samedi 21 octobre 2017

L'urgence des mots...


Bonn (Allemagne)

Entre l'Indre et Venise, il y a l'urgence des mots...

Aujourd'hui, j'ai rencontré une ancienne collègue de travail, plus vue, juste entrevue depuis des mois et des années, mais restée au fond de mon cœur.

La rencontre s'est faite au supermarché de notre localité, elle a abandonné spontanément son caddie en plein milieu du rayon fruits et légumes, j'ai laissé aussitôt mon panier dans un coin, pour parler, se reconnaître avec plaisir. Nous étions loin de nos achats, aucune importance...

Jacqueline, comme je suis contente de te voir, comment vas-tu ? Souvent je pose cette question aux gens que je connais et que je rencontre avec plaisir dans n'importe quel lieu de ma ville, elle fait merveille, l'interrogation nous permet souvent de reprendre pied dans notre amitié ou notre cordialité. Ici, j'ai des liens avec beaucoup de gens, les mots viennent vite... Je m'étais adossée au comptoir des courgettes et des poivrons, pour être tout à fait à l'aise dans notre conversation. Mais dis-moi, tu a perdu quelques kilos ? Au grand sourire qu'elle m'a fait, j'ai tout de suite vu que j'avais tapé juste comme il faut. Mais comment as-tu fait ? C'est volontaire ? Tu n'as pas de soucis de santé au moins, dis-moi ? Tu es splendide comme ça. Elle avait changé de proportion, mais sa bonne humeur était toujours égale, son humour au taquet. Nous nous étions longtemps côtoyées comme collègues, du temps où nous étions en action professionnelle. Elle passait pour grognon, vive, pète-sec, critique et réactive sur presque tous les sujets, elle était tout ça, mais elle était aussi touchante, fine, intelligente, pleine de rire et d'humour, moi, je l'aimais bien..


L'église orthodoxe russe de Paris (rue Daru)

Non, tu vois, je n'ai rien fait de spécial, en fait je mange moins, j'ai moins faim, c'est comme ça. Tu te fais bien à manger, au moins ? Bien sûr, mais je mange moins, de la soupe le soir, en sachet ou en brique. Non ! Tu fais ça, tu ne peux pas la faire toi-même, la bonne soupe ? Ben non, je n'ai pas le temps et nous partons dans un grand éclat de rire, pas le temps, tu exagères, pas du tout, tu veux voir mon agenda, bien sûr je veux voir ton agenda, et la voilà qui sort un joli petit carnet qui se tient fermé par un élastique, voyons, tiens le mois d'octobre, là, là, et là, je suis prise, tu vois, je n'ai pas le temps !

Je ne m'ennuie jamais, jamais, il se passe toujours quelque chose de passionnant autour de moi, une sortie, un jeux collectif, un cinéma, même du tai chi, de la gym, et de temps en temps je vais à la piscine... Elle m'énumérait des myriades de choses qui lui donnaient le sourire. Ah ! Sortie à Montargis, j'y vais, tu penses, pour le 25 on m'a demandé d'écrire un petit texte sur la gourmandise... Oui, je comprends pourquoi tu n'as pas le temps de te faire une soupe... Je savais combien elle était talentueuse en beaucoup de choses, elle écrivait très bien, avec beaucoup de style, il sera sans doute plein d'humour et de finesse son "petit papier", comme elle disait.. Elle était retraitée depuis bien longtemps, dans un appartement indépendant inclus dans une maison de retraite médicalisée si besoin, elle avait toujours trouvé que c'était parfait, jamais une once de dépression...


Venise

Nous n'avions repris nos paniers ni l'une ni l'autre, on s'en foutait, nous jetions un œil de temps en temps pour voir si rien ne bougeait autour. Tu sais, je vais te dire un truc qui va peut-être te choquer, maintenant le dimanche je vais à la messe. Ah bon ! Raconte... Oui, j'y vais, mais je fais mon truc à moi, tu vois, je ne prie pas, tu me connais, je ne suis pas croyante, je ne me lève pas non plus quand tout le monde se lève, je ne chante pas, je n'y connais rien, je suis athée, tu sais d'où je viens, on n'était pas croyant chez moi, j'y vais pour l'ambiance. Oui, et ça te va ? Oui, tu sais, j'y trouve de l'apaisement, de la fraternité, de la solidarité, tu sais ? J'ai toujours aimé la fraternité, je trouve qu'il y en a à l'église, bon, quand le curé parle j'écoute, il est sympa, mais je ne crois pas ce qu'il dit à part de temps en temps, je trouve que c'est pas mal.. J'étais très surprise bien sûr, mais je comprenais ce qu'elle cherchait, si elle trouvait à "l'ambiance" de l'église ce qui lui manquait, si c'était bien pour elle, pourquoi pas, je savais qu'elle venait d'une famille où la religion n'avait pas sa place depuis au moins plusieurs générations. Je l'avais connue militante syndicale, toujours au premier rang pour les revendications qu'elle estimait justes. Oui, je comprends, Jacqueline, tu tricotes quelque chose qui te fait du bien, à ton idée, continue...


Séville

Tu sais mon amie Monique, oui, oui, bien sûr, elle est morte l'année dernière. Oh ! C'est triste.. Oui, j'ai eu du mal pour faire mon deuil comme on dit, j'y pensais presque pas et puis maintenant ça me rattrape, qu'est-ce que je prends. Comment ça, raconte ! Et bien, j'y pense plus souvent, elle est tout le temps avec moi, je lui parle, tu sais, elle aimait beaucoup Sainte-Thérèse, c'était sa sainte préférée, elle mettait toujours un cierge pour elle, alors chaque dimanche j'en mets un aussi pour elle. L'autre jour, comme je mettais un cierge à Sainte-Thérèse, il ne voulait pas s'allumer, j'avais beau faire, il ne voulait pas, j'ai bien essayé avec le seul qui était déjà allumé devant l'autel, mais rien à faire, je ne sais pas pourquoi la flamme ne voulait rien savoir. Alors je dis à Monique : si tu ne veux pas, tant pis, et le cierge déjà allumé s'est éteint, tu y crois ? Pas possible, tu lui mettras un autre cierge dimanche prochain, et aussi comme ça tu penseras à moi... Elle sourit : et oui, oui, tu peux compter dessus, nous nous sommes embrassées pour des années encore, peut-être ?


Lisbonne

Je me souviens moi aussi des petits cierges, ou des petit papiers, que je mets pour ma famille, mes amis, sans y croire, le jeu de la flamme, le choix des Saints, les plus beaux à mon goût, font que je matérialise une pensée, un vœux pour ceux que j'aime, je leur dis : je mettrais un cierge, ça va réussir ! Ce petit rituel laïc n'a aucun fondement,  je fais un geste pour les autres, je fabrique des flammes d'espoirs, ça fait un moment spécial que je crée avec le sourire, je fais une photo du cierge au milieu des autres. En sortant, j'écris un texto : les vœux sont faits pour toi, j'ai mis un beau cierge, tu peux être tranquille,. Quelque fois, mais beaucoup plus rarement, pour une affaire importante, je mets un petit papier plus explicite, en retour je reçois toujours un gentil smile... Personne n'y croit, ça me va !


Cambodge


Prochainement, retour à l'Indre (2), et je n'oublie pas Venise...

Je vous y attends...








7 commentaires:

Brigitte a dit…

J'aime le titre de ton billet ... Jolies retrouvailles avec cette ancienne collègue et si ça lui va d'aller dans une église, pourquoi pas hein, après tout, cela na gène personne ,pas vrai?
Encore un billet plein de chaleur humaine et d'observation .
Bon et excellent week-end Danielle . Je t'embrasse

ELFI a dit…

un billet avec sagesse ... la sagesse et les réflexions de notre âge...

Marie Claude a dit…

En lisant ton billet,je vous ai bien imaginé toutes les deux,avec la joie de vos retrouvailles!
Tu as vraiment le talent pour raconter "les choses simples de la vie" , qui apportent tant de plaisir.
Je mets aussi un cierge,lors de mon passage dans les églises, mais j'aime y aller quand il n'y a personne...
J'oublie à chaque commentaire de te demander des nouvelles d'Alice,j'espère qu'elle se porte toujours aussi bien.
De grosses bises du soir

Brigitte a dit…

En effet Marie-Claude fait bien d'y penser ,comment va Alice ?
Bises du dimanche

Danielle a dit…

Chère Brigitte, merci pour tes visites et tes commentaires qui me touchent...

La belle Alice va. Ken, elle revient d'un petit voyage en Suisse, bronzée...

Gros bisous du matin et à très vite sur mes lignes...

Danielle a dit…

Oui Elfi, belles sagesses de notre âge !

Porte-toi bien à l'approche du froid.

Je t'embrasse fort.

Danielle a dit…

Marie Claude tu as vu juste, nous étions ravies de nous revoir, et puis cette confiance intacte !!!

Tout va bien pour Alice, quand elle est venue frapper à ma porte cette semaine, elle tenait dans ses mains les fameuses petites barres de chocolat suisse, avec le sourire.

Grosses bises fortes du matin.