne me faite pas les gros yeux, ça vous fera un souvenir de moi... ... Mais non Alice, mais si Danielle, mais... J'ai finalement accepté après tergiversations et baisers

Au revoir toutes les deux, Alice passez de bonnes fêtes, je reviendrai demain pour vous embrasser avant votre départ....

Je ne me souviens plus si j'ai vraiment pu embrasser Alice avant de partir... Entre son départ et le mien...

Nous voilà en février... Elle avait encore sonné à ma porte, pressée de m'embrasser, d'avoir de la compagnie et de me raconter toutes ses aventures, j'ai tout laissé en plan et je suis allée papoter avec elle...Elle était déjà repartie (et revenue) dans le sud de la France, chez un de ses fils, voyage en avion, chouchoutée par tout l'équipage : à chaque fois qu'ils passaient avec le petit chariot, vous savez, quand il vendent des boissons, et bien ils m'offraient toujours des gâteaux en plus, vous imaginez, ils savaient que j'avais plus de 100 ans, j'étais la vedette...


Les couleurs de mai 2015

Alice me décrivait la maison, sa chambre communicante avec une belle salle d'eau, tout le confort moderne, un petit poêle rien que pour elle, allumé par son fils juste avant qu'elle monte se coucher... Elle avait fait des promenades presque tous les jours, il avait fait beau, un jour ou deux de pluie, elle avait vu la mer...

Ses yeux, ses oreilles appareillées, sa vivacité, sa tête, ses jambes, tout marchait à merveille, rendez-vous compte Alice, quelle chance vous avez de pouvoir encore tout faire à votre âge ! Oui, mais vous savez Danielle, il y a bien des personnes qui sont très bien aussi à 90 ans, oui Alice, c'est vrai... Ses yeux lui permettent toujours de tricoter durant trois heure par jour sans se fatiguer, son sourire est permanent !

Chère Alice, vivez encore longtemps, ne nous quittez pas, ne nous quittez, ne nous quittez pas...


Compote (bio) d'octobre 2015

jeudi 4 février 2016

Voyage en Allemagne... Suite 2


Mère de Dieu (dans la roseraie) (au buisson de roses) (dans la frondaison de roses) (à la rose) vers 1448 - Stefan Lochner (1410-1451)

Cologne (2) Le musée Wallraf-Richartz (Fondation Corboud) : 


Ce musée est l'une des grandes galeries de peinture d’Allemagne. Il est aussi le plus vieux musée de Cologne, il abrite la plus importante collection au monde de peintures médiévales et une sélection représentative d’œuvres jusqu'à la fin du xixe siècle. Les œuvres médiévales sont sublimes, je n'en avais jamais vues autant et de telle qualité depuis Venise, le petit tableau sur bois de la Mère de Dieu, installé dans une vitrine blindée, est splendide, délicat, savoureux, c'est le plus célèbre tableau de Cologne un peu comme notre Joconde, je suppose... À la grande différence, à mon goût, que je le trouve bien plus beau et  bien plus émouvant que notre Mona Lisa...



Détails

Toutes ces œuvres me paraissaient si belles, si nombreuses, je ne pouvais prendre en photo toute la collection, alors je me suis amusée à en prélever seulement un détail, le petit pot d’onguent de Marie-Madeleine par exemple :









Les pots d'onguent de Marie-Madeleine dans diverses oeuvres médiévales


Quelques détails encore, par-ci, par-là : des fleurs dans un vase transparent, des pendants d'oreilles, j'ai cueilli toutes ces beautés comme je l'aurais fait dans un jardin, sans m'occuper des artistes qui les avaient réalisées : des merveilles anonymes...






Des fleurs et des boucles d'oreilles...


Pour finir la visite de Cologne sur une note gourmande, voici la saga de la gaufre à la chantilly, aussi belle que bonne, mangée sur un tonneau dans un marché de Noël annuel resté encore ouvert. La file d'attente en disait long sur le plaisir qui nous attendait, aucune déception, un grand régal, nous l'avons mangée à deux pour minimiser les dégâts : la voici, la voilà, fabriquée devant nos yeux ébahis et nos narines  frémissantes :






Un souvenir éblouissant !

Bonn : La ville de Bonn est célèbre pour être la ville natale du compositeur Ludwig van Beethoven.

Comparativement aux autres villes d'Allemagne, Bonn a été moins bombardée, c'est en partie à cause de cela qu'elle est devenue capitale jusqu'à la réunification de l'Allemagne. Il y a de beaux musées contemporains : 


Le superbe musée Bundeskunsthalle (1992) qui propose des expositions temporaires

Une très belle exposition d'une artiste allemande : Hanne Darboven (1946-2009), de réputation internationale, dont je n'avais jamais entendu parler. Son oeuvre est proche de l'art conceptuel,  cette artiste a mis au service de ses créations la rigueur du classement, elle a écrit des kilomètres de chiffres et de lettres. Elle composait de la musique sans représenter les notes, uniquement avec des chiffres, et puis elle a tout encadré, rangé, étiqueté soigneusement, avec méthode, elle était au cœur d'un système de représentation du monde compréhensible seulement par elle-même (il me semble)... Je n'ai rien compris, je l'ai assimilé à l'art de la folie, j'ai été frappée par la beauté de ses présentations : cadres, livres, objets... Les photos étaient interdites, une belle découverte, totalement déconcertante et envoûtante.


Hanne Darboven installation (prise sur internet)


 Des images, des chiffres et des encadrements (prise sur internet)

 Le centre historique de Bonn est agréable, une grande zone piétonne remplie de franchises comme partout, des beaux cafés, cet art de vivre que je retrouve dans les grandes villes allemandes que j'ai visitées, j'ai profité des soldes pour m'acheter des beaux chaussons, introuvables à Paris.

Les cafés du petit quartier branché où je me suis promenée étaient plus qu'accueillants, un peu magasin de tout et un peu bar/petite restauration, toujours pleins à craquer, et plutôt chers :




De beaux lieux où l'on se sent bien, l'odeur du café, des viennoiseries...


Quelques belles façades de maisons du siècle dernier

Et puis, la Collégiale (Münster) des saints Cassius et Florentius, du XIIe siècle. Du dehors, la basilique a des allures de forteresse, à l'intérieur un cloître d'une grande beauté, la crypte abrite un reliquaire qui contient les ossements de Cassius et Florentius, les saints patrons de la ville. Les deux énormes têtes sculptées des saints patrons sont posées à même le sol, devant le chevet de l'église, elle donnent à ce lieu un mystère incroyable... Les enfants les escaladent et les touristes font des selfies...




Cassius et Florentius au chevet de la basilique




 Le cloître silencieux

Tant et tant de sensations contrastées pendant ce voyage, en pleine fêtes de Noël et du Jour de l'An, la bière coulait à flot dans tous les estaminets, le 31 décembre ce furent les pétards qui éclatèrent comme des canons.

La plus belle chose qui m'ait été donnée de voir dans ce petit tour de la  Rhénanie du Nord est sans conteste la Cathédrale d'Aix-La-Chapelle. On doit la construction de la première église sur ce lieu à Charlemagne : l'édifice carolingien, très marqué par Byzance, est l'un des rares encore debout et constitue le chœur de l'actuelle cathédrale, il s'agit en fait d'un octogone entouré d'une galerie à étage, les voûtes romanes sont entièrement décorées de motifs floraux, à 31 m de hauteur, la coupole est ornée d'une mosaïque dorée du XIXe siècle, les marbres et les mosaïques couvrent les murs, le lustre énorme du XIIe en bronze doré scintille de  50 bougies. C'est magnifique, il faut y rester tout le temps de la messe du matin pour scruter le moindre détail, ce que nous avons fait. Le pavement au sol me fait penser à celui de la basilique Saint-Marc de Venise et le décor aux belles églises de Ravenne, c'est somptueux, il faudra refaire le voyage rien que pour la cathédrale...Les photos sont interdites pendant l'office, bien sûr...


Telle que nous l'avons vue... (photo empruntée sur internet)


Le fauteuil de Charlemagne (photos empruntée sur internet)

Suite au prochain numéro, chers, mais je serais ravie de vous y retrouver... À très vite !